La joie de la gentillesse

Publié le Catégorisé comme sur le vif
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"Straw Patterns" by David McEachan/ CC0 1.0

Bonjour, bonsoir ! Quand l’époque s’affiche obscène et violente, entre drames et catastrophes, la gentillesse, vue par certains avec condescendance, est une joie et même une grâce que je bois avec reconnaissance et soulagement. Car au fond, c’est dans la gentillesse de l’autre que chacun vient exister. Et c’est bonheur !

La gentillesse spontanée

C’est le cadeau glissé par le voisin, quelques plantes pour le jardin. Pourvu que ça pousse ! Ce sont les enfants croisés en se baladant. Des gamines à vélo, dans leur jeu joyeux à dévaler la pente. Mais on prend le temps de s’arrêter, de saluer l’inconnu et son chien, les uns diraient que c’est de la politesse ordinaire, que cela ne mérite aucune espèce de commentaire, c’est du savoir-vivre « de base », blablabla… Mais l’enfant suivie de la cadette, a ensuite souhaité une belle promenade d’une voix si claire, généreuse et douce que même le chien fut enveloppé de sa bonté.

— Je vous souhaite une très belle promenade !

Dit avec l’accent chantant d’ici, il n’y a pas plus rassérénant.

C’était comme une sorte de bénédiction, un encouragement à cheminer malgré l’air frisquet, une façon de nous donner place dans le paysage… Rien d’un réflexe pavlovien du « dis bonjour… à la dame et au monsieur », mais j’en suis certain plutôt une habituation par l’exemple…

Et ces retraités qui me sauvèrent lorsque pédalant trop fougueusement la pédale gauche s’échappa sous mon pied.

— Ouvre donc le garage !

L’homme sortit ses outils et me fit réparation de fortune. C’étaient eux qui spontanément avaient proposé leur aide. Je n’allais pas si loin, je ne leur en aurais pas voulu de se contenter d’un salut, mais cet « art de rendre service » est très exactement la définition que je me fais de l’élégance.

Et je la souligne d’autant plus qu’elle s’est montrée dans l’improvisation la plus totale, avec simplicité.

J’ai souvent dit aussi, pour peu qu’on leur prête attention, la gentillesse des hôtesses de caisse, qui dépasse la posture commerciale. Elles sont rameuses dans la galère mais elles « lisent » le client dans ce qu’il achète… Ces dames en savent long sur nous. Parfois un c’est un homme, un étudiant qui tente de gagner son quignon pour pouvoir étudier. Alors, la gentillesse est dans la connivence et le respect que nous pouvons établir…

oiseau

Le nez dans le ruisseau

A contrario ces épisodes m’ont rappelé ce jour où, il y a de nombreuses années, dans une petite rue du dixième à Paris, je m’étais fait rudement castagner par deux loubards qui avaient tenté de dérober ma fortune… étrangement, je parvins à repousser leurs assauts ou plus sûrement prirent-ils peur…

J’avais pris des coups de pied dans le torse et la tête, mon nez avaient bien pris du godillot et je saignais comme un bestiau à l’abattoir. Il me fallut un moment pour me relever, rassembler mes esprits, retrouver mes lunettes qui avaient sauté plus loin et rentrer chez moi en tenant de colmater l’hémorragie comme je le pouvais.

Je suis rentré ne trouvant que la force de m’abattre en travers de mon lit.

Dans le choc de l’agression, je me souviens bien avoir ressenti comme une deuxième humiliation, peut-être psychologiquement encore plus dure : celle de toutes ces personnes qui m’avaient soigneusement évité pour ne pas me heurter et surtout ne jamais croiser mon regard. J’aurais été un encombrant, un sac poubelle sur le trottoir, le traitement n’aurait pas été différent. Il se voyait bien pourtant que je n’étais un danger pour personne et vu l’état de mes vêtements, ma tête ensanglantée… il ne fallait pas être grand analyste pour deviner que peut-être un rien d’aide eut-été bienvenu…

Je suppose que la première personne à m’éviter a incité insidieusement la suivante à faire de même… il n’empêche que je me souviens douloureusement de leur indifférence… ça doit faire plus de vingt ans cette histoire…

Lever le nez de son smartphone

Même à l’extérieur, il y a des gens qui ne répondent pas à mon salut car ils ont le nez rivé à leur smartphone. Cela arrive tout aussi bien à la campagne.

Il faudrait peut-être une application qui permettrait de leur envoyer un salut qui s’afficherait sur leur écran !

Si les machines peuvent la servir, la gentillesse aime mieux le présent et le réel. Il faut se rendre disponible. Disponible à la découverte, à l’exploration, à la rencontre…

Touriste, qui vient visiter ces pays, sais-tu ne pas faire seulement collection de paysage mais t’attarder à celles et ceux que tu croises ?

Ranger la défiance et le soupçon

Certes, le margoulin et le bonimenteur ne sont pas au chômage. Il ne s’agit pas de rester naïf ou candide. L’un voudra te vendre un truc inutile, l’autre te faire signer une pétition à laquelle tu n’adhères pas, collecter de l’argent pour une obscure cause ou juste te demander la charité… mais si tu dois savoir « dire non », ce n’est certes pas en fermant portes et fenêtres que tu risques de faire progresser l’humanité. J’essaie de me le rappeler aussi lors des escales « en ville »…

Autrement dit, la gentillesse est dans cette manière d’être, cette attention même à l’inconnu…

Bonne journée et vivent les bons sentiments !

Je n’ai pas parlé ici de la gentillesse entre proches… va-t-elle toujours de soi ? Elle mérite souvent d’être réactivée…

Vincent Breton

Par Vincent Breton

Vincent Breton auteur ou écriveur de ce blogue, a exercé différentes fonctions au sein de l'école publique française. Il publie également de la fiction, de la poésie ou partage même des chansons !

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