On a besoin des bons sentiments

Publié le Catégorisé comme sur le vif
les enfants
"Kids Children" by Jordan Whitt/ CC0 1.0

Bonjour, bonsoir ! Serais-je soudain niaisement inspiré de l’esprit de Noël ? Les bons sentiments n’ont pas bonne Presse. Le ressentiment et la disqualification source de zizanie sont en croissance régulière. Toute forme de « wokisme » supposée est pourfendue. Ça claque à la tribune ou dans certains médias. La guerre continue de prospérer. Le cynisme légifère. Pourtant, nous avons besoin de renouer avec les bons sentiments, non pour achever de sombrer dans la mièvrerie mais au contraire pour reconnaître en chacune et chacun cette dignité de l’autre, cette capacité à être uniques, différents et pourtant semblables, en humanité et potentialité créative, individuels et solidaires.

Nous en avons besoin

Nous en avons besoin, car nous courons à notre perte. Sous couvert de rationalisme, de propriété, de raison, de chiffres opposables, nous finissons par nous nier comme nous nions l’autre. Le sentimentalisme serait de ne penser aux miséreux que le soir de Noël, leur offrir un peu de chocolat puis dès le lendemain se rendre à ses affaires comme si rien ne devait changer.

Les bons sentiments ne suffisent pas à changer le Monde, mais ils sont nécessaires pour le sauver et le transformer.

Les bons sentiments ne se contentent pas de faire porter un uniforme pour masquer la misère, ils vont jusqu’au bout de l’injustice et autorisent chacun à s’affirmer en respectant l’autre.

C’est l’exactitude jamais accomplie de la devise républicaine française que nous devons revisiter et propager.

Les bons sentiments demandent plus de courage, d’éthique, d’attention engagée.

Ils sont révélation et élan, ce moteur formidable de la générosité. Ce n’est pas sans colère que l’Abbé Pierre créa les compagnons… son projet bien plus qu’un simple appel à la charité est émancipateur et donne sa chance à chacune et chacun : celui qui donne, celui qui reçoit et agit à son tour pour lui-même puis pour les autres…

On peut obtenir la Paix par l’anéantissement du supposé ennemi. Ou bien, on peut oser changer de paradigme.

Il fut un temps où la non-violence était bien comprise comme une force.

Dès lors que nous les voyons en action, non pas comme un catéchisme gnangnan et sirupeux mais comme une démarche, on ne peut qu’admirer les résultats des bons sentiments. Mille fois l’histoire l’a démontré. L’inverse mène à la mort.

La bonté des faibles

Je pensais à la chanson de Bertin.

©Jacques Bertin

Je voudrais être bon, de la bonté des faibles
De la bonté des barques bleues, des lits défaits
Des remises dans le fond des parcs, des gloriettes
Effondrées, être bon et faible tout à fait
De la bonté des vieux tricheurs dont le cœur baisse
Qui savent qu’ils ont tout à perdre, et à gagner
Rien, sauf qu’ainsi enfin, peut-être, on reconnaisse
Dans les yeux de l’homme défait l’enfant des fées
….

Alors voilà l’humain capable de renouer avec son fameux enfant intérieur. Ne pas se faire honte, être bienveillant et d’abord avec soi.

Ni victimisation, ni refus de l’émancipation mais attention reconnaissante et recherche de ce qui est bon. Nul sacrifice ne vaut s’il ne permet de grandir, se grandir, marcher, avancer…

Nul progrès n’est valable s’il nuit à la vie, à autrui. Alors, avoir des « bons sentiments » responsabilise. Mais comme la devise républicaine, il faut s’engager à les incarner en sincérité. Donc avec éthique et prudence.

La question n’est pas de se situer par rapport au mal, de se figer dans la moraline, risquer de devenir Tartuffe ou de devenir procureur. La question est de tenter d’être ce que l’on attend d’autrui. Pour soi, pour l’autre. D’être autonome mais que la coopération puisse s’exprimer et montrer sa force.

Nulle naïveté dans l’expression volontariste de cette possibilité. Certains voudront continuer d’accaparer pouvoir et richesse. La démocratie si elle est courageuse doit être capable de pointer ce qui se bâtirait aux dépens d’autrui.

La créativité, l’invention et l’expression doivent permettre d’enrichir la pensée comme le répertoire de sensations ou autrement dit, l’art est là pour relier, nous élargir, nous transformer, nous révéler et nous aider à nous émanciper des doxas closes sur elle-mêmes.

Le nihilisme est la forme suprême de la lâcheté. Il impose des limites à la tolérance. Mais ce n’est jamais en adoptant les méthodes du terroriste que l’on fait avancer sa propre cause. Nous avons des exemples multiples partout.

Ils ne sont pas une fin en eux-mêmes, mais ils s’imposent et peuvent être un besoin.

L’exemple du réseau thread

On l’avait déjà un peu vu avec les instances Mastodon mais c’est en ce moment ce qui apparaît sur le nouveau réseau social Thread. Peu importent les intentions de Meta qui l’a lancé : ses contributeurs répètent souvent qu’ils n’ont pas envie d’y retrouver le climat délétère de Twitter, ex X. Ils ont compris que les toxiques ne tarderaient guère à se pointer mais qu’il fallait plutôt les signaler et les bloquer pour les invisibiliser que se laisser contaminer.

C’est une forme d’auto-régulation intéressante, certainement difficile à tenir mais où les revendications d’échanger et de « faire le buzz » avec autre chose que de la haine, du harcèlement ou de la disqualification sont clairement mises en avant.

Cela permet aussi de découvrir des personnes sensibles et humanistes, des images positives et encourageantes, qui n’ont pas peur d’afficher leurs « bons sentiments », ce qui ne les empêche pas d’être d’une grande lucidité par ailleurs. Mais l’aspiration est claire. Ils n’en peuvent plus du climat de haine et se refusent à mettre du petit bois à son feu.

L’exemple de la série « Anne avec un E »

Je suis tombé par hasard sur cette série canadienne. Au premier abord elle pourrait sembler assez lénifiante et rappeler « La petite maison dans la prairie » d’antan . On y voit pourtant des personnages capables d’évoluer « positivement », devenir moins veules et plus tolérants même si tout n’est pas rose et que certains des personnages resteront du côté des « méchants ». Un certain nombre de personnages parviennent même à réfléchir à leur propre vie, comprendre les causes de leurs difficultés et la question du conflit entre choix et devoirs est clairement posée.

Et dans cette affaire de bons sentiments, c’est justement ça l’axe majeur de la démarche. C’est-à-dire le parti pris du choix sur le devoir.

Si je choisis d’épauler une personne pour l’aider, la démarche est tout autre que celle de faire la charité par devoir. Très probablement d’ailleurs y-a-t-il une grande différence pour celui qui en destinataire entre la charité et la solidarité. La première réduit à sa condition sans perspective réelle. La deuxième crée les conditions grâce à l’équité, de pouvoir se prendre de nouveau en mains, de émanciper de son destin … et probablement d’épauler quelqu’un d’autre le jour venu…

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Vincent Breton

Par Vincent Breton

Vincent Breton auteur ou écriveur de ce blogue, a exercé différentes fonctions au sein de l'école publique française. Il publie également de la fiction, de la poésie ou partage même des chansons !

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