Bonjour, bonsoir ! Ce n’est pas de la déprime, ni de l’épuisement, mais de la fatigue. Elle encombre, on voudrait d’abord feindre de l’ignorer, la repousser, la nier puis il faut l’accepter comme une escale, une invitation à la nécessaire vacance. La voir comme une étape… et même accepter de se chouchouter un rien.
La vacance du pouvoir
Sur un perron, la télévision nous montrait hier : une dame aux traits tirés qui s’en allait, un vieux monsieur l’air crispé, en petit manteau, qui venait la remplacer avec la trouille de finir comme elle. Nous sommes déjà fatigués de la mise en scène. Une femme est morte de froid dit-on la nuit dans la rue. On ne saura jamais son nom.
C’est la chanson triste de l’actualité. Dehors, il fait un peu froid. Les averses de neige promises ne sont pas venues. On se moque vraiment de nous !
Elle rampait depuis quelques jours cette fatigue dans la maison. Le froid qui resserre autour de la cheminée la chatte et le chien et certainement la bonté des choses terminées l’ont invitée à s’immiscer ici.
J’ai, je crois achevé les rangements, les installations, remodelé le salon, trié, amélioré… cette fois le petit nid est aménagé pleinement.
Sentant la faille propice avant l’étape suivante, la fatigue s’est invitée comme une louve discrète…
La journée passe trop vite !
C’est ce que je disais hier sur les réseaux, tant les journées sont pleines et c’est vrai que non seulement je ne m’ennuie jamais, mais je fais peu de pauses… Souvent c’est une façon de mettre la fatigue de côté.
Je m’agace parfois du jour qui tarde ou de la nuit qui tombe trop tôt en hiver. On fait moins de choses quand il fait sombre. C’est Christian Bobin qui disait qu’on reconnait les gens fatigués « à ce qu’ils font des choses sans arrêt »... ce qui évite aussi d’une certaine façon de prendre des nouvelles de soi…
Cela ne m’a pas empêché une récréation sur le causse. Deux chevreuils porte-bonheur ont bondi sous notre nez ébahi dans un frou-frou gracieux. Le chien est resté un moment à humer leur passage dans l’air.
Side by Side
Quand la fatigue se fait sentir je me lave l’esprit au jazz. C’est un vieil album de 1959 acheté par la reine mienne mère qui coule sur la platine sans craqueler (l’album pas la mère) . Je suppose que bébé, je l’entendais déjà du fond de mon berceau (l’album) .
C’est exactement la musique qu’il faut à ma fatigue. C’est gracieux, chaud, nostalgique et pas triste pour un sou, mais tellement empli d’humanité…
Procrastiner ?
Rien ne presse, mais à procrastiner un rien, la culpabilité viendrait presque. Si jamais je mourais avant de terminer tout ce que je veux faire hein ? Ben ce serait comme ça. Ça ne manquerait à personne qu’à mon propre plaisir si j’étais vivant.
Ce qui compte surtout c’est de ne pas mourir en colère. Mon grand-père dont vous voyez plus haut le joli visage sur la cheminée, est mort apaisé chez lui, avec ses chiens. Son visage était paisible.
Ma mère est morte en colère à l’hôpital pour une cigarette refusée par une conne d’infirmière qui ne savait pas qu’elle avait droit à la clope dans sa chambrette. On refuse pas la cigarette au condamné c’est bien connu pourtant !
Elle sait y faire la fatigue pour aller vous chercher d’étranges souvenirs tristes.
Si je mourais là-bas sur le front de l’armée
Tu pleurerais un jour ô Lou ma bien-aimée
Et puis mon souvenir s’éteindrait comme meurt
Un obus éclatant sur le front de l’armée
Un bel obus semblable aux mimosas en fleur...
[Guillaume Apollinaire]
J'ai oublié la suite...
Mais oui, la fatigue invite à ne pas se lancer trop vite dans la suite...
N'oubliez pas mon triptyque "apprendre, créer, transmettre" .... mais j'ai encore quelques hésitations dans les projets et leur ordre d'apparition.
Donc considérez que je souffle et flotte doucement dans l'air du temps.
Ce matin, je me demandais, si je n'étais pas totalement has-been ? Mais je l'étais déjà ado je crois.
Portez-vous bien !
La môme néant
- Quoi qu'a dit ?
- A dit rin.
- Quoi qu'a fait ?
- A fait rin.
- A quoi qu'a pense ?
- A pense à rin.
Pourquoi qu'a dit rin ?
Pourquoi qu'a fait rin ?
Pourquoi qu'a pense à rin ?
- A' xiste pas.
Jean Tardieu
