Bonjour ! bonsoir ! Je vois votre fatigue. Le solstice n’est pas encore là. Pas vraiment non plus l’heure des bilans, des promesses, des projets. Dans le petit carré de jour qu’il reste entre deux averses, je vous vois affairés, parfois crispés, inquiets ou énervés, fatigués… Un peu plus de café pour les uns, de vitamines pour les autres et tout ça sur fond de crises et de guerres. Je vous vois un rien désemparés, alors, tu parles la poésie là dedans !
Affairées, crispées, inquiètes
Beaucoup de Elles encore à tenir seules les cordons de la bourse, compter, chercher dans les boutiques, penser à qui inviter à la Noël, quelle recette prévoir entre tradition et surprises… ne pas décevoir et pourtant cette inquiétude. Il faut que ça tienne, que ça passe et se priver doucement, discrètement pour les gosses…
« Cette année on ne fera pas de cadeaux aux grands » avait-elle juré, mais ce serait déshonneur que personne ne reçoive ces petits riens qui de riens en riens vont s’ajouter au vertige de la liste et du moins au budget.
Une conversation surprise au coin de la rue. « Oui, on est bien contents qu’ils viennent, mais c’est plus comme avant… »
Avant tu comprends, on chauffait la maison comme on voulait sans penser à la dépense. On se gavait un peu, mais ça faisait des bons souvenirs et des emballages en vrac jusqu’au plafond. Les enfants riaient.
Cette année, pas d’épidémie en vue pour avoir l’excuse de se cacher. La télévision on ne l’allume plus avec toutes ces guerres. Et la politique, personne n’y croit plus. Ça va pas changer tout ça, ou en pire. On aimerait des bonnes nouvelles. On cherche des histoires de petit chat qui fait des bisous à une vache, sur Insta.
Au travail, la cadence est soutenue, il faut remplir les rayons, pousser le charriot, pas se plaindre, ça pourrait être pire… S’avachir le soir dans son canapé devient une récompense.
Les ados sont fatigués
Ils se regroupent encore vaguement dans la galerie marchande. Certains n’osent plus croire à la fête. Les bulletins du premier trimestre risquent de casser l’ambiance. Les cours traînent. Il faudrait que tout ne soit pas joué d’avance. Ils ont entendu qu’on allait leur faire porter l’uniforme… « Tu crois qu’on sera comme [dans la série] Élite ? «
Non, il n’y aura pas de cravate chic. Avec les cravates on peut s’étrangler. Ou se faire étrangler. Quand j’enseignais rue de Tanger, un élève m’avait appris à faire un nœud qui évitait ce risque de se faire saisir au col.
Où ai-je entendu que certains adolescents n’avaient jamais lu de roman en entier. Pas même un Barjavel, un Clavel, encore moins Balzac ou Zola. Musso tu crois ? Heu… Alors, leur offrir un bouquin, tu n’y penses pas…
Les mecs klaxonnent sur la départementale
Ils sont pressés. Sous mes yeux, il y en a un qui dérapé, s’est repris de justesse, passé pas loin du précipice, ça change des repris de justice, du mépris des machos injustes et graveleux. Aujourd’hui, on ne peut plus tranquillement mettre une main aux fesses, même avec l’excuse d’un coup de trop dans le nez.
Un grand acteur s’achève indigne et des dames de vertu s’offusquent encore d’un rien. Vous énervez pas. La polémique c’est pour les rézosocio-pathes. Et puis vous êtes trop fatigués même pour ça.
Plus énervés que fatigués. Buvez pas trop. Si, bien fatigués en fait.
Chouchoute toi…
Petit échange avec M qui était tout fatigué. Toi, la fatigue se voit, quand c’est pas trop, elle souligne la douceur de tes traits. La beauté et la profondeur de ton regard qui vogue un peu plus dans l’air. Comme tes longs cheveux. Tu as bien raison de partir au bout du monde te faire chouchouter, goûter un peu de chaleur…
À contretemps
Je regarde votre fatigue, ce tempo qui ne va pas et vous piège. Je sors de la mienne. Je fais des « grasses-mat » jusqu’à 7 heures, le luxe !
Je commence à me laisser chatouiller par les projets nouveaux. Premier hiver ici, premières envies d’écritures longues… C’est pas le sujet.
Quand je suis fatigué je laisse malgré moi les portes des placards ouvertes, ou le tiroir à chaussettes et je perds mes objets dans la maison. Je passe de longues heures à errer pour tenter de comprendre comment mon cerveau a-t-il eu l’idée saugrenue de me faire déposer mes lunettes dans le réfrigérateur ? Distrait.
Votre fatigue je la vois, je la console comme je peux, mais je suis dans ce cheminement, je guette où sont les belles histoires, les beaux visages et les paysages incroyables dont je ne cesse de m’éprendre.
Dans la rue, une chienne énervée s’est jetée sur Galou. Il est tombé mon vieux compagnon, il a eu bien du mal à se relever mais du courage. Il m’épate lui, car il met toujours sa fatigue derrière sa joie quand il s’agit de partir à l’aventure…
Prenez soin de vous les connus et les pas connus !
Je pense au poème de Lucienne Desnoues :
Fêtes fixes, fêtes mobiles
Fêtes fixes, fêtes mobiles
Illuminent les agendas
Vive Marie ! A bas Judas !
L'orgue gémit, l'orgue jubile...
...
Noël au ciel de diamant
Vendredi Saint au ciel de bile
Je n'ai jamais compris comment
Naissance et mort du Dieu aimant
L'une est fixe et l'autre est mobile
Jamais bien saisi vos algèbres
Jamais bien cru qu'il y ait lieu
Qu'il soit fondé qu'on vous célèbre
Ô les fêtes, les Fête-Dieu
Un rien pourtant mon cœur se range
Sous vos bouquets, vos rituels
Aux encens mon chant se mélange
Vers vous, Madone, vos archanges
Cruellement éventuels
Hélène Martin – qui nous manque fort – , la chantait si bien !
En savoir plus sur Vincent Breton
Subscribe to get the latest posts sent to your email.