La semaine qui vient de s’écouler a été consacrée au tri de textes, vieux poèmes et chansons qui ont été nombreux à rejoindre la poubelle. C’est bien le prix pour changer de vie !
Mais ces premières épreuves n’étaient rien. Maintenant, je me suis promis de m’attaquer à la bibliothèque. Oui il s’agit de se séparer des livres. C’est à dire qu’il va falloir se coltiner le tri et la sélection des livres qui « continueront le voyage » avec moi… En réalité, je serais incapable de me séparer des livres, de tous les livres. Mais je veux oser aussi m’alléger de certains. Pour redessiner la bibliothèque et l’ouvrir ensuite à de nouvelles arrivées…
L’inventaire impossible
La dernière fois, pour le dernier déménagement, c’était déjà près de soixante-dix cartons de livres qu’il avait fallu remplir. Et encore, j’en avais déjà laissé un peu…
La plupart des rayons accueillent les bouquins sur une double rangée. Il faut savoir où ils se cachent pour les retrouver. Certaines étagères ploient. Je sais en général où retrouver le roman que je cherche, mais parfois je mets du temps… parfois je ne le retrouve pas. Livre perdu, livre emprunté jamais revenu, livre oublié dans un coin de la mémoire…
Il n’y a rien de plus fastidieux et pénible que des cartons de livres lors d’un déménagement. Les disques trente-trois tours, c’est pas mal non plus… Mais la discothèque, je m’en occuperai après… ce ne sera pas plus facile.
Cette bibliothèque est d’abord faite (j’avais écrit « fête ») d’apports du passé : dictionnaires Littré d’un arrière grand-père, quelques livres de mes grands parents, beaucoup de ma mère…
J’avais encore à Paris une importante bibliothèque de livres d’enfant. Je me suis séparé de la plupart d’entre eux… et je l’ai parfois regretté. Mais il en reste, tout comme les bandes dessinées venues du répertoire « classique » mais que j’aime relire depuis toujours…
Ma mère avait une formidable bibliothèque de livres de cuisine. Je me réfère seulement à quelques uns, j’ai donné les autres.
Il y a ici une incroyable collection de romans policiers. Certains de la « série noire », d’autres pas toujours de grands titres que ma mère achetait dans les gares, lorsqu’elle voyageait.
Des livres anglais ou espagnols et puis tout un mélange de bouquins du début des années 70, époque du premier « retour à la terre »… des vieilles choses, des romans de toutes sortes…
J’ai enrichi ensuite avec mes « japonais », les Bobin, les Le Clezio ou Sylvie Germain, les Miguel Del Castillo … la poésie. Ceux là resteront !
Cette bibliothèque qui m’a accompagné et a grandi au fil de ma vie, qui a vieilli aussi au fil des déménagements et des lectures, me décrit certainement mieux que tout autre portrait. Ces livres m’ont construit, ils ont veillé sur moi. Ils ont été les compagnons les plus fidèles, les plus discrets, les plus patients.
Il reste encore quelques livres du temps de ma carrière professionnelle. Mais ceux là sont pratiquement tous partis pour m’éviter la tentation de replonger dans quarante années d’enseignant ou de formateur.
Oui, il va falloir que je me penche sur les rayons avec une certaine sévérité…
La compagnie des livres
Parmi ces livres, certains ont peut-être pesé aussi, comme des souvenirs obligés, accrochés à mes pattes, m’empêchant de m’émanciper, de m’évader vers d’autres horizons.
Il y a ces cadeaux, ces dédicaces… une place à part.
J’ai souvent emprunté des livres dans les bibliothèques, souvent de belles rencontres mais qui n’étaient que des amoures de passage…
Il y a des livres que je relis parfois, d’autres seulement pour me remémorer un passage : en réalité ceux-là, je les sais presque par cœur.
Lorsque je relis un roman, je ne relis pas seulement une histoire, j’ai l’odeur des pages et je me souviens aussi de « notre première fois » ensemble. Je me souviens parfois de la chambre où j’ai pu lire certains, du lit où je me trouvais, de la mollesse des coussins ou du matelas, de l’ambiance dans la maison, de l’âge que j’avais…
Il y a ceux que je ne relis jamais, mais je sais qu’ils sont là. Comme des « gris-gris » . Leur présence me rassure lorsque j’écris. Ils sont dans mon dos.
À force aussi, la présence sourde de certains de ces livres m’a retenu en arrière. M’a empêché peut-être d’aller à la découverte de nouveaux univers. Il faut sortir du cadre. Découvrir de nouveaux horizons, sortir de sa zone de confort littéraire.
Grandir, c’est se séparer !
Trier, ranger, donner…
Certains sont obsolètes par leur contenu, d’autres usés comme des vieillards, leurs pages tombent… Il y a quelques élus avec lesquels j’entretiens un rapport de proximité. Chaque livre a son histoire et va tenter de prouver sa légitimité à rester.
Mais il faudra que certains comprennent que l’heure est venue de nous séparer. Ils trouveront bien de nouvelles familles d’adoption. Ils voyageront peut-être dans des univers nouveaux pour eux…
Si je donne à des personnes que j’identifie, j’aime bien aussi faire le tour du pays et enrichir les « boites à livres ». Je suis toujours repassé devant les boites où j’avais pu déposer des bouquins et j’ai souvent éprouvé un vrai sentiment de bonheur en découvrant que « les miens » étaient partis les premiers…
Comme les textes l’autre jour, je pourrais me dire : « Et si je ne devais en garder que vingt, ou dix ou un seul ? Lequel garderais-je ? «
Spontanément j’ai pensé au « Livre des nuits » de Sylvie Germain. Je me suis levé. Il y a bien « Nuit d’Ambre »… mais lui je ne le retrouve pas. Il n’est pas dans la bibliothèque ? Est-ce possible ?
Je garderais donc… le « livre qui manque ».
J’étais persuadé qu’il était là. L’aurais-je prêté ?
Maintenant, ça ne va pas louper, je vais fouiller la bibliothèque pour tenter de le retrouver. C’est perturbant. Je ne comprends pas pourquoi il n’est pas là. Ça va me turlupiner toute la soirée…
Vous voyez, les jours qui viennent ne seront pas les plus simples !
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