J’ai beaucoup (trop) parlé des réseaux sociaux cette semaine. J’ai explicité que j’ai quitté les réseaux liés à Méta et comment. Au delà des enjeux politiques ou de la santé mentale, le problème des réseaux est ce que l’on en fait. Pour moi un bon réseau est celui qui me permettra d’apprendre des choses enrichissantes et de communiquer mais surtout à terme de favoriser une activité dans le réel, une rencontre, une découverte, un partage. J’ai parfois retrouvé des amis du passé, pu voir naître d’amicales complicités, rarement pu découvrir de nouvelles personnes. Qui trop embrasse mal étreint. Ce qui me frappe c’est aussi l’écart de posture presque schizophrénique entre notre vie « virtuelle » et le quotidien concret que nous ne devrions pas délaisser.
Un humain derrière le pseudo
Si parfois certains se travestissent, se masquent, les unes ou les uns pensant devoir (ou pouvoir) se protéger, les autres pour cracher leur venin, les réseaux sociaux, devenus souvent de simples médias soumis aux algoritmes, hébergent tout de même de « vrais humains » plus ou moins addicts, plus ou moins dépendants… Si ce n’est pas la vraie vie, nul doute que cette activité joue sur l’humeur et la disponibilité au réel.
Une personne qui se sera faite agresser sur un réseau social risque de modifier son comportement dans la « vraie vie ».
La puissance du soupçon généralisé, fait que les réseaux sociaux s’ils sont utilisés pour des « révoltes ponctuelles » comme celle des « gilets jaunes », ne parviennent pas du tout à fédérer un mouvement puissant de transformation de la société. On joue sur les seules émotions et la défiance fait sa loi.
Juste garder ça en tête.
Si j’ai quitté les réseaux toxiques, ce n’est pas par mépris des abonnés mais par refus de me soumettre aux géants du Web qui prennent le dangereux virage de l’extrême droite par intérêt économique et lâcheté.
L’écart avec le réel
Dans le petit village où je vis, la majorité des gens ont un compte Facebook. Il n’y a aucune insécurité, je ne croise que des touristes mais pas de migrants ou si peu et pourtant l’extrême droite obtient des scores importants.
Lorsque je rencontre des personnes, si certaines peuvent se montrer réservées comme dans tout groupe humain, dès lors que le dialogue s’ouvre, c’est la gentillesse et l’attention qui s’expriment et dominent. Les gens savent éviter les sujets qui fâchent. Ils aiment que l’on s’intéresse avec sincérité au pays. Par exemple, on m’a dit à plusieurs reprises apprécier que je vive ici à l’année et non seulement pour quelques mois de vacances comme nombre de touristes qui peuvent avoir une attitude de « colons ». La vie est dure pour nombre d’entre eux même si le cadre naturel influence positivement la vie.
Il y a un écart considérable entre l’animosité observée sur Facebook y compris dans les groupes locaux, les sous entendus racistes, l’agressivité et la mise en cause des personnes et la réalité des échanges quotidiens.
Les réseaux locaux
Que ce soit les associations, les rencontres informelles chez les commerçants, le public qui se retrouve au cinéma ou au spectacle… quand il y a peu de monde, les gens finissent par se connaître et se reconnaître. Si Edgar Morin venait nous étudier (ou ses successeurs), il identifierait certainement de nombreux réseaux et liens qui tissent la vie sociale.
J’avoue que j’aurais encore du mal à me rendre au repas des anciens, l’étiquette de vieux me collant mal à la peau, mais il existe toute une vie comme les fêtes votives ou une vie culturelle qui n’a rien d’indigne.
Se montrer disponible
Il fut un temps où la gauche maillait les territoires, animait les réseaux associatifs et de solidarité. Ce n’est plus vraiment le cas et c’est sur cette absence que l’extrême droite a pu diffuser son venin et prospérer en disant des bêtises.
Au delà, je crois intéressant aussi de se montrer toujours « disponible ». Bien sûr il faut parfois résister à des sollicitations excessives (encore que la générosité ne soit pas un défaut), on peut aller par le monde sans naïveté, mais je crois que cette disponibilité et cette attention restent hautement gratifiantes et plaisantes.
Il faut non pas se forcer, mais se montrer vigilant à ne pas manquer les opportunités. Comme il y a en moi un réflexe conformiste et la crainte parfois de déplaire, je dois me surveiller pour ne pas renoncer à ce que je veux être, à mes priorités… mais cet équilibre à trouver, cette ouverture vers l’autre, se trace clairement dans le cheminement de tous les jours.
Je pense en écrivant cela à ces émissions de télévision où l’on voit des garçons partir « nus et culottés » tandis qu’un autre qui ressemble à Graeme Allwright s’invite à dormir chez les gens du bout du monde… Et l’on est étonné de voir que ça ne se passe pas si mal. Alors pourquoi pas plus près de nous ?
Il y a à mes yeux – et je le dis pour moi même – une sorte de vigilance à avoir pour que l’habitude ou le rythme trop accéléré ne nuisent pas à ces liens. C’est affaire de jardinage. De patience. D’attention.
Écrire des lettres
Une chose que j’avais déjà dite. Toute une partie de ma vie j’ai écrit beaucoup de lettres, à la main. Puis l’habitude est tombée bêtement en désuétude. J’adorais pourtant tout autant recevoir qu’envoyer. Je trouvais que c’était des très beaux gestes que ces lettres où l’on se racontait avec patience et bienveillance.
Je trouve triste ce renoncement, cet oubli. Je me dis qu’il faut que je réactive cela, plus volontairement et que je collecte des adresses qui manquent. Une vieille madeleine, une nostalgie peut-être difficile à réveiller.
C’est comme aller au café, depuis le confinement, c’est devenu si rare…
Alors les réseaux ?
Sans sombrer dans la dérive des sites de rencontre, j’aimerais bien que nous devenions plus attentifs à proposer là d’aller vers tel spectacle, ailleurs d’évoquer une rencontre sur un salon du livre ou pour découvrir quelque chose.. Là aussi, il me semble qu’il y aurait à creuser et développer de nouvelles pratiques…