L’heure est de ranger juillet. J’aime depuis toujours les calendriers. Effeuiller l’éphéméride. La canicule nous séquestre mais les projets fourmillent. Alors, il faut choisir. Entre exploration et compréhension, écriture et lecture, absences et retrouvailles… Parfois on dirait que les gens font diversion. C’est l’été qui veut ça. Ne pas être trop sérieux. Puis des attachements naissent, heureuses surprises. Hier soir, lorsque nous sommes rentrés tardivement de la rivière, il y avait au portail, devant la maison, un chevreuil. Chance et récompense. Avant de s’échapper, l’animal m’a regardé. Droit dans les yeux.
Étranger aux jeux.
J’ai déjà parlé de ces disputes à propos de la cérémonie d’ouverture des jeux olympiques. De là où je suis tout me semble si loin, si vain. Je n’ai jamais compris cet enthousiasme par délégation. Enfin, je ne me retrouve pas dans ces fêtes obligées et encore moins dans les relents de nationalisme. Amusez-vous donc sans moi, j’ai mieux à faire. Mais je ne cesse de penser à tout ce que la fête veut masquer. Cette indécence. Cet ennui qu’il faut dissimuler par un enthousiasme surfait. Fête faite pour ne pas changer le monde. Fête subventionnée par Coca Cola responsable majeur de l’obésité mondiale. Je ne voulais pas tenir de propos tristes, mais je ressens une forme d’oppression dès que j’allume la télévision.
Toutes ces choses à faire
Parfois je suis presque découragé devant toutes ces choses à faire avant de mourir. Aurais-je le temps ?
Ici, la profusion de paysages extraordinaires à explorer me donnerait le vertige. L’Occitanie me subjugue. La nature prolixe et les traces humaines au fil du temps font une histoire forte comme un conte pour enfant. Un fil tracé depuis la préhistoire, coloré par le Moyen-Âge, avec les difficultés d’un Rouergue traversé, battu par les guerres et les fléaux. Et puis l’Aveyron est ce département qui a compté plus de 400 000 habitants dans les années 1890 avant de tomber à à 263 000 à la fin des années 90. Les ravages de la grande guerre se lisent sur les monuments. Les gens ont payé plus qu’ailleurs. On envoyait les paysans au front. Devant. Triste litanie. Aujourd’hui le pays se repeuple, mais ce n’est pas sans contradictions. Il reste quelque chose qui résiste à l’insouciance.
Je suis donc partagé entre tout ce qu’il faut voir, découvrir… et ce qu’il faut comprendre en y revenant, en prenant place dans le paysage, en écoutant les gens parler. Prendre le temps. Il me reste combien ?
Ici, la deuxième langue est vraiment l’anglais. Les dames anglaises parlent mieux le français que leurs maris. Les petits chiens anglais ont une attitude assez retenue vis à vis de Galou. Limite dédaigneuse. Il n’en prend pas ombrage, chien débonnaire.
Écritures
Mes projets d’écriture me divisent. C’est un peu ce que je tentais de dire dans la chanson d’hier. J’écris à la périphérie de ce qu’il serait important et fort à écrire. Pour cela, il faudrait prendre vraiment le temps. Et ne pas se laisser influencer. C’est un travail sur soi. Ce n’est surtout pas une question de thérapie ou de vider son sac. Mais plutôt de parvenir à toucher ce qui compte, à trouver la note juste. Un mélange de cohérence, de vérité, de sincérité, de justesse. La poésie n’est pas une question de dosage, d’adjuvants bien choisis.
J’ai tenté, il y a peu, de ne pas écrire pour prendre du recul. C’est impossible. Comme une addiction, je suis en manque dès que je n’écris pas. C’est comme lire. C’est trop douloureux.
Je suis non pas hésitant, mais dans cette période où je dois laisser un certain nombre de choses s’aligner. Comme la barque qui se met dans le bon fil du courant. Il faut pourtant se méfier de ne pas se laisser porter par une forme de facilité sans se torturer inutilement.
L’écriture c’est comme le bois que l’on travaille. Ça ne peut pas se forcer au risque de briser la ligne.
Fermons juillet
C’est pour cela que j’aime fermer chaque mois. C’est fait. C’est compté. Les comptes du mois, les factures, le loyer.
Regardons août ! Gamin, c’était un mois de liberté où nous avions la chance de commencer à pouvoir toucher l’ennui et faire des bêtises. J’ai des souvenirs de Provence, de piscine, de cabane où il faisait une torpeur terrible, les cigales étaient assourdissantes. Et les adultes endormis à l’heure de la sieste nous laissaient une paix royale. L’époque était déjà caniculaire et l’eau pouvait manquer. Nous en parlions peu. Nous trouvions des nids de guêpes derrière les volets. Il fallait prendre garde.
Il y avait en août ce moment où nous avions le droit d’être nous mêmes sans rendre des comptes.
Cette nuit, au jardin, j’ai vu un ciel d’étoiles extraordinaire. Le pays me tient dans sa main. Le chien souffre de la chaleur. La pastèque est douce à nos lèvres. Il l’aime aussi.
Les comptes sont clos. Fermons juillet. Vous amusez-vous un peu ?