Connaissez-vous l’insouciance ou l’avez-vous vécue ? On prête ce luxe à la jeunesse. Tour à tour on l’envie ou la rejette. L’insouciance comme la jeunesse d’ailleurs. Le monde est promis aux compétitions les plus cruelles, à la guerre, aux drames et aux inquiétudes : il serait indécent d’être dans le luxe de l’insouciance. Se laisser envahir de soucis, laisser le flot des ennuis à venir commander notre vie n’est peut-être pas plus malin. Mais l’insouciance peut-être utile pour nous retrouver avec nous-même.
Ignorance ou indifférence
« Je ne veux pas savoir ! » dit l’un, comprenant que la vérité pourrait troubler son confort. On accorde souvent à « la magie de l’enfance » le droit de ne pas être si tôt troublée par les ennuis du monde. « Tu comprendras plus tard »... Mais l’enfant questionne, il veut déjà savoir.
Celui qui prétend vouloir ignorer, pressent le drame.
Celui qui est tenu dans l’ignorance pour préserver son innocence est maintenu en esclavage.
Pire encore, est l’insouciance du nanti. Son portefeuille est plein, il n’a aucun ennui pour se loger, se nourrir, il ou elle peut traverser le monde à toute allure sans autre empêchement que le sourde réprobation de quelques défenseurs de l’environnement vus comme des mauvais-coucheurs. Il n’en à rien à faire. Impudence des rois. Certes, quelques uns des très riches feront la charité pour se donner bonne conscience, pour acheter leur ticket d’insouciance, mais « leurs affaires » devraient rouler sans encombre. C’est l’insouciance égoïste qui n’est pas très éloignée de celle des gouvernants qui ne cherchent qu’à conserver le pouvoir au prix de l’impéritie et d’opportunisme…
Dans une interview à propos de la situation politique en France en juillet 2024, le président de la République à réclamé une « trêve politique » pendant les jeux olympiques. Comme un droit à l’insouciance qui fait hurler celles et ceux qui pensent qu’il y a des mesures d’urgence à prendre… mais non, nous sommes priés de nous amuser et de nous unir dans l’insouciance nationale. Panem et circenses
Se laisser vivre n’est pas bien vu. Il peut y avoir une sacré désinvolture à se laisser aller à l’insouciance…
Vivons heureux en attendant la mort
C’était le titre d’un petit bouquin du regretté Pierre Desproges moins anecdotique que son humour ne pourrait le laisser penser. En réalité, s’il veut arracher des moments de bonheur, l’inquiétude de la mort, le sombre augure du cancer, nous montrent un bonhomme qui tente de sauver les meubles en feignant l’insouciance par la dérision…
Combien de fois sortons-nous les bonnes bouteilles pour nous amuser ? « En voilà une que les boches n’aurons pas » disait-on pendant la guerre…
Oh, je vais ! dans la joie du vent !
Oh ! Je vais, dans la joie du vent, je m’en vais délicieusement
Traversé, de sensations légères, de parfums, de la brise du vent
Oh ! Je vais, amoureusement fiancé à mes souvenirs d’enfant
Je fais des sauts dans les flaques de soleil, je m’émerveille !
Ceux qui me voient passer avec ma crinière blanche
Doivent me trouver singulier quand je souris aux anges
Quand j’ose sautiller d’un pied léger l’insouciance
Vient me désigner, pour moi c’est toujours dimanche !...
Dans mes textes je glisse souvent des allusions à l'insouciance. Et c'est alors comme une récréation osée.
L'expérience, la peur, fait pourtant que ça devient difficile : les attentats, l'épidémie de COVID... Autrefois, au moment des jeux olympiques -alors que pourtant il y eut des attentats- je n'avais pas d'inquiétude particulière. Aujourd'hui j'ai vu que je n'en étais pas à me demander s'il y avait le risque d'un attentat, mais quand aurait-il lieu ? Cassandre à force de prophéties pourrait induire plus de malheurs encore, la peur étant fort mauvaise conseillère...
S’autoriser des moments sans inquiétude, ni culpabilité
S’il convient de ne pas nier le réel, de ne pas évacuer les difficultés en se montrant indifférent, il faut aussi savoir lâcher prise parce que je ne peux seul porter tous les problèmes du monde. Je dois faire ce que j’ai à faire ou mieux encore, choisir sur quoi je peux agir pour transformer des difficultés en solutions… mais ce n’est pas le ressassement ou le faux contrôle minute par minute des informations ou de la notification des drames que je serai plus efficace pour les réduire…
C’est en réalité en m’autorisant à agir sans inquiétude ni culpabilité, que je peux à la fois me rendre disponible à tout ce que le présent, le réel du quotidien peut m’apporter… et de fait par ce recul, je pourrai ensuite être plus utile avec un regard plus distancié pour agir…
Certains pratiquent la méditation, la marche, font l’amour ou chantent pour trouver des espaces de création libre de soi à soi, de sensation à sensation…
Parfois, selon les âges, les jours, le poids des ennuis, il faut se pousser un peu, dépasser sa crainte…
Oui, il y a ces moments où l’on va déconnecter.
Après tout, nous les vieux, nous avons vécu enfants dans des maisons parfois sans téléphone, évidemment sans smartphone ni internet… l’imaginaire, les jeux, les contes nous offraient des apprentissages où les sensations et les émotions alimentaient le rêve et nous ouvraient à d’autres dimensions de nous mêmes…
Nous pouvions être des adolescents mélancoliques mais nous nous retrouvions volontiers dans le réel pour boire un verre, chanter ou jouer une pièce…
Il serai triste que les enfants d’aujourd’hui soient privés de ces moments là et il nous faut peu de choses en réalité pour nous les autoriser …
Je suis insouciant quand je joue avec mon chien, lorsque j’écoute un pianiste, lorsque je fais le tour du jardin découvrant les nouvelles fleurs… parfois je m’interromps bêtement pris par un conditionnement ancien lié à mon éducation, à mon passé professionnel…
Je suis insouciant lors de ces moments choisis pour être plus utile aux moments subis, je suis insouciant pour ne pas accorder au malheur plus d’importance qu’il ne le mérite, non pas pour le nier ou attendre que ça passe, mais pour lutter en faveur du progrès… dépasser tout ressentiment.
Quand on a réduit le temps de travail par les luttes sociales, cela pouvait sembler faire fi de règles économiques et du profit des entreprises, c’était pour gagner une liberté neuve, un droit à l’insouciance.
Comme disait dans sa rédaction de petit garçon mon regretté grand-père : « pour bien travailler, il faut bien se reposer ».
Et vous, connaissez-vous des moments d’insouciance ?
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Beautiful song