Percevoir la vibration du changement, ce n’est pas sentir la poésie d’une journée en prenant le prétexte du printemps qui vient, ni se bombarder de questions sur ce que ce serait vivre heureux en poésie ou pas… c’est reconnaitre son flow quand cheminant on se sent présent. Ce n’est pas seulement l’écriture d’un nouveau chapitre, mais celle d’un nouveau livre… Ça vibre, ça bouge, ça change, ça se débarrasse de ce qui faisait obstacle à la retrouvaille, ça avance, ça coule, ça relie, ça invente… et de ce mouvement vient l’énergie, jaillit de la lumière entre la matière et soi.
Les vieilles branches de l’habitus d’hier cèdent la place…
Le printemps délaisse les vieilles branches sèches ou malades. Il naitra d’autres branches sur ce tronc. C’est le même arbre. Un arbre en mouvement. Du vieux bois chutera à ses pieds.
Comme de vieilles pensées tombent en désuétude. Ce n’est pas une question d’assagissement qui viendrait sonner l’heure d’un quelconque renoncement. L’âge a ses singeries. Ce n’est pas même le chant du cygne à l’ultime montée de sève. C’est être à ce que l’on fait et bien dans ce présent, pleinement… Ce n’est pas planifier mais penser à la cohérence entre valeurs et besoins, une sorte d’alignement des planètes…
La malle du passé, on y puise pour raconter des histoires. Rien n’est oublié, des heures glorieuses ou des sinistres moments. Inutile de s’attarder. Et pour demain, aucune boule de cristal ne dit rien.
C’est irrévocable. J’habite ailleurs. Libéré des toxiques, des encombrants, de ce qui parasitait. Je reconnais ces simagrées. Je vais à l’essentiel ou je me disperse avec qui je veux, quand je veux. Mais dans cette cohérence. Ça me va.
Tout cela n’est pas seulement le fruit du hasard, des circonstances, du temps qui passe, du décor… c’est comme lorsque tu trouves un nouvel accord même modeste sur le piano. Tu ne le connaissais pas celui-là, ça fait de la musique, ça sonne bien. Essaye encore !
Alors on a l’âme amoureuse à la vie et l’on est disponible, à soi d’abord… Paré pour l’aventure !
Les acouphènes chantent …encore ?
Quand la chatte à trois heures vient énerver ton sommeil pour un peu de pâtée, ça crisse. L’énervement fait chanter les acouphènes. Ceux là sont comme des signaux d’alerte.
Des empêcheurs de penser, des empêcheurs de chanter. Il ne faut pas chercher à lutter contre eux mais savoir larguer les amarres. De quoi as-tu peur ? Lâcher prise.
Je marche dans le paysage, inconnu et légitime. Il faut écouter, regarder beaucoup. En ce moment, les routes de l’hiver changent et se muent : nouvelles couleurs, nouvelles odeurs, nouvelles lumières. Nous avons croisé un énorme lièvre maladroit, frôlé un coq faisan perdu sur la route puis reniflé l’étal des marchands.
— Alors, ça y est ? Tu es là bas ? demande un ami incrédule au téléphone.
Les gens restent encore surpris. Oui j’avais dit. J’ai fait. Où est la surprise ? Sinon mon cerveau s’encroute.
Il y a des gens d’ailleurs que je vais retrouver ici. Transformés.
Mais il faudra lâcher prise encore mieux d’avec les énervements du monde, ceux de la conspiration, ceux de la compromission, ceux du ressentiment, ceux du conformisme…
Je trace
C’était peut-être à dix heures trente que j’ai mesuré : voilà, d’autres personnages entrent en scène. On est là, les caméras de la Vie tournent. Quel grand metteur en scène ! Quel cinéaste de talent ! Jamais blasé, jamais lassé, le scénario se renouvèle et s’enrichit.

Ce n’est pas seulement que le spectacle continue, c’est qu’il se réinvente dans cette surprise. On est soi, on est autre, cet inconnu qui vous conduit d’un pas tranquille. C’est peut-être ça, après le travail, après les séparations, après le confinement, après le départ… On vient à soi.
La chanson de Moustaki « je déclare l’état de bonheur permanent » m’est revenue. Je ne l’avais pas écoutée depuis des lustres celle là.
Oui, tu as droit au lyrisme, au chant, à la revendication douce… Contre le bruissement des inquiétudes, il y a cette logique qui se sait, cette certitude. Autre chose, autrement, altérité.
J’attends avec impatience le passage des marcheurs de Compostelle. Et les baignades à la rivière.
Et je suis dans toutes les choses qui m’attendent demain matin, enfant impatient.