Courage les profs !

Publié le Catégorisé comme sur le vif Étiqueté
professeur
"Teacher helps pupil his reading" by Library of Congress/ CC0 1.0

Courage les profs ! Ce matin vous voici prenant le chemin de vos petites et grandes écoles. La pré-rentrée, ce n’est pas une rentrée dans le pré, c’est le premier café, les tasses qu’il faut laver, la réunion qui va commencer, les discours, les listes, les travaux pas finis, les circulaires de rentrée et le petit pincement de l’enfance qui vient nous rappeler toutes les rentrées d’écolier…

On les plaint puis on les engueule.

Je me souviens, un jour, un parent d’élève du côté de la rue d’A. ne voulait pas croire mon salaire. Il avait fallu que je lui montre ma feuille de paie. « Ah bon ? Vous êtes formateur et vous ne gagnez que ça ? Sans treizième mois ? Comment vous faites ? » Son visage était décomposé. Il n’en revenait sincèrement pas calculant dans sa tête comment il pourrait … ne pas tenir avec « ça ».

Mais déjà dans les années 80 et 90, ça pinaillait. Alors quand depuis le ministère en 2006 une campagne fut menée contre les méthodes de lecture, il fallut que les maîtres passent leur temps à se justifier. D’abord sur la méthode de lecture, puis sur tout. Le soupçon fut institutionnalisé sous l’influence d’un personnage qui deviendra ministre et fait sa rentrée lui en répandant son fiel dans un livre « au vitriol » dit la Presse.

Certains voudraient choisir la couleur de la robe de la maîtresse et la la place de leur enfant dans la classe. « Si c’était possible que Jean-Eudes ne soit pas à côté de … «  D’autres voudraient des classements… plus de devoirs…

Tu pourras prendre X dans ta classe ?

Les « cadeaux de rentrée », c’était le petit X dont personne ne voulait : «  Tu comprends,- disait le directeur – je ne peux pas le laisser dans la classe de Madame F, elle lui rendrait la vie impossible ».

Dans ma dernière affectation, rue de T. en zone ultra prioritaire, j’avais fini par solliciter d’emblée de réunir dans la même classe, l’ex enfant soldat, un qui ne savait pas lire à 12 ans, une petite fille envoutée par sa mère et qui faisait des crises de transe, un loulou précoce de 8 ans en CM2 … Personne ne s’était battu pour les avoir… bizarre… autant les « réclamer »…

La constitution des classes, préparée parfois dans l’ombre et qui se traduisait par la fameuse « liste » remise à la pré-rentrée était toujours cette découverte à la fois plaisante et inquiétante avec laquelle il fallait composer.

La chance c’était de pouvoir rouler sur deux ans avec les mêmes… au moins, on se connaissait.

Un local, un groupe et un maître. Et la pièce pourra commencer ! « Mais qui a les clés de la salle B ? Sans les clés, je ne vais pas pouvoir enseigner ! »

La photocopieuse en panne

Le directeur qui devait déjà se battre pour obtenir un plombier de la mairie afin de déboucher les toilettes de la cour, découvrait que la photocopieuse venait de rendre l’âme. Pas le bon jour… Trouver une solution de dépannage, comprendre pourquoi le nouveau maître promis par l’inspection n’arrivait pas… Et rester calme face à la maîtresse des CP qui protestait que sans photocopieuse, il serait absolument impossible de faire la rentrée et qu’elle allait invoquer un droit de retrait.

C’était tour à tour le passage du délégué syndical qui passait opportunément « dire bonjour » et recenser les problèmes ou le nouveau conseiller pédagogique qui avait disait-il des « projets formidables » à proposer… on en reparlerait à la formation…

Le cœur joyeux

Qui le voyait ? Je crois que pour la pré-rentrée je me choisissais toujours un petit look discret mais détendu. Une nouvelle chemise associée à ma nouvelle coupe de cheveux, ou de nouvelles lunettes…

On trouvait toujours qu’elles me donnaient l’air plus sérieux… d’année en année… moi qui fut toujours relativement sérieux avec les collègues, réservant l’humour aux élèves…

Ce n’est pas que je n’ai pas aimé mes rentrées comme inspecteur : mais là ce n’était que gérer les problèmes et les urgences de dernière minute ou subir les fameuses réunions de rentrée avec leurs discours lénifiants ou la colère de l’inspecteur d’académie qui voulait que l’on compte précisément chaque petit enfant de deux et trois ans dans chaque école y compris dans les écoles privées pour avoir les résultats dès lundi midi. 54 écoles sur une zone de quarante kilomètres autour du bureau… facile ! Vite mon hélico !

Je garde tout de même, sans nostalgie excessive, un bon et doux souvenir de ces premiers jours (car en réalité j’étais rentré avant la pré-rentrée) où l’on pensait la classe, se réappropriait les lieux, redécouvrait les collègues…

Comme je suis vieux certains ont disparu. Je pense à Marie-Claire L qui venait me montrer ses dernières trouvailles en littérature de jeunesse. Ou à O. qui me demandait des conseils en « informatique » … car il voulait faire un site cette année avec ses élèves… Il fallait lui montrer et encore… et du coup se mettre un peu en retard. « Vous venez pas pour le pot de midi ? «  Ouf, le collègue libérateur.

Les anciens élèves ont bien vieilli. L’un d’eux m’a même contacté car sa fille devient… enseignante et il aurait voulu des conseils pour elle, pour réussir sa rentrée ! Des conseils ? C’est que je n’en donne plus…

Je lui ai donné quelques liens vers des poèmes pour les enfants, car c’est toujours agréable de commencer en poésie. Il y a notamment Septembre que j’aime bien ou le poème pour les enfants qui vont à l’école ou le cartable« Mais oui ! Ta fille peut les photocopier pour sa classe et les faire apprendre si ça lui chante ! »

Ah oui ! chanter à la rentrée, c’était chouette aussi. C’était la seule injonction du ministre fielleux que j’ai vraiment appréciée…

Cette année vous avez de la chance les profs, votre ministre est démissionnaire… un vrai faux ministre… mais vous tiendrez le coup sans non ?

Bon, je vous souhaite joli courage, de toute façon, vous n’avez pas la tête à me lire, vous êtes déjà en train de vérifier votre cartable ou sur la route, pour arriver en avance, avant les autres, et vérifier si la machine à café et la photocopieuse fonctionnent ! Et puis vos projets… tous ces beaux projets pour l’année !

Belle rentrée, joli courage !

un réveil indiquant dix-sept-heures douze
Vincent Breton

Par Vincent Breton

Vincent Breton auteur ou écriveur de ce blogue, a exercé différentes fonctions au sein de l'école publique française. Il publie également de la fiction, de la poésie ou partage même des chansons !

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