J’allais au bureau vers le 21 août …

Publié le Catégorisé comme sur le vif
un ordinateur
"Free password lock laptop image"/ CC0 1.0

Il n’y avait rien d’écrit mais en général j’allais au bureau vers le 21 août. Les services étaient encore fermés ou tournaient au ralenti. C’était la période où la plupart des personnes étaient encore en vacances. Mais il fallait que je passe au bureau même si je n’allais pas faire une longue journée… étrange habitude de vouloir être présent avant les autres.

Le soleil derrière les vitres et l’odeur de poussière

Très souvent un tas de courrier avait été déposé au secrétariat. Jeté au travers du bureau… Un mélange de choses sans importance à des affaires plus sérieuses. Du matériel de ménage encombrait le couloir. Des meubles avaient pu être déplacés. Une odeur de renfermé si ce n’était de la poussière chatouillait le nez. Les plantes vertes agonisaient. Il fallait les réanimer d’urgence.

J’ouvrais les tiroirs. Je lançais l’ordinateur et les mises à jour interminables se succédaient. Il fallait attendre longtemps les fastidieux redémarrage.

Je parvenais enfin à accéder à la messagerie… mais les messages importants, je les avais déjà vus depuis la maison. Je retrouvais l’ordinateur, les dossiers rangés. Le serveur somnolait, je le réveillais…

Je regardais les dossiers que j’avais laissés quelques semaines auparavant. Je commençais à envisager les circulaires nationales, ce que je devrais écrire, me remémorer les situations problématiques… Je revenais sur le plan de travail déjà dessiné en juillet…

Le téléphone sonnait

J’étais seul, en principe le bureau était fermé mais il devait y avoir un radar pour repérer et signaler ma présence. Cela ne manquait jamais, le téléphone sonnait. Quand ce n’était pas une erreur, il y avait au bout du fil un parent avec une situation inextricable et urgente – mais impossible à résoudre sans interlocuteurs- ou un enseignant qui racontait sa vie et posait mille questions dont les réponses étaient en général largement publiques. C’étaient des personnes que la rentrée angoissait et que je soupçonnais d’appeler chaque matin depuis le 15 août. Parfois on me prenait pour le secrétaire et lorsqu’elle réalisait ma fonction, la personne se confondait en excuses. Souvent la personne se montrait assez accaparante et il fallait écouter sans se laisser dévorer si vite. Différer le temps des rendez-vous.

Plus tard, un livreur débarquait, lui aussi persuadé qu’il y aurait du monde pour déposer une commande, du matériel, des livrets d’évaluation que sais-je… il fallait gérer…

Alors un curieux sentiment montait comme si ces sollicitations venaient parasiter la mise en route, la perturber et rappeler que dans ce métier que j’exerçais alors les impondérables, les petites et grandes urgences allaient perturber le scénario prévu…

Le regard sur les lieux et les choses à faire

Cette sorte de rentrée anticipée dans des bureaux vides, c’était une façon pour moi de réfléchir malgré tout à l’ergonomie, à l’espace et au temps, à la façon dont j’allais pouvoir tenter d’organiser mon activité…

Lorsque j’enseignais, c’était la même chose. J’arrivais à l’école alors qu’elle était encore vide, avant les collègues, parfois même avant le directeur. Une façon de m’approprier le décor, de penser aux projets de l’année, au déroulé… Et pourtant ce n’était pas si normal que ça. Ce n’était pas que je voulais être le premier, ce n’était pas de l’impatience, mais je voulais parer le plus possible aux problèmes… qui ne s’étaient pas encore présentés…

Image 9

Aujourd’hui, le libre choix

Je suis loin aujourd’hui de cette ambiance de rentrée et je n’éprouve aucune nostalgie à cet égard. Je m’interroge tout de même sur la propension que j’avais à vouloir anticiper le retour au travail… Comme celle que je conserve à arriver en avance aux rendez-vous…

Je vois bien qu’il me reste mine de rien, la nécessité de me projeter, de réfléchir à la suite, d’avoir des objectifs de vie et d’activités au risque parfois de ne pas me laisser totalement la paix… Je vois bien que je ressens la fin du mois d’août comme une injonction à réfléchir à la suite. Oui, c’est bien de ne pas s’encrouter… mais moins bien si je ne me laisse pas réfléchir au « pourquoi je fais les choses… »


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Vincent Breton

Par Vincent Breton

Vincent Breton auteur ou écriveur de ce blogue, a exercé différentes fonctions au sein de l'école publique française. Il publie également de la fiction, de la poésie ou partage même des chansons !

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