Hier je vous racontais la chance qui est la mienne de vivre dans le luxe du flux poétique. Ce matin, je me disais que je suis à la croisée des chemins. Tant de chemins s’observent ici : sentiers, passages, ruelles, chemins ruraux, chemins d’exploitation, chemin de Compostelle, chemin de fer transformé bientôt en chemin pour vélos, routes étroites… Je vis dans un chemin. Et j’aime ces vaisseaux qui irriguent le causse. Gamin, notre petite troupe de théâtre s’appelait « les chemins de Provence « . Entre choix, passages, explorations et rencontres, ce qui est à vivre est dans le chemin…
Choisir
Certains humains n’aiment guère le mouvement. Ils ont leurs habitudes. Ils n’osent pas, ils ont peur de se salir les pieds, de s’essouffler dans la montée, de se perdre… Ne pas bouger c’est rassurant. On reste parfois au bord de la route comme le garde barrière des rêves des autres.
Choisir de se mettre en route, vers où ? Revenir, vers soi, vers la maison avec le risque parfois : savoir jauger de ses forces, de l’état des routes, de la bonne saison et du bon chemin. Choisir en allégeant son bagage, en renonçant…
Marcher guidé par un objet numérique parlant ou par une carte ? Marcher en jouant au hasard la bifurcation ou en essayant. Je veux marcher à mon rythme en explorant le paysage.
Je veux marcher dans le présent, avec des escales, des poèmes et des chansons.
Apprendre donc
Parfois une pancarte apparaît, un sigle, une indication, une coquille St Jacques… Ce sont comme des signes de piste qu’il faut savoir décrypter. Apprendre. Parfois aussi un fil de fer barbelé ou une pancarte tendent leur interdit… Comprendre que « ça va pas être possible ». Accepter. Faire sa liberté entre deux murs ou deux fils électriques, aller plus loin s’il faut.
Sur les chemins, ce magnifique texte de Couté chanté par Pierron raconte le destin des cheminots tentant de traverser la Beauce…
Je suis convaincu en observant parfois tel ou tel ami, en m’observant avec patience, que l’on choisit son chemin en fonction de ce que l’on est au moment en question. Choisir sa route est une forme d’autoportrait, une façon de dessiner la liberté qu’on se donne en fonction de ses forces du moment, de ses craintes…
Stop ou encore ? à gauche, à droite ?
Les questions que l’on se pose ne relèvent pas d’un institut de sondage. Loin des autoroutes, nulle obligation de foncer. Il est possible de faire une pause, de regarder le paysage, de respirer le moment présent, de penser à sa vie ou de penser à rien… L’effort ne doit pas devenir torture. Inutile de se mettre les pieds en sang.
Cheminer c’est écrire sa vie avec ses pieds et sa tête, le cœur bien au centre. C’est respecter le chemin.
Petit mon personnage préféré, c’était Poucet. Poucet plutôt que le déprimant Petit Prince avec ses fréquentations louches. Poucet que l’on tente de perdre dans la forêt… Poucet qui va se sauver avec ses frères. Il s’émancipe Poucet. Il apprend la différence entre les miettes et les pierres, s’il faut il se débrouille. Il est de gauche quoi !
Sénèque et Goethe
On les cite facilement en société.
Tandis que Sénèque nous disait » Il n’est pas de vent favorable pour celui qui ne sait pas où il va », Goethe lui préféra parait-il affirmer « le but c’est le chemin »… Les deux n’étant pas forcément incompatibles…
Cheminer c’est choisir, se poser des questions… une marche, une démarche forcément reliée au présent.
J’avais esquissé il y a quelques temps « mon triangle de vie ».
La croisée…
Et l’on revient au titre de l’article, autour de la question du choix, de la croisée des chemins… sachant que parfois à la manière des Dupondt de Hergé, on peut tourner en rond sur une piste dans le désert… mais ils étaient en jeep… pas à pied.
Mon grand-père géologue ne sortait jamais sans une carte ni une boussole. Il nous a ainsi révélé des chemins que l’on ne discernait pas d’emblée dans le paysage et orienté en apprenant à lire le paysage, les courbes de niveau, prendre les repères…
Être à la croisée des chemins n’interdit pas de changer d’avis, de revenir sur ses pas… ou parfois de trouver des raccourcis quitte à se griffer les mollets de ronces.
Il n’y a rien de plus poétique et de plus inspirant qu’un chemin. Relié à la nature, relié au présent on marche pourtant là où tant d’ancêtres sont passés écrivant leur histoire, laissant quelque chose d’eux-mêmes, d’indicible, dans le paysage.
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