Trois minutes, c’est le temps qu’il faut pour cuire un œuf à la coque. C’est le temps alloué pour écrire ce poème puisque c’est la semaine des poèmes à la coque. La recette ? Elle est facile. [cliquez là]. Le résultat est aléatoire, hasardeux (hasard’œufs )… Il faut une cuisson rapide et couper le feu à temps. Sinon l’œuf devient dur et le poème rude. En ce matin, si la main a laissé faire, le cerveau a commandé en commençant par dire : « trois minutes ! «
Trois minutes !
Trois minutes que l’eau bout entre tes mains
Trois minutes que la guillotine tombe
Trois minutes pour le bourreau
Pour l’apocalypse, le fléau
Pour le séisme, pour l’eau
Par-dessus les toits
Par-dessus les étoiles
Par-dessus la pelisse des prés
Où broute mon troupeau
Trois minutes que tu saignes
Trois minutes que tu peines
Trois minutes que tu meurs
Sous l’ombre, dans le caniveau
Trois minutes !
Une odeur de catastrophe
Dans l’œuf tient le monde. Avez-vous vu l’émerveillement à chaque fois renouvelé ? Qu’on le découvre au poulailler ou sur la table, sa forme parfaite, sa couleur, la sensation au toucher… Monde de promesses qu’un rien pourrait briser. Le temps qu’il cuise à point tant de catastrophes peuvent nous pleuvoir dessus. L’œuf contient le monde et dit toutes les nouvelles du monde… En trois minutes le doigt coupé peut perdre beaucoup de sang. Une agonie de trois minutes peut être terriblement longue. C’est aussi souvent, le temps d’une chanson à la radio. Et parfois un air tenace va s’accrocher aux lèvres et tenir jusqu’au soir… Trois minutes, plus qu’il n’en faut pour faire un enfant. Mais est-ce assez pour l’aimer ? Il y a ce premier risque de l’eau qui bout. Savoir stopper le feu et ôter la casserole n’est pas rien… Plus tard, viendra cet autre risque : savoir ouvrir la coquille sans la briser, juste assez, faire sauter le capuchon… Entre la crainte de trouver un poussin oublié par mégarde et celle de l’accident, l’art de manier la cuiller est un exercice que les petits redoutent.