Tracer son chemin ou faire fortune ?

Publié le Catégorisé comme sur le vif
le causse à Gréalou

Dans le conte « Les 3 pommes » au delà du mystère qui accompagne chacune de nos vies, (les zones d’ombre, ce que l’on ne saura jamais de nos parents), la lectrice ou le lecteur entendra la générosité parfois naïve comme valeur en action d’autant méritoire qu’elle est sincère et désintéressée, mais aussi la question du choix entre celui de « faire fortune » ( sous entendu « avoir » de l’argent ou du pouvoir, posséder sans limite) ou donner du sens à sa vie en « trouvant (traçant) son chemin ». Dans un monde où l’on nous invite souvent à « nous vendre » pour faire fortune, oser tracer son chemin singulier reste un défi. Mais quelle belle récompense quand on y parvient !

Je ne suis pas à vendre, et toi ?

J’en ai passé des concours où plus que prouver ses compétences, il fallait se montrer conforme à des attentes. Dans les « grands oraux », l’exercice consistait à savoir se mettre en avant (pas trop pour feindre l’humilité et ne pas inquiéter les chapeaux à plume) tout en témoignant de sa capacité à faire allégeance et se plier au système. Pour m’encourager puis me récompenser mes chefs débonnaires me palmèrent. Car il faut des insignes à la servilité.

J’ai longtemps travaillé pour répondre à des exigences externes, pas forcément illégitimes s’il s’agit de service public, mais parfois toxiques lorsque la compétition prenait le dessus. J’ai su rester sincère et me respecter dans ce que je faisais, jusqu’à la limite – celle où l’on me demanda de porter une parole sciemment mensongère – qui me fit rendre mon tablier plus tôt que prévu.

Jamais en tout cas je ne suis allé me vendre pour une quelconque ambition de carrière. Jeune âme fière.

Disposer de pouvoir n’était intéressant à mes yeux que si je pouvais le plus vite possible le partager en tentant d’être à chaque fois ce que j’espérais des autres.

Aujourd’hui, libéré de la contrainte d’aller travailler pour gagner ma vie, je veux agir par choix plutôt que par devoir. Je conçois tout à fait de ne pas plaire à tout le monde et même de ne pas être aimé. Sans honte ni orgueil, le sentiment de fierté que j’éprouve tient en partie dans ma capacité d’ avoir surmonté des obstacles mais surtout à pouvoir continuer d’apprendre et de créer en respectant mes propres valeurs, en agissant et en pensant par moi même. Cela m’oblige parfois à travailler au dépassement de mes propres représentations et veiller toujours à ne pas me laisser piéger aux pensées toutes faites, par ces fameuses croyances limitantes…

Autonome très tôt de gré ou de force, autodidacte, la singularité m’est tombée dessus dans bien des domaines. Aucune gloire à cela.

Je ne me laisse pas définir par autrui et toi ?

Tracer son chemin implique parfois d’avancer, progresser, de tourner la page, de partir. Ça peut faire peur. Il faut se lancer. Après c’est plaisant à la condition de pouvoir se rendre disponible au monde.

On laisse les autres pour de nouvelles rencontres et surtout pour se relier à soi, se retrouver et laisser s’épanouir cet enfant intérieur, celui qui porte avec lui la petite valise de l’espérance. Mais l’espérance, ce n’est pas pour demain, c’est pour maintenant. La cohérence intime pour vivre dans le flow poétique du souffle vital.

Je n’aimais pas me laisser définir par mon métier, par mes goûts, ma façon de vivre ou mes fréquentations. Bien de mes proches furent surpris d’ailleurs de constater que je n’étais pas fidèle à tel ou tel milieu. Pas de corporatisme, pas d’Église, pas de doxa. Amateur multicartes.

Je me suis souvent engagé pour défendre la différence mais je refuse que l’on m’enferme, que l’on m’assigne. Une personnalité est complexe, nuancée, évolutive.

Escalier soleil

Le changement est infini

Ce qui m’épate, c’est que même après plusieurs décennies, le changement se poursuit. Sous le changement, le changement. C’est à dire qu’il y a des étapes, des transformations, des élargissements, des ouvertures qui se dessinent au delà de toute planification au delà même de l’âge qui impose sa décrépitude.

Ma vie n’a jamais ressemblé à ce que j’avais prévu. Elle n’est pas sans difficultés, sans résistances – y compris intérieures- mais elle se déploie et si je la laisse faire, s’exprimer, elle se déploie avec joie. C’est plutôt une belle découverte ce qui n’exclut pas la tristesse de voir la bêtise dans le Monde vraiment très en forme.

Il faut s’autoriser à habiter poétiquement le Monde comme le disait mon pote Friedrich Hölderlin. Mais on le prit pour fou…

S’autoriser sans stress à poursuivre la route

Je n’ai rien à vendre. Je ne veux pas me vendre. Je ne cherche à convaincre personne. J’expérimente, je découvre, je partage. J’explore.

Entre l’activité à outrance et la procrastination, la vie rurale impose le réapprentissage de la patience. Le temps se pense autrement, s’habite autrement. Je roule moins énervé. Je regarde, j’écoute. Si je me rends disponible, je constate d’ailleurs que l’on me parle bien volontiers dans les différents espaces que je fréquente. Je recueille des confidences, des bouts de vie, des histoires. J’aime aussi plus que jamais découvrir ces talents : jeunes poètes, voix nouvelles, musiciens ou peintres. Je ne me prive pas d’admirer. Ça me conforte et réconforte autrement que le bal pesant des politiques à la télévision.

Oui, ce qui est bon, ce qui fait du bien et enrichit à l’intime, c’est de tracer son chemin. À son tempo… Ce n’est pas grave si les herbes y poussent, si l’on se perd un peu dans un sentier, si l’on fait des détours.

Pour marcher, il faut s’alléger. S’équiper ce qu’il faut mais pas trop lourdement.

Ce qui est épatant lorsqu’on explore, ce n’est pas seulement toutes ces merveilles… Le but n’est pas d’accumuler des nouveautés… mais qu’on n’en finit pas de se découvrir soi-même. Non pas dans une approche égoïste, mais dans sa capacité à prendre sa place dans le souffle de la vie. Le plus grand mystère mystique qui nous dépasse et nous relie tous : les êtres vivants et le minéral qui nous regarde. Tu vois un peu ce que je veux dire ?

Par Vincent Breton

Vincent Breton auteur ou écriveur de ce blogue, a exercé différentes fonctions au sein de l'école publique française. Il publie également de la fiction, de la poésie ou partage même des chansons !

S’abonner
Notification pour

0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires