Africajarc a décidé pour ses 25 ans d’honorer plus particulièrement le Togo. Ce 20 juillet 2024, il y avait entre autres à l’affiche, le groupe Nana Benz du Togo. Les écouter est une chose. Les voir en est une autre tant le groupe « envoie » son énergie pure, une transe funky héritée du Vaudou qui vient porter avec puissance, humour et générosité les valeurs du féminisme ou de l’écologie…
Un merveilleux écrin pour le festival et ses concerts
le théâtre de verdure de Cajarc est juste au bord du Lot. Outre le cadre enchanteur et apaisant qui fait de l’endroit un lieu protégé, la géographie avec le causse de part et d’autre en fait une merveilleuse caisse de résonance. La musique s’entend de loin jusqu’à un kilomètre en aval. Ce cadre naturel était on ne peut plus « raccord » avec le concert du groupe qui n’a de cesse de rappeler son lien avec la nature.
Un public heureusement mélangé
Des jeunes, des vieux, des enfants, des familles venues d’ici ou d’ailleurs, voilà un public métissé et tranquille… Un public tout à la joie de la rencontre et du partage. Il faut le souligner en ces moments où le pays cède trop souvent au ressentiment, au racisme, au rejet… La programmation du festival démontre qu’on est loin des stéréotypes figés, l’intérêt de la richesse, de la rencontre… Ces artistes du Togo, « petit pays », sont hautement connectés à leur patrimoine mais l’ont dépassé pour intégrer d’autres apports et les sublimer. Différences, singularité mais universalité de l’humanisme et de valeurs à porter et partager. Ce n’est pas rien. Ce qui nous relie est plus fort que le reste…
Un groupe à part, féministe et écologiste.
Les Nana Benz au Togo, ce furent d’abord des femmes d’affaires qui osèrent se libérer du patriarcat . Dans les années soixante à quatre-vingts, des femmes résolues firent fortune et s’engagèrent ensuite dans des activités philanthropiques… et politiques (peut-être pas sans ambiguïté). Le groupe a choisi son nom en référence à ces femmes.
Concernant le terme de « nana », il n’a pas la connotation française. Chez nous, Nana est un roman de Zola. C’est le diminutif d’Anna repris dans la littérature depuis Théophile Gautier et qui désignera ensuite de façon familière les jeunes filles ou les jeunes femmes. Non, pour le groupe, il renvoie au terme de « na » qui dans le sud du Togo où l’on parle la langue minan désigne la mère ou la grand-mère…
3 femmes et 2 hommes
Féministes, elle le diront vite lors du concert. Écologistes, les musiciens en cohérence jouent sur des instruments qu’ils ont eux mêmes fabriqués, d’inspiration vaudou mais complètement « connectés » au monde moderne , ces femmes et ces hommes ont su créer une belle singularité…
Une vidéo de TV5 Monde qui les présente dans un résumé très clair
Féministe ?
Dès l’entrée en matière, les voici qui prennent position claire et résolue avec une belle énergie communicative en faveur des droits de la femme, réclamant « à travail égal salaire égal » ou exigeant le consentement… Tout cela est familier à celles et ceux qui évoquent en France la question du patriarcat. Mais c’est chanté avec joie et énergie dans une belle résolution qui invite à s’affirmer !
Écologiste !
« Avez-vous déjà remercié la nature pour tout ce qu’elle vous apporte ? « « Pour cette génération qui nous suit nous ne devons pas continuer comme ça ! ».
Le public est invité à répéter comme pour s’en convaincre si besoin. C’est fait de façon sympathique mais c’est pourtant le seul reproche que je pourrais adresser au groupe tant je suis prudent avec ce que l’on peut faire répéter à une foule acquise… Je n’ai jamais aimé que des artistes en scène me commandent une gestuelle… tout au plus accepté l’invitation à rythmer ou chanter avec… parenthèse close.
La force de leurs convictions va jusqu’au choix des instruments de musique… le paradoxe est néanmoins porté par le nom du groupe qui se réfère tout de même à une marque de voiture ! Personne n’est à l’abri de ses propres contradictions, mais force est de constater si on en doutait, que la préoccupation écologiste est universellement partagée…
Le vaudou ? source d’énergie
Il est fait clairement référence au vaudou. Oui, mais pas le vaudou que l’on voit au cinéma ou dans les représentations que nous en connaissons le plus souvent. Plutôt un vaudou qui vient questionner la nature.
La transe vaudou, c’est la source de l’énergie que les chanteuses du groupe déploient. Et il faut dire qu’elles en ont à revendre.
Un public subjugué
Véritable performance, voilà un groupe qui fait parfaitement chœur. Plusieurs langues y sont chantées, les sources d’inspiration traditionnelles croisent la modernité… Les textes restent simples, on est dans une dimension populaire mais aussi dans une belle démarche d’affirmation résolue. Présent sur les différentes « plateformes » comme on dit, le groupe s’est également emparé des principaux réseaux sociaux où il peut être suivi.