Les changements invisibles

Publié le Catégorisé comme changer de vie
Le Lot à Cajarc

Après les changements visibles, comme changer de lieu ou de mode de vie,ou les changements indicibles – ceux que le temps et les épreuves imposent -, viennent des changements invisibles, parfois à soi-même d’abord ou discrets, une sorte d’alignement des planètes, mais à l’intime, ou mieux, une cohérence…

Retour vers soi

Le lot vu depuis les berges

Il vient un moment où l’on sait qu’on a franchi une sorte de cap. Ce n’est pas juste affaire de regrets, de leçons enfin comprises ou de l’expérience… Cela arrive plusieurs fois dans une vie.

Ce n’est pas qu’une question de turbulences suivies d’eaux calmes. Les eaux calmes effraient parfois tant elles vous confrontent à vous même en vous dispensant « d’agir pour agir »…

C’est plutôt que dans un même mouvement, on est passé à autre chose mais que l’on renoue avec…l’essence de son existence.

Comme une plante en dormance se réveille en nous. Ou bien comme l’on sait renouer avec son enfant intérieur, non pas pour chouiner du passé, mais pour reprendre l’élan créateur, celui du verbe, celui du « flow ».

« Posée sur la table, la pomme rouge du poème a le vertige » disais-je l’autre jour dans le poème de la pomme rouge. Le contrôleur du poème, la vie et les conformistes, nous poinçonnent le cœur. La pomme ; le peintre, le photographe, le poète, Adam et Ève… tout le monde lui en demande beaucoup. Qui la regarde vraiment avant de la croquer ? La pomme devient objet d’art parce qu’on la regarde. Mais elle n’existe que pour nous tout en portant malgré elle, a son insu, secrètement, le souffle de la vie… Les graines.

Nous ne prenons pas toujours le temps de nous regarder vraiment nous-même, non pas comme Narcisse au miroir, mais pour nous interroger… Alors ? Quelle est ta singularité ? Oses-tu l’incarner ?

Cohérence

Il y a de vieilles habitudes inutiles qui tombent comme des branches mortes. Le cerveau se déshabitue volontiers des toxiques, il sait choisir la bonne source d’inspiration. Un jour c’est comme ça. C’est fait. On s’en passe. On a autre chose à faire ou à aimer faire de mieux. Qui nourrisse la cohérence intérieure, qui ouvre, qui éveille… Loin de toute doxa.

J’ai toujours eu la chance de ne pas avoir d’addictions à des produits. Parfois à des personnes. Ou à des espoirs qui n’étaient regardés que comme un bonheur à atteindre. Le bonheur ne s’attend pas, il n’existe pas, il est comme la pomme. C’est une question de regard. Ce n’est pas une question de but, mais de chemin. De rencontres.

Est-ce que j’aime vraiment cela ? Est-ce que cela me fait du bien ? Est-ce que j’en ai besoin ?

Il faudrait se poser les questions avant d’agir…

Le Lot regarde vers l'Aveyron

Jardin

Jardin au bord du Lot

Au bord du Lot, il y a des jardins. Certains sont abandonnés, d’autres alignés, d’autres encore composés avec une grâce incroyable. C’est un contentement de les contempler, une sorte de petit paradis. Sous l’apparence du désordre, chaque plante, chaque arbre est à sa place.

Dans les changements discrets, il y a la façon de prendre sa place dans le paysage. Surtout pas en conquérant, en colonisateur, en touriste… On se glisse dans l’image. Peu à peu des regards se croisent, des visages se sourient, on apprend la langue humaine, la bienveillante…

Ce qui nous est toxique, ce qui nous blesse, se nourrit de nous et nous enferme. Inutile de mettre du petit bois à ce feu là.

Écouter la chanson de sa fatigue

Nous avons tellement oublié que la fatigue, lorsqu’elle est écoutée et mesurée, pas lorsqu’elle nous envahit, est le signal délicieux du droit à la paresse, à la couverture, au repos et à la grâce offerte par la vraie détente… non pas la capitulation, mais le lâcher prise.

Je ferme le robinet aux envahisseurs toxiques : mauvais relents du passé, télévisions aux flux anxiogènes, procureurs et débatteurs pétris de moraline des réseaux… Je serai bien plus utile à accueillir et à diffuser de la paix…

Combien d’années de ma vie au nom du sacrifice (pour la patrie, pour le métier…), ai-je sacrifié le meilleur de moi en laissant la mauvaise et noire fatigue imposer sa dictature ? Emplois du temps, agendas, tempi toujours plus soutenus où il s’agissait de « servir » en s’asservissant ou simplement en s’oubliant ?

Je dis souvent qu’une bonne journée doit me permettre d’apprendre, de créer, de transmettre mais aussi de prendre soin (de moi et d’autrui…).

Il ne faut pas que ce soin soit illusion : je ne veux pas de vie de petit vieux dodelinant devant un jeu télévisé ou s’ennuyant à la promenade. Si je devais sombrer ainsi j’espère qu’une petite voix saurait me réveiller ou me pousser à la rivière…

Je n’ai pas peur de dire que j’ai vécu. L’usure est visible. Je n’ai absolument pas peur de mourir. Quand je serai mort, je n’aurai rien à regretter puisque je ne serai plus rien. Non, la bonne cohérence c’est d’ « aimer, vivre et aimer la vie ». (Quasi dernière parole de ma mère deux jours avant de mourir).

Glycine au bord de la rivière

La rivière

Tout ce que je vous dis là, je le tiens de la rivière. Enfin, j’ai fait bonne alliance avec elle. L’Océan est vaste, consolateur mais un peu effrayant.

Ici, elle est d’une beauté incroyable. Selon les jours, les saisons, le temps… ses couleurs, son courant varient… elle est toujours accueillante et consolatrice. Elle est aussi invitation à la rencontre et au voyage.

Elle a son caractère, elle a sa différence, sa singularité et tout autour le paysage comme les hommes savent ce qu’ils lui doivent.

La rivière semble la même et ce n’est jamais la même eau qu’elle charrie…

Pourquoi aurais-je peur de changer ?

Vincent Breton

Par Vincent Breton

Vincent Breton auteur ou écriveur de ce blogue, a exercé différentes fonctions au sein de l'école publique française. Il publie également de la fiction, de la poésie ou partage même des chansons !

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