Il y a bien longtemps que je n’étais pas parti seul. Ce n’était pas un grand voyage. C’était une parenthèse. Explorer, découvrir, tenter de décrypter le secret des paysages, croiser des sourires et puis me retrouver. Maintenant me voici à préparer le changement de maison, de la Bretagne pour l’Aveyron. Et il s’agit d’un changement de vie !
Merci à Séverine, Mickaël et Noam
Ils furent les gardiens attentifs de la maison et des animaux. Noam et Galou n’ont qu’un mois d’écart. Retrouvailles faciles et amitié instantanée. Le vieux chien heureux de jouer avec le jeune homme.
Un long voyage a conduit les trois hauts-alpins dans leur silencieuse voiture électrique ici, pour découvrir un peu de ce Morbihan que je vais quitter bientôt. Je crois qu’ils ont aimé l’Océan. Ils ont su laisser libre cours à leur gourmandise de paysages et de saveurs.
Et j’étais rassuré de les savoir là. Ils sont de ces personnes de confiance, jeunesse apaisante, vivant au présent et de courage, avec une vraie délicatesse. Joli trio reparti eux aussi pour d’autres découvertes… Oui, merci !
Le bonheur de voyager seul
Il me fallait ce temps d’égoïsme. Pouvoir explorer à ma guise, changer d’avis, explorer plus avant, rester là un moment ou prendre un chemin de traverse…
Pas de négociation autrement qu’avec mes propres envies. Si découvrir un lieu à deux ou plusieurs peut-être merveilleux, il ne faut jamais se refuser la joie d’explorer seul, librement attiré par le seul aimant de son cœur. Découvrir par soi-même permet de mieux se connecter à l’environnement, comme à soi. On est disponible et d’ailleurs il est plus facile d’échanger avec tel ou tel passant.
J’ai pu observer à loisir, découvrir comme je le souhaitais, m’arrêter si j’en avais envie, jouer avec le temps, m’autoriser à être dans ce moment pleinement. Écouter mon intuition, marcher à mon rythme, répondre à ma propre soif, me parler intérieurement ou ne rien me dire, admirer, écouter, ressentir.
Vraiment, si vous ne l’avez jamais fait, osez partir seule ou seul, laissez vos amis, votre famille, tant pis s’ils s’interrogent… Et ne les appelez pas trop.
Pour chaque étape j’avais un point de départ et un point d’arrivée. Entre les deux, libre cours à l’improvisation, aux découvertes, aux chemins des écoliers… pas de programme trop défini !
Programmer le GPS à bon escient
J’aurais pu comme autrefois me contenter de cartes routières. Il en faut des précises pour avoir les petites routes, les chemins… J’ai programmé le fameux GPS en lui interdisant les autoroutes et le laissant m’envoyer par d’improbables départementales, voies communales et autres chemins où il n’est pas toujours aisé de se croiser.
De Provence en Occitanie puis remontant jusqu’au Poitou avant de retrouver la Bretagne, quel incroyable réseau routier nous avons ! Et combien de ruisseaux, de rivières et de fleuves dessinent le paysage…
On roule lentement qu’importe, on se croise difficilement… Des imprudents avec leurs gros véhicules aménagés se retrouvent à manœuvrer les roues au bord du vide. Sur ces routes, presque des chemins, on croise des animaux, rapaces ou écureuils, grosse couleuvre traversant la route nonchalante…
Et puis soudain, un village surgit derrière un rocher, s’accroche à la pente, hisse un château sur la falaise ou bien c’est une ferme perdue à mille lieues de tout… Espaces ouverts ou fermes, gorges étroites, vallées ouvertes, forêts immenses… et toute cette beauté…
Humains chercheurs de beauté
Ce n’est pas seulement l’intérêt « économique » du lieu (la richesse des sols, la présence de l’eau, d’une ressource naturelle…) qui a fait que les hommes s’y sont installés. Ce qui est remarquable c’est d’observer comment les hommes ont bâti leurs villages en symbiose avec ces paysages, comme s’ils avaient pensé une composition d’ensemble… Comme si la beauté des lieux avait exacerbé leur créativité… Quelle inventivité !
Il est parfois dommage de voir ces cœurs de vieux villages muséifiés… Certains ont su rester eux-mêmes. Il y reste quelques villageois… mais souvent on visite de beaux objets morts…
A contrario, ces entrées de villes avec ces zones commerciales standardisées faites uniquement pour vendre, constituent non seulement un massacre des paysages, une honte écologique mais une sorte de scandale… Je ne vois pas nos héritiers visiter plus tard ces lieux comme je visitais les halles anciennes des villes… Ce culte de la laideur, cette standardisation fait de toutes ces zones des espaces sinistres identiques au service de la société de consommation et de l’abrutissement. Le conformisme et la norme imposent leurs dogmes liberticides. Interdit de penser autrement. Adossés à ces zones, les secteurs de lotissements pavillonnaires ou résidentiels où tout est symétrique, étriqué, identique et impersonnel constituent de vrais crimes. Pas étonnant qu’ils génèrent individualisme et violence. Une espèce de fascisme qui ne dit pas son nom. Les inondations et les cyclones, le manque de solidité de maisons pas faites pour durer vont engendrer des difficultés qu’on aurait pu s’épargner si on avait pensé à ne pas abandonner les centres-villes, les villages…
Mais de ce voyage, je veux retenir surtout ce que j’ai vu d’admirable, toutes ces surprises. Trésors de paysages où les hommes ont su déployer créativité et singularité…
Polyamour
Incroyable diversité de nos paysages. C’est un lieu commun pourtant confirmé à chaque fois. Quel beau pays que la France ! En quelques kilomètres, d’une vallée à une autre, tout change. Certains espaces me touchent moins. Les vastes plaines… J’aime la Bretagne, aussi bien le Finistère sauvage ou la ria du Morbihan, j’aime la Haute-Provence et sa lumière. Demain j’irai vivre au bord d’une rivière en Aveyron, département aux mille richesses à explorer… Sans racines, je peux m’attacher et m’émerveiller, me relier à un lieu… Lors de ce voyage, je n’ai volontairement fait qu’effleurer l’Aveyron comme pour préserver la rencontre. Je sais maintenant où je vivrai dans quelques semaines. La rencontre du lieu ne fut pas seulement une sorte de coup de foudre mais le bonheur de se dire que je me suis senti instantanément bien dans ce futur lieu avec son côté à la fois protecteur et ouvert, doux et mystérieux…
Faire ce voyage, c’était aussi comme une sorte de rituel, de respiration, de préparation intérieure. Voyager pour se poser et accueillir… mesurer sa chance.
Ton sourire
Je n’oublierai jamais ton sourire, toi l’inconnu de Séverac allongé sur ce rebord contre cette maison dans la pente. Il y avait là une jolie promesse dans cette apparition toute en poésie. Je n’imagine pas que tu puisses jamais lire ces lignes et il faudrait un joli hasard pour que nous puissions nous croiser de nouveau… peut-être au marché de Villefranche ?
Ah, parce que vous pensiez que j’avais cessé d’être rêveur et romantique ? Mais tout ça n’est qu’une histoire d’amour !