Il y a un an je commençais à faire mes cartons. J’avais choisi de quitter le Morbihan et son cadre fabuleux pour l’Aveyron et son cadre merveilleux. Changer de vie n’est pas seulement changer de cadre. C’est une démarche avec des étapes. Aujourd’hui je peux affirmer que « je veux vivre en poésie ». L’affirmation ne se suffit pas. Elle doit s’incarner dans une dynamique à poursuivre et développer. Il faut dépasser certaines représentations, réfléchir, défricher de nouveaux chemins, penser les projets. J’ouvre ici, une sorte de séminaire de réflexion personnelle et chacune, chacun fera peut-être le lien avec sa propre démarche ou ses propres ambitions.
Choisir et s’engager avec éthique mais sans douter.
Comme beaucoup, un grand nombre d’actions dans ma vie ont été commandées par le devoir et sa vision conformiste. Le sentiment de culpabilité est mon pire ennemi.
Il a pu par exemple, me concerner au moment où faisant valoir mes droits à la retraite, je culpabilisais d’être payé tout en n’étant plus contraint de travailler. Je me suis mis alors beaucoup de contraintes, j’ai beaucoup produit notamment au point de me mettre… en burn-out !
Aujourd’hui j’ai modifié un certain nombre de choses qui font que mes actions sont principalement commandées par le choix, même si des contraintes perdurent, j’y reviendrai.
Les quatre axes du quotidien
Un de mes premiers objectifs est pratiquement atteint au quotidien. En effet, chaque journée je m’emploie à pouvoir :
- apprendre ou découvrir une chose nouvelle : que ce soit dans le domaine purement intellectuel, la connaissance ou ce que j’appelle la découverte exploratoire par exemple d’un lieu pour le comprendre dans sa géographie ou son histoire..
- créer : c’est à dire écrire, inventer une chanson ou un texte de fiction… mais ça peut aussi être créer quelque chose de mes mains, organiser l’espace, avoir une activité au jardin…
- transmettre ou partager : il s’agit de m’amplifier ou de m’augmenter en apportant aux autres sans orgueil mais sans le sentiment de l’imposteur en ayant confiance sur le fait que je peux apporter ma contribution même modeste… même pour amuser, ouvrir la curiosité…
- prendre soin de moi ou d’autrui, c’est à dire pouvoir faire preuve concrètement d’attention à moi et aux autres, y compris dans les relations… l’idée étant de favoriser des interactions positives et enrichissantes…
Ces entrées ne sont pas hermétiques entre elles.
La poésie, la prose et l’inutile
Que ce soit par exemple Edgar Morin dans ses différents écrits, ou Hubert Reeves entendu à la radio, nombreux sont ceux à penser que nous devons oser prendre en compte la poésie dans chacune de nos vies, y compris lorsqu’on est penseur ou scientifique car celle-ci permet d’éclairer de façon humaine ce qu’on peut appeler la prose. La prose c’est le quotidien contraint, l’obligatoire a priori pas toujours amusant.
Personne n’aime d’emblée faire la vaisselle, effectuer des tâches contraignantes, aller chez le dentiste ou remplir sa déclaration d’impôts…
Si à mes yeux la poésie est reliée au réel et permet d’être « dans le flow », dans le présent, la prose impose ses contraintes auxquelles il est difficile de déroger.
Je suis libre de mon temps, mais il faut tout de même balayer la maison ou faire des courses alors que je préfèrerais écrire ou répéter une chanson… Après, une activité « prosaïque » peut s’ouvrir à la part poétique et prendre alors une autre dimension.
À la prose et à la poésie, je rajouterais la perte de temps et d’énergie que peut constituer ce que j’appelle l’inutile. L’inutile peut conduire à l’indignité et nous asservir. Il parasite facilement notre vie notamment avec l’évolution des nouvelles technologies. Il favorise notre docilité et peut même nous désapprendre ce qui est bon pour nous. L’inutile peut se trouver du côté des addictions, des habitudes idiotes, des relations néfastes ou toxiques…
Dire du mal d’autrui est inutile. Les réseaux sociaux nous en apportent la preuve chaque jour. Leur toxicité maligne réside dans le fait qu’ils ont pour but de nous engager à réagir. Le cerveau va trouver sa récompense dans des idioties. Dans le meilleur des cas il s’agit d’une mise en compétition (obtenir de la reconnaissance, de l’assentiment), dans le pire des cas, nous nous laissons entrainer dans de vains débats où il est très rare que l’un puisse convaincre l’autre.
Regarder une série télévisée peut détendre un temps (je m’endors presque toujours dans les cinq minutes) … mais en s’enchaîner pris au piège du « feuilleton »qui ne se renouvèle pas et ne nous enrichit pas risque aussi de nous priver de maintenir la relation avec le livre et ses apports ou avec des films plus ambitieux.
L’inutile ce sont toutes ces activités qui se mettent en travers de notre quotidien, non pas qu’elles ne servent à rien mais parce qu’elles peuvent nous faire basculer du côté de la vacuité, de l’indignité, du vulgaire.
Bien sûr on peut glisser de la poésie dans l’inutile ou le vulgaire, notamment si on sait avoir de la dérision. Mais de là à s’y complaire…
L’ennui peut sembler inutile mais il est parfois un passage permettant de révéler la créativité… Il est néfaste s’il s’accompagne d’activités compulsives… Au fond c’est toute la différence entre grignoter des aliments mauvais pour la santé et prendre le temps de se préparer puis déguster un bon repas..
Il faut parfois aller décrypter, pourchasser, repérer ces moments ou habitudes qui créent des problèmes vains et du stress.
Ce sont ces activités mangeuses d’énergie, de temps et d’espace et qui vont nous rendre moins efficaces pour ce qui est des choses à accomplir d’un point de vue prosaïque. Elles vont altérer la part poétique de nos propres vies…
Changer de vie, c’est pouvoir faire ce travail en se demandant si ce que je fais m’augmente, m’enrichit spirituellement ou intellectuellement ou m’empêche de faire quelque chose qui serait certainement plus enrichissant.
Trouver de nouvelles habitudes, se donner des projets…
L’inutile ne doit pas être dénoncé à coup de moraline comme le ferait un Tartuffe. Il faut à ses habitudes vaines, lui en substituer d’autres gratifiantes, enrichissantes… avec de l’ambition mais avec un esprit de tolérance. Inutile de s’enfermer dans une doxa qui ne serait pas une discipline choisie mais simplement un catalogue de règles réactivant la souffrance ou la culpabilité.
Se peser de temps en temps peut constituer un indicateur mais le véritable indicateur doit être apporté par le fait de savoir si je me sens en phase avec mon corps et l’image qu’il donne…
Il s’agit en quelque sorte de designer sa vie en prenant en compte les évolutions de son parcours.
La définition de nouveaux projets ne doit pas plus sombrer dans le catalogue idiot mais plutôt dans la capacité de repérer ce qui s’aligne bien pour que naisse, j’allais dire presque de façon évidente et cohérente, un nouveau projet.
Là aussi il faut choisir à bon escient pour ne pas courir trop de lièvres à la fois.
Que pourrais-je faire avec ces pommes ?
J’ai de la matière. Avec des pommes je peux faire un tableau, une tarte, de la compote, les croquer, les partager, semer de nouveaux pommiers…
Quelle est mon intention ?
Chaque projet doit s’interroger par le but qu’on lui assigne. But affiché, but pour soi, but réel.
Je vais me donner deux ou trois jours, comme dans une sorte de séminaire personnel, pour poursuivre et affiner la réflexion…
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