Il y a un an j’avais pris la décision de changer de lieu de vie, mais je ne savais pas encore où j’irais. Mon projet commençait à se dessiner : choisir une nouvelle région, penser les étapes… mais surtout réfléchir à ce que j’allais emporter ou laisser, penser à mes besoins, à mes valeurs. Beaucoup de mes amies et connaissances doutaient de ma volonté ou comprenaient mal pourquoi je voulais partir… aujourd’hui, l’objectif atteint, j’en suis à la phase exaltante de l’exploration, de la découverte…
Un lieu une étape de vie
J’ai raconté que j’avais souvent changé de lieu de vie depuis mon enfance. Les premiers changements ne furent pas de mon fait. Ils furent liés à la vie de mes parents, à leur séparation… Mais peut-être que ces premières expériences m’ont à la fois donné le goût de la découverte et m’ont enseigné à associer les étapes et changements de vie à un nouveau lieu…
Certains sont très ancrés dans leurs racines. Je n’ai pas de « lieu » où symboliquement je pourrais retourner en me disant, « c’est la maison de mon enfance », ou la maison de famille… Les orphelins voient bien ce que j’évoque. Ce n’est pas triste, car en échange, je possède une liberté de choix plus grande encore. J’aurais pu créer ce lieu mais ma race va s’éteindre.
Dans ma vie donc, les étapes scolaires, estudiantines, professionnelles et amoureuses ont été associées à des changements de lieux. J’ai changé plusieurs fois de métier ou de fonction, cela a également favorisé ces « mutations »…
Étranger, campagne, ville moyenne, capitale, appartement, maison… J’ai trouvé du bonheur dans chacun de ces lieux. J’ai pu y créer « mon monde » avec des constantes et des changements… J’ai pu apprendre beaucoup en découvrant la vie en province, dans le « neuf-trois » ou dans le « neuf-deux »… Il y a des lieux où je suis resté plus longtemps comme à Paris… mais au delà des lieux géographiques, des environnements, ce sont les ambiances et les personnes que j’ai aimé découvrir.. avec une constante d’ailleurs qui aura été souvent de tisser des liens avec d’autres « étrangers » comme si nous nous reconnaissions dans cette disponibilité à la découverte…
On change de lieu, mais il y a ce que l’on emporte avec soi, en soi… Les amis se sont souvent amusés de retrouver des objets qu’ils connaissaient dans des univers différents. Ainsi, l’essentiel de nos « racines », de ce qui nous forge est bien en nous. Partir est aussi une façon de renouer avec cet essentiel…
La maison du temps choisi
Aujourd’hui je n’aime guère employer le terme de « retraité ». Il pue la mort qui s’approche et surtout donne l’impression que l’on se retirerait du monde et de l’activité. Mes journées sont pleines (trop parfois) et je ne connais aucun ennui.
Seulement, je choisis à présent mes objets de travail ou d’activités. Je suis libéré d’avoir à rendre compte à d’autre qu’à moi-même… Bien sûr, je m’inscris dans les exigences de la société, je paie mes impôts… mais je fais des choix pas de devoirs au sens réducteur du terme.
C’est une nouvelle étape où les projets se dessinent autrement. Sans jeunisme, il faut veiller à ne pas céder aux risques de l’abandon, c’est à dire à celui de « mal prendre soin de soi ». Ce n’est pas refuser l’âge qui vient, mais garder une certaine maîtrise… C’est toujours mon antienne du : apprendre, créer, partager et prendre soin qui anime chacune de mes journées…
Je m’étais décidé
Il y a un an, je m’étais décidé. je m’interrogeais sur le nouveau lieu de vie. J’envisageais plusieurs hypothèses mais celles et ceux qui me connaissent savaient déjà mon tropisme pour l’Aveyron.
Coup de foudre du passé, confirmé par quelques escapades, on a des accointances avec des lieux. Le Rouergue est si riche et si divers qu’il est presque un pays à lui seul.
Il y avait le besoin de mettre de la distance avec une séparation amoureuse, avec la maison du COVID et la dernière ville où j’avais travaillé. Toutes ces périodes m’ont beaucoup enseigné, mais comme un élève à la rentrée aime écrire sur un nouveau cahier, j’aime m’imposer de nouveaux apprentissages, une façon de m’aider à la fois à regarder les choses autrement et à me retrouver.
Je sais que certaines personnes ont peur de partir. « On sait ce qu’on quitte pas ce que l’on va trouver ».
Les paysages où je vivais étaient formidables, j’ai tissé là bas quelques jolis liens… mais pour la nouvelle étape de ma vie qui arrivait, il me fallait rechercher une sorte de « mise en cohérence ». Un irrésistible besoin de mouvement, non pour quitter, mais parce que « l’heure était venue », une sorte d’alignement des planètes…
Ce type de décision, doit être une résolution douce, d’évidence… J’avais ressenti la même certitude en quittant la Haute-Provence pour Paris. À l’époque les gens m’avaient dit que j’étais fou… quitter une si belle région pour la capitale… j’y ai vécu de très belles choses que je n’aurais pu vivre en Haute-Provence… ce qui n’enlève rien aux charmes de cette région…
Je n’ai pas changé de lieu par désamour ou ennui, mais pour écrire un autre chapitre…
Retour sur le parcours
Plus que dans les étapes précédentes et parce que j’en avais le temps, je me suis imposé à l’époque, il y a un an, un retour sur le passé, non pour écrire mes mémoires, mais pour repérer ce que j’aimerais emporter et ce qu’il serait mieux de laisser.
Comment faire avec les souvenirs ? La nostalgie c’est bien, si elle renvoie à des choses plaisantes, la mélancolie qui renvoie à des épisodes douloureux n’est pas nécessaire. De toutes les façons, il y a des souvenirs – même déplaisants- qui reviennent sans support. Inutile de les cultiver, de les favoriser s’ils ne font pas du bien et n’engagent pas à avancer…
L’autre jour en regardant certains livres de la bibliothèque, j’en ai identifié quelques uns qui auraient pu être « oubliés ».
Je ne regrette pas d’avoir jeté nombre d’écrits datant de mes jeunes années… J’aurais pu être encore plus sévère surement : je me suis seulement demandé si je serais fier qu’on les trouve après mort. Sinon, hop ! poubelle ! Mais, je voyais l’autre jour, que nombre d’écrits numériques resteraient à trier… On ne se débarrasse pas si facilement de son passé !
Prendre du recul permet aussi de considérer certains épisodes ou croyances du passé : l’idée n’est pas de se juste de tourner la page ou de s’éloigner mais de comprendre comment certaines logiques ont pu constituer des sortes de pièges. La mise à distance ne permet pas forcément d’éviter les erreurs futures mais de mieux comprendre certains mécanismes et de se positionner autrement… l’idée est aussi en arrière plan d’agir en accord avec ses valeurs profondes.
J’ai fait ce que j’ai dit
Je n’en conçois pas de fierté particulière mais j’ai toujours eu à cœur de mettre en œuvre mes choix, de manière indépendante. Cette autonomie de l’autodidacte est certainement un des points qui me caractérise et j’ai bien vu que cette façon de procéder a toujours été bien plus gratifiante que celle de céder au conformisme ou à des pressions même amicales ou affectives.
C’est pour soi-même qu’il faut agir pour que cela puisse être positif pour les proches ou son entourage.