Samedi 8 juin 2024 à Villefranche de Rouergue, en lien avec le mois des fiertés qui commémore les émeutes de Stonewall de juin 69, un collectif d’associations invitait à manifester pour une marche visant à donner de la visibilité aux « minorités sexuelles » en milieu rural. « Tendresse radicale », ce beau slogan affirmé au départ du cortège, définissait avec justesse l’esprit qui animait toutes ces personnes. Sous le folklore apparent, j’ai trouvé beaucoup de sincérité, de délicatesse et de sensibilité dans ce beau moment.
Il y avait du monde
Pas simple pour nombre de personnes de s’affirmer ou simplement de pouvoir vivre comme elles sont, qui elles sont, notamment à la campagne, que ce soit dans leur travail, dans leur village, au quotidien… quel combat pour une personne qui vit en transition et ne trouve pas par exemple l’aide médicale nécessaire !
Visiblement nombre des participant-e-s se connaissaient ou se retrouvaient. Il y a des réseaux discrets dans les campagnes. L’ambiance était chaleureuse. Des jeunes, peut-être encore au lycée, des familles, des trentenaires, quelques vieux… des costumés, des maquillés ou habillés comme tous les jours… avec comme un besoin de se conforter, se réconforter, se rassurer dans un contexte où les agressions homophobes se développent, où certains mouvements de pensée ou politiques n’hésitent pas à s’en prendre ouvertement aux « minorités sexuelles »…
Dans les différentes adresses en début de cortège, outre le rappel des positions habituelles, du vécu, il y eut aussi ces appels la prudence, à ne pas rester isolé en dehors du parcours, à signaler les éventuels faits d’agression… J’espère qu’il n’y en eut pas… mais on sentait que la peur est là, et cette réalité est juste insupportable.
La police municipale et la gendarmerie étaient présentes… Plutôt neutres. Un gendarme photographiait le cortège… pour qui ? Un autre, un jeune homme au visage fermé fixait les manifestants : « Il nous regarde mal celui là » dit un garçon qui se sentait justement déconsidéré. La peur était peut-être sous l’uniforme… peut-être avait-il juste besoin… de tendresse ?
Toute la manifestation se fit dans le calme, la joie… et l’humour. Une personne en béquilles était transportée par son amie… en brouette !
Fluidité
Dans ce genre de manifestation, évitez de vouloir savoir « qui est qui », de mettre un genre à tout prix, d’étiqueter. Pour quoi faire ? Il y avait des garçons beaux comme des filles, des filles belles comme des garçons, des humains se dessinant sans appartenir à une norme, un code… une créativité, une inventivité… avec un point commun, presque palpable, la sensibilité à fleur de peau.
Chaque personne est une histoire humaine unique, une aventure et les chemins que certaines et certains ont à débroussailler (pour faire le clin d’œil aux « Bonnes débroussailleuses » organisatrices de ce moment), sont parfois des chemins inexplorés, des chemins de traverse… alors on peut se blesser aux ronces, se fourvoyer, chercher… chaque chemin est hautement respectable et ne veut rien imposer à personne que le droit d’être soi même. Mais certains n’aiment pas voir d’autres s’émanciper… Les braves gens n’aiment pas que l’on suive une autre route qu’eux…
Une douceur généreuse traversait tout le cortège. Même les chiens nombreux qui nous accompagnaient étaient dépourvus d’agressivité.
Danser !
Quel écrin que celui de la Bastide ! L’Aveyron connut longtemps le poids de l’église catholique. Le Rouergue fut souvent conservateur… mais il est devenu aussi terre d’accueil. Sur la place, un spectacle de danse qui n’avait rien d’indigne fut offert aux spectateurs écrasés de chaleur.
Il peut y avoir du conformisme partout. Des moments où la pensée se mue en réflexe, sans prendre toujours du recul, avec le risque du clivage ou du ressentiment… mais j’ai plutôt perçu dans la découverte de toutes ces personnes une jolie et simple leçon de courage et de tolérance… une façon poétique aussi de s’inscrire dans la vie, de prendre sa place, de s’affirmer…