Résister. Il va nous falloir résister. Résister en osant l’attitude éthique. Résister au nom de principes à rappeler. Résister en nous plaçant du côté de la raison contre celui de la passion. Résister à l’anathème, résister au ressentiment, résister à la tentation folle de nous déchirer, de nous exposer même personnellement d’un point de vue psycho-affectif, trouver des compromis sans compromission, pour relier et construire…
Pris au piège
L’opportunisme et l’impéritie auront été les marqueurs de ces sept années du pouvoir présidentiel. « Qui trop embrasse mal étreint », qui croit pouvoir avoir raison seul nous mènera dans le mur…
Les citoyens n’ont pas été respectés, y compris quand ils ont aidé comme on dit « à faire barrage ».
Dans le scénario macabre du 9 juin, si nous sommes tous responsables, celles et ceux qui ont cédé à la mise en scène du duel ont joué avec le feu. C’était joué d’avance. Qui a été surpris du résultat ?
30% des votants, ce n’est pas 30% des français. Le parti des abstentionnistes reste le plus puissant. Le doute, l’indifférence, l’individualisme…
Aujourd’hui nous ne sommes plus des citoyens mais des citoyens-consommateurs. Nous voyons la politique comme un supermarché… les gens veulent « essayer » un parti ou un programme comme une lessive. Comme au supermarché, l’étiquette ne dit pas toujours la vérité, les prix bas peuvent cacher des produits transformés ou frelatés fort mauvais pour notre santé… et il sera un peu tard pour venir se plaindre en cas d’intoxication alimentaire.
La dissolution est un pari, est un piège. Elle est cynique : son calendrier ne permettra pas de temps de réflexion, l’émergence de nouveaux projets. Elle est comme une injonction à agir vite en privilégiant les manœuvres d’appareil et la personnalisation à outrance. Elle interdit la recomposition à gauche, elle sert l’extrême droite et met à mal le centrisme démocratique. Il faut regarder qui s’est réjouit de cette dissolution… si ce n’est pas partout pour les mêmes raisons.
Crier au loup ne sert à rien
Vote des villes, vote des campagnes… Dans mon petit village sur plus de 300 inscrits, près d’une centaine n’est pas venue voter. 2,4 % ont voté blanc ou nul !Jean Lassalle est arrivé en troisième position (13,30%) devant la France insoumise ou Besoin d’Europe… L’émiettement des voix est par ailleurs intéressant… Il témoigne d’une grande diversité de vues et d’approches, de représentations culturelles, presque individuelles en fonction de l’histoire de chacune et chacun… quelle mosaïque !
Et si un village ne fait pas la France, il y a là le message clair de citoyens qui ne se sentent pas pris en compte… On ne peut pas dire ici que les problématiques de l’immigration ou de l’insécurité puissent objectivement être les préoccupations premières du village… si ce n’est de vieilles réminiscences datant… de la guerre de cent ans !
Plutôt que de s’en prendre aux électrices et aux électeurs, les politiques devraient oser renouer le dialogue, parler projet mais aussi démarche… Car annoncer un catalogue de mesures sans préciser de quelles façons on imagine atteindre l’objectif, avec quels efforts c’est juste « de la réclame »… Il faut que le contrat puisse être aussi clair que possible…
Le piège des réseaux et des médias
Il nous faut résister aussi à cette tentation permanente du buzz, à la provocation sur les réseaux sociaux…
Il n’y a aucun intérêt à tenter de dialoguer avec le militant convaincu de sa cause… mais plutôt à promouvoir des valeurs, ce que l’on souhaite, la façon dont on veut que les personnes puissent vivre ensemble sur le territoire. Nous n’avons pas besoin d’agressivité, de formules ronflantes, de clash ou autres polémiques… Sera crédible celle ou celui qui saura écouter, rassurer, prendre en compte, contractualiser une démarche sans exclure.
Bien sûr chacun doit avoir à rendre compte de son mandat : important de rappeler qui a voté quoi, où se situe l’engagement des uns et des autres…
On est vite happé. Pour ma part, je sais que je vais veiller à être présent sur les réseaux ou suivre les médias mais avec prudence et parcimonie plutôt en mettant en avant les propositions, des démarches qui me paraitront intéressantes… Je ne veux pas perdre mon temps en débats agressifs et stériles qui ne s’inscriraient pas dans la vraie vie.
J’ai entendu ce matin un homme politique à la radio dire qu’il était prêt à se battre « comme des chiens ». Mon chien a levé la tête et s’est rendormi placide et fatigué d’avance.
Des compromis sans compromissions
Quand vous n’avez pas le choix réel, quand vous n’avez pas le temps d’agir pour élaborer quelque chose qui réponde à vos aspirations, oui, il faut accepter des compromis.
Ce ne serait pas la première fois… alors, je me fais d’avance une raison.
Quand je dis, « pas de compromission », cela veut dire que j’irai tout de même regarder pour qui on me demande de voter, ses prises de positions, son parcours… pour ne pas mettre en avant ou protéger quelqu’un qui ne répondrait pas moralement à l’exigence que je me fais en matière de respect des personnes et de la dignité égale de toutes et tous par exemple…
C’est pour cela que l’extrême droite ou celles et ceux en périphérie qui reprennent des formulations stigmatisantes, emploient des raccourcis, énoncent des contre-vérités qui renvoient les personnes à leur origine, leur religion, leurs préférences amoureuses… ne sauraient obtenir mon suffrage.
C’est un sale moment. Les résultats des urnes pourraient très bien conduire à une France (encore plus ) ingouvernable. On peut même craindre ici et là des troubles… lesquels favoriseraient la demande d’ordre et de mise au pas, la peur étant un maître exigeant !
En voyant ce qu’il se passe, toutes proportions gardées, je pensais aux conflits entre le parti de l’Ordre et le parti bonapartiste qui conduisit à un certain coup d’état… Heureusement, l’histoire ne se répète pas !
La vérité finira par triompher
Il ne faut pas en douter, la vérité finit toujours par émerger. L’aspiration profonde à la liberté est un marqueur humain. Si parfois les citoyens signent leur propre asservissement pensant trouver remède dans la plus amère des potions, il vient un moment où le carcan n’est plus acceptable… sauf qu’il faut se garder de se jeter dans les bras de n’importe qui sous prétexte que ça s’est mal passé avec le précédent gouvernement…
Mais a contrario de certains qui espèrent tirer les marrons du feu d’une situation explosive, je n’ai pas envie de goûter au pire pour que l’on se reprenne… Comme les antibiotiques, l’extrême-droite, c’est pas obligatoire !
Les solutions simplistes sont des mensonges. Il y a de vraies urgences pour le pays. C’est à cela qu’il faut répondre en veillant sur les plus faibles.
» Étouffez toutes les haines, éloignez tous les ressentiments, soyez unis, vous serez invincibles. Serrons nous tous autour de la République en face de l’invasion, et soyons frères. Nous vaincrons. C’est la fraternité qui sauve la liberté. »
Victor Hugo