C’est la semaine de l’éthique. Après avoir invité à mettre de l’éthique dans notre moteur, après avoir parlé de poéthique, ou d‘auto-éthique, me voici abordant l’épineux sujet de l’éthique et de la politique. Un sujet ressassé si l’on en croit les nombreux liens proposés par les moteurs de recherche, mais que je voudrais aborder du point de vue de la démarche personnelle et des questions que je me pose…
L’éthique du privé au social
Quand j’étais jeune, pour présenter un concours dans l’enseignement il fallait présenter un « certificat de bonne moralité » signé par le maire de la commune… On louait un appartement en « bon père de famille ». Aujourd’hui ces formules n’ont plus cours, en revanche on vérifie que les fonctionnaires ou les intervenants en milieu scolaire n’aient pas de casier judiciaire.
On voit bien la différence entre le fait d’être jugé sur des critères moraux plus ou moins flous ou sur des critères liés à la situation judiciaire.
Les entretiens d’embauche ou certains entretiens de concours peuvent viser à repérer des postures ou positions qui seraient contraires aux choix (éthiques ou non) d’une entreprise ou à des grands principes. Par exemple, un candidat à un corps d’enseignement ne pourrait affirmer son opposition à la laïcité… Mais il pourrait dissimuler des opinions et ce serait alors l’expérience du terrain qui pourrait révéler un problème qu’il faudrait traiter ( et il existe un appareil de sanctions normées et encadrées).
Tout « innocent » peut un jour dériver hors du cadre légal. Tout « coupable » effectivement condamné, une fois sa peine purgée pourra en garder des stigmates (opprobre, contraintes spécifiques…).
Le soupçon associé ou non à la calomnie, s’exprime au travers d’une exigence de transparence qui peut concerner aussi bien la vie privée que les finances, la situation fiscale etc. Pour une part, il s’agit de préserver l’égalité devant la Loi et d’autre part qu’une personne pour obtenir un droit puisse justifier de sa situation.
Comme personne, comme citoyen ou acteur social, objets du contrôle exercé par des instances parfois privées ou publiques, nous régulons seuls en autonomie la plupart du temps notre action et le faisons par notre éducation, nos principes moraux ou notre éthique. Nous devons « nous contrôler », inhiber certaines de nos pulsions, ajuster notre liberté aux exigences sociales ou aux valeurs morales dont on ne sait toujours dire si elles sont automatisées, intériorisées ou acquises, construites par conviction et sincérité. Mais qu’importe si concrètement cela permet un meilleur vivre ensemble ?
Il y a une éthique de la politesse et elle même se gradue de l’indifférence à l’obséquiosité en passant par l’attention sincère… Un homme en apparence « galant » peut s’avérer un macho de première..
Nous ressentons parfois une pression sociale plus ou moins légitime qui exige que nous rendions compte au delà même du droit. On est regardé par ses voisins, dans la rue ou le métro… Les Tartuffes auront toujours pignon sur rue.
L’organisation de notre société démocratique
Sur le papier les citoyens élisent des représentants pour un mandat et une période donnée. On dit ensuite que le « peuple est juge ».
En France, le devoir civique n’est pas une obligation. Chaque élection est encadrée par des règles spécifiques et peut être contrôlée. C’est parfois complexe, lourd et lent…
Tout au long de l’Histoire, les citoyens ont exprimé leur souhait de lutter contre la corruption dans un principe de justice. On voit aujourd’hui que des « principes moraux » ou l’exigence de transparence peuvent pousser un élu à démissionner alors qu’il n’est pas mis en examen et encore moins condamné… Des règles floues ont imposé là la démission de ministres ou à d’autres moments certains ont pu poursuivre leurs activités… La peur du jugement moral et de la médiatisation, le bruit médiatique amplifient les réactions au risque de tordre le cou à la vérité… Mais de façon paradoxale perdurent le déni comme le complotisme…
On sait tous que si un élu peut-être conduit à la démission pour des questions morales, un gouvernement ne sera pas sanctionné sur ses résultats autrement que par la sanction des urnes. Des élus peuvent en toute « légitimité » voter le contraire de leur programme sans risquer de condamnation personnelle…
Le spectacle des élus à l’Assemblée nuit parfois aux valeurs qu’ils prétendent porter, l’hémicycle autorise pratiquement tout type d’énoncé. Si l’insulte ou l’agression physique peuvent être condamnées, la diffusion de fausses informations, l’anathème, le raccourci et divers procédés peuvent volontairement ou non fausser la rationalité, l’objectivité et la vérité… sans réelle conséquence.
« L’opinion » se construit souvent au croisement de la réalité réelle ou ressentie par les citoyens, des sondages et des présentations faites par les grands médias. La manipulation, la diffusion de fausses nouvelles et le rôle des réseaux sociaux ajoutent encore au trouble avec le risque grandissant que les citoyens déçus en appellent comme autrefois au « parti de l’ordre » comme s’il fallait goûter au pire pour comprendre l’intérêt d’un régime démocratique…
Clanisme et vision binaire
Un jeu terrible mais que je conseille, consiste à prendre des extraits de déclarations de discours d’hommes et de femmes politiques en ôtant les noms puis de jouer à retrouver s’il s’agit d’un texte signé par l’opposition ou la majorité, par tel ou tel parti, par tel ou tel responsable politique… Eh bien, on peut vite se tromper !
Nous avons souvent le réflexe de penser par adhésion à la personne, à un clan et non par adhésion aux idées ou aux projets.
Nous sommes aussi souvent sommés de voter oui ou non, il faut bien choisir, mais nous ne sommes guère invités à proposer des approches nuancées, à évaluer avant de choisir les conséquences d’une décision etc.
La question de l’exercice du pouvoir et des alliances domine le contenu, les objectifs, les projets, l’idéal…
On voit bien une sorte de « brouillage » idéologique de toutes parts qui empêche de penser. La démocratie existe, mais le pouvoir n’est pas suffisamment partagé car si les citoyens font peu confiance aux politiques, l’inverse est vrai.
Pour un « contrat de confiance » et une posture éthique
Passer du citoyen-consommateur au citoyen-responsable ?
Les programmes politiques ne sont pas des lessives à essayer. D’ailleurs, la composition de la plupart des lessives reste souvent proche et pour filer la métaphore, c’est peut-être la machine à laver qu’il faudrait réparer ou nettoyer…
Si un citoyen choisit en connaissance de cause un programme, quel rôle peut-il jouer dans la mise en œuvre des choix ? La responsabilisation vaut engagement… Si j’exige de meilleurs services publics sans consentir à l’impôt, il y a souci… Oui, mais je veux des garanties d’équité et que l’on ne me mente pas sur la destination des budgets.
Si j’attends plus de civisme de la part de mes concitoyens, quelle conduite suis-je prêt à adopter pour moi-même qui ne soit pas seulement le recours à plus de Loi, plus de répression… ce qui se montre au final inefficace, sauf à nous enfermer tous… (confiner ? ).
De l’indifférence à la charité, sommes-nous prêts à favoriser en tant que citoyens une société conviviale, bienveillante (dans le sens bien veiller sur), généreuse et même fraternelle ? Cela n’a rien à voir avec le laxisme… et il faut trouver un équilibre entre la liberté individuelle et la régulation…
Les logiques de coopération mériteraient d’être valorisées…
Encore faut-il être écouté et que des voix sages et désintéressées éclairent le débat et favorisent le dialogue…
Cela veut dire que l’anathème, l’exclusion et le ressentiment doivent être condamnés d’abord en réduisant les injustices… cela veut dire qu’au delà des formules toutes faites, nous aurions besoin de renouer avec des discours qui osent redéfinir un idéal sans sombrer dans le dogmatisme ou l’exclusion, préciser les valeurs, ce qu’il est possible de tolérer, jusqu’à quel point…
L’engagement éthique des politiques
On pourrait (je sais ça va faire rire) demander à chaque élu de prêter serment : s’engager à respecter les opinions opposées, à la sincérité de son action politique, à mettre en œuvre ce pourquoi il a été élu et en rendre compte en intégrant la complexité…
Un élu devrait s’attacher à démontrer comment il permet à chacune et chacun de prendre sa part, comment il travaille au partage du pouvoir, comment il régulera son action à l’aune des choix citoyens…
Nous avons choisi un modèle où il suffit de réunir la moitié des voix plus une pour imposer à toutes et tous une Loi, un texte, une solution…
La proportionnalité, timidement revendiquée devrait nous aider à inclure les différents points de vue dans la prise de décision.
C’est un changement de paradigme… mais nous voyons bien qu’un certain nombre de points finissent par être reconnus et partagés par tous dès lors que l’évolution des mentalités comme les changements imposés par la réalité s’imposent…
Clairement, le pouvoir personnel ne peut avoir sa place dans cette logique. S’il faut savoir être réactif face aux urgences, les grands choix doivent pouvoir se penser dans une approche systémique.
L’impéritie doit être proscrite, tout comme le pilotage par le scandale ou la mise en cause de telle ou telle catégorie de la population. L’équité doit être recherchée et éclairée par des critères simples et réels.
Voter ? Mais pour qui ?
Depuis des années, je ne vote plus par adhésion mais par stratégie. C’est à dire que je mesure la limite des programmes. La posture de certains hommes ou femmes politiques est par trop contraire à mes valeurs pour que je favorise leur accès au pouvoir ne serait-ce que par l’abstention.
C’est une frustration terrible. Ce n’est pas simple à gérer et parfois quand je conçois possible de voter pur telle ou tel, la candidate ou le candidat se fourvoie, se ridiculise ou montre une telle incompétence que « ça bloque ».
Je ne suis resté que quelques semaines dans un parti politique, tant je fus déçu par les buts qu’on s’y donnait : lutter en priorité contre ses alliés politiques dans le but d’étendre le pouvoir du dit parti. À mes yeux on se trompait de priorité et pendant ce temps l’intolérance montait. Visiblement ça n’a pas changé.
Certains ont renoncé à choisir se laissant guider par l’opportunisme, l’attrait du pouvoir…D’autres au contraire se réfugient dans le confort de la figuration. Ils ne veulent pas du pouvoir…. mais il n’est pas certain que le risque d’une Révolution les engagerait pour autant…
Je n’ai aucune espèce d’illusion, je ne crois pas du tout que c’était mieux avant, il faudrait juste que la lucidité ne se transforme pas en amertume mais comme une invitation à changer de paradigme, sachant que le pouvoir politique est ultra dépendant du pouvoir économique dont il n’est souvent que le serviteur.
Il faut donc commencer par poser des questions, réinvestir l’imagination, la créativité et oser aussi redéfinir concrètement les rapports que nous voulons entretenir les uns avec les autres.
On demande rarement – jamais- aux citoyens quelle société ils voudraient…
Bref, ce qui serait intéressant ce serait de chercher comment pourrions-nous faire appel au meilleur de nous-mêmes, nous relier pour agir collectivement pour le bien de tous au lieu de perdre notre énergie à nous hurler dessus ?
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