C’est la semaine où l’on joue avec chaque jour un poème à la coque. Pour ces improvisés la règle est simple. Comptez trois minutes par poème. Je soliloque un peu. Aujourd’hui j’ai menti : Ne me tutoie pas ! est né en deux minutes cinquante et quelques dixièmes. Il est sorti directement. Suis-je pour autant un adepte du vouvoiement ? Je le crois cependant.
Ne me tutoie pas
Ne me tutoie pas !
Toi qui m’ôtes tout
Toi qui me tuas
Otage de ton tutoiement
Je veux rester
À la porte
De tes sentiments
Ne m’envahis pas
De ta fausse camaraderie
Cette supercherie
Je ne suis rien pour toi
À tu et à toi
Il faudrait que l’on soit
Comme cul et chemise
C’est pas la terre promise
Un cœur qu’on dévalise
Je ne suis pas de ton église
Je ne veux pas de ton rire
De ton haleine dans mon cou
Je préfère quand on me dit vous
Puisque je vais bientôt mourir
Naissance
Il y a des textes, on s’assoit, on prend une inspiration, on attend et puis ça vient. Ou pas. Parfois, on a la chance de la belle surprise, une métaphore nait d’un jeu de mots, c’est comme un filtre sur la photo. Parfois c’est moche, parfois c’est beau, on ne sait pas prévoir à l’avance ce qui sortira. Ça marche ou pas.
Le pire c’est lorsqu’on reprend le texte au calme le lendemain, puis que l’on comprend que ça n’avait rien de très original et que l’effet n’était qu’esbroufe ou simagrée à deux sous. On est déçu. On jette le poème. Puisqu’il est vide de poésie.
Celui de ce matin, c’est amusant. Je l’avais en bouche. J’ai traversé la pièce, la théière à la main, le tenant, le retenant, me le disant pour ne pas l’oublier. Il m’a presque fallu plus de temps pour allumer la machine que pour l’écrire. Ce sont des textes qui naissent par ébullition, ou pire par expulsion. C’est prendre le risque du pire mais ce sont des textes d’oralité. Le rythme n’est pas du tout pensé et la rime s’arrime comme elle peut. Au début, il y avait juste une idée, à propos du vouvoiement, et c’est pas faux… Je n’aime pas trop être tutoyé…