Hier je partageais avec vous la réflexion relative aux souvenirs que nous accumulons tout au long de la vie et à mon désir de m’alléger au moment où je change de vie.
Grâce aux déménagements qui imposent souvent leur Loi où engendrent forcément des pertes, j’avais déjà pu m’alléger pas mal. Mais là, alors que je ne suis pas en train de faire des cartons, j’ai ouvert le chantier et préférant ne pas attendre ni chipoter j’ai attaqué la montagne en commençant par le plus sensible : les centaines de pages de jeunesse et les dizaines d’enregistrements… Une sacré sensation !
Savoir débroussailler sa vie !
Ce n’est pas encore achevé. Il reste encore des pages à jeter parmi les écrits récents et je n’ai pas tout brûlé du passé, mais je n’ai pas juste élagué, cette fois, j’ai eu le courage de trancher plus sévèrement… Deux gros sacs pleins attendent de partir…
Écrits d’enfance, d’adolescence
Je n’ai conservé pour l’instant que quelques textes, les premiers de la fin des années soixante, puis des textes de 70 à 76 environ… Sûrement ai-je été plus conciliant avec les cahiers d’écolier sagement écrits, plutôt qu’avec les feuilles volantes, parfois abîmées… Beaucoup de pages tiennent plus du journal intime qui ne dit pas son nom que de la poésie. Certainement écrire m’a permis de tenir… D’ailleurs, en les retrouvant, plus que leur contenu même, c’est l’ambiance qui remonte, presque une odeur triste du passé…
Tristes heures
Oui, ce qui frappe en s’arrêtant un instant, c’est l’omniprésence de la mort dans ces écrits, avant même de la rencontrer… l’écrit probablement amplifie le sentiment de désespoir… Je devais tellement me taire. Heureusement avec le théâtre vers l’âge de 12 ans j’ai osé l’humour et la joie. Théâtre et amitiés me permirent d’aller jusqu’au bac. Un étudiant en première année de psychologie saurait dire que le petit Vincent n’a sûrement pas eu ni une enfance ni une adolescence très marrantes. Plus loin, il est amusant de noter qu’à vingt-ans je me trouvais déjà vieux !
Vive l’amour et l’amitié !
Là où l’on voit une évolution, c’est grâce à l’amour et à l’amitié. Il y a un cahier tout entier écrit pour une belle jeune fille, celle qui avait un jour tricoté une foultitude de pompons multicolores qu’elle avait accrochés à mon écharpe blanche lors d’une répétition théâtrale… Oui, le jeune homme fut sauvé par les rencontres, le théâtre, les amis parfois particuliers, l’amour… Je n’ai pas besoin de relire ce fatras pour m’en souvenir…
Les véritables archives sont en nous et si nous les redessinons, c’est parfois pour tenir et écrire nous-même le livre de notre vie…
Puis vint la machine à écrire !
L’Olivetti Lettera 22
Ma mère comme mon grand-père étaient chacun d’entre eux les heureux possesseurs de cette petite machine à écrire qui fut la première sur laquelle j’osais m’essayer… utilisant parfois du papier carbone… J’en ai presque encore la sensation dans les doigts. J’entends encore le cliquetis des touches. Parfois elles se coinçaient…
Les écrits devenaient sérieux
Je pense que nombre de textes étaient d’abord écrits à la main puis recopiés à la machine. C’est bien plus tard, que je possédais une machine à écrire électrique qui permettait d’enregistrer des phrases à l’avance ou même de corriger sur un petit écran avant de laisser les touches frapper seules la feuille… Il y avait aussi tous ces aspects techniques à gérer, les rubans à changer, qui parfois se coinçaient ou s’emmêlaient…
Un amoureux secrétaire
Il y eut, je ne l’oublie pas, l’un des rares amoureux à s’intéresser à mes écrits, qui passa beaucoup de temps à recopier de nombreux textes ou les reprendre…
Parfois dans certaines pages, des bribes de vers bien tournés ou forts… mais rien qui ne mérite vraiment d’être conservé.
Je suis bien plus dans les choses que je vais écrire, que dans ce que j’ai écrit déjà.
Les nombreuses cassettes audio
Il y avait ces bobines de films super 8 mm : j’avais acheté une caméra sonore avec mon premier salaire d’élève-instituteur vers 1980 je pense mais chaque bobine de trois minutes coûtait cher surtout à développer. Il n’était pas très simple de faire des montages de qualité. Certes, amusants, les quelques petits films tournés n’apportaient rien. Je n’ai pas besoin de m’imposer une séance de visionnage ! Alors, adieu !
J’ai manqué de courage ou j’ai simplement eu la flemme…
J’ai entre 12 et 30 ans je pense, enregistré des dizaines de cassettes où je collectais mes chansons. Les prises de son faites parfois avec des magnétophones bas de gamme, n’étaient pas très bonnes. Bien avant, il y avait même des bobines sur le gros magnétophone Philips de mon grand-père avec la voix très haute du petit garçon que j’étais, qui était bavard déjà et qu’on appelait, « le moulin à paroles »...
Mais voilà… D’abord, je n’ai plus de lecteur ici et puis je n’aurais pas eu le courage d’aller replonger dans ces heures d’enregistrement… pas très joyeuses en général !
Ce qui importe, pour qui sont ces souvenirs ?
Je n’ai par chance aucun héritier et il ne faut pas encombrer les gens qu’on aime avec son passé. Les souvenirs sont pour soi. Il y a des choses amusantes ou parfois dignes d’être montrées. J’ai retrouvé des affiches que je vais encadrer… quelques dessins… J’ai gardé des chansons qui doivent dater des années 80. Je les chante encore !
Mais les souvenirs peuvent vite être oppressants…
Après ce premier tri assez drastique, j’ai fait une longue sieste comme s’il fallait me reposer de ce voyage dans le passé…
Il reste encore à revenir certainement sur ce premier tri. Poursuivre encore : parmi les photos beaucoup sont sans intérêt, tristes ou ratées…
Une sensation de libération
L’écriture et la chanson, dès petit, m’ont évité de devenir complètement dingue. Il reste des souvenirs forts, parfois lourds, parfois tristes, parfois heureux… mais mon « enfant intérieur », ce courageux petit garçon créatif a droit aussi au meilleur vers lequel je l’emmène aujourd’hui, cet apaisement, ces découvertes neuves…
On ne peut avancer avec un lourd bagage. Il est difficile de marcher si on traîne un lourd boulet. Pas besoin de s’alourdir inutilement. Vieillir, grandir, c’est s’émanciper de son passé, c’est oser se débarrasser pour avancer plus librement, tracer le sillon.
Il ne s’agit aucunement de se renier, d’oublier – on se souvient de ce qui important-, il s’agit de ne pas s’encombrer inutilement. S’alléger l’esprit et le cœur, alléger son espace de vie pour le prochain voyage…
Il va rester encore d’autres objets à trier : des livres, des disques, des objets dans la maison qui sont restés parce que je n’ai pas forcément osé ou pensé à les donner, il faudra pourtant m’en débarrasser parce que non seulement ils ne me sont plus utiles mais m’empêchent d’avancer.
Si j’avais une image, un peu nunuche, je sais, ce serait la sensation de l’aéronaute dans sa montgolfière ou du rameur dans sa barque : pour avancer, s’élever, monter voir le vaste horizon et explorer de nouveaux paysages calmes, il est impossible de trop se charger, il faut se délester…
Il s’agit d’élargir l’horizon, d’ouvrir l’esprit, d’oser le présent.
Je n’oublie pas le passé, je n’ai pas la crainte du futur mais ce que j’ai a faire, c’est maintenant.