J’ai exploré hier les liens brisés du site. Liens internes ou externes, certains ont été brisés car « il n’y a plus rien au bout »: une page a disparu, un site a fermé ou bien parce qu’il y a eu cette erreur de frappe, un truc écrit de travers. Les liens brisés sont silencieux. Ils ne se perçoivent que si l’on mène une exploration. On se souvient, on répare, ou l’on efface…
La métaphore
Tu la vois bien la métaphore. Facile ! Dans la vie, il y a ces liens indéfectibles que seule la mort peut rompre… et encore… Ces liens qui se distendent quand la géographie, les aléas ou de nouvelles histoires s’immiscent. Ceux qui se rompent avec plus ou moins de fracas, ceux qui changent de nature…
Les vrais amis, on dit que les liens ne se rompent jamais.
J’ai appris par hasard la mort de X. Je suis resté comme un idiot sur le quai du train raté.
Les liens choisis
« On choisit pas ses parents, on choisit pas sa famille » chantait Maxime Le Forestier. L’assertion serait cruelle si elle nous privait de la possibilité de nous émanciper de nos destins. Quitte à rompre les liens.
On n’oublie pas, on peut avoir la chance de savoir pardonner, mais il ne faut pas craindre d’aller sur son chemin… « C’est là que nos chemins se séparent »...
Les liens toxiques ne méritent pas d’être cultivés.
Ou bien, si l’on souhaite nourrir le lien et le vivre, c’est une décision partagée. Une affaire de consentement.
Autrefois, la nétiquette voulait lorsqu’on faisait un lien de son site vers un autre, que l’on sollicite le webmestre de l’autre site avant de créer le lien. « Je crée un lien vers toi, es-tu d’accord ? « . Cela ne se fait plus en réalité… On est plutôt à l’heure où la « pseudo-intelligence artificielle » pompe votre matière grise, où l’on retrouve non pas des liens, mais ses propres créations sur un autre site…
Si Facebook passe par « la demande d’ami » qui suppose acceptation, Threads (réseau social pourtant de la même famille), suppose que ce soit celui avec qui un lien a été crée sans rien lui demander qui fasse la démarche de rompre le lien si besoin… Ainsi, j’élimine chaque jour avec dureté des dames à gros nichons qui n’ont pas compris l’erreur de cible.
Sur de nombreux réseaux, les appels « à (me) suivre » visent à augmenter le nombre de « followers »… Mais la quantité ne fait pas la qualité des liens et ne permet pas forcément de riches échanges.
Quand je fréquentais « Twitter » j’avais mesuré qu’un tiers des comptes qui me suivaient n’existaient plus, un autre tiers ne publiait plus et les interactions avec le tiers restant étaient faiblardes. Vrais et faux liens.
Lorsque vous écrivez un article sur un site, si vous avez « trop de liens » vous serez pénalisé par les moteurs de recherche… mais il est bien vu d’en avoir un certain nombre… Point trop n’en faut…
La peur de l’abandon, créer des liens…
Par crainte de l’abandon, certains vont chercher à multiplier les liens vers l’extérieur. Cette avidité, cette prolixité, cet engouement qui fait l’admiration en société masque souvent la difficulté à se relier à soi d’abord.
A soi, à son présent, à son environnement…
« Ne me quitte pas ! » est la chanson la plus pitoyable que je connaisse. C’est la chanson de la dépendance. Je lui préfère le « Pars, ne te retourne pas ! » de Jacques Higelin… où il ajoute optimiste « je serai toujours avec toi »… chanson d’émancipation…
La mémoire intime conserve des liens qui ne sont pas tant des liens vers l’extérieur que cette reliance à soi, à son histoire, à sa mémoire, ce qui vous fait…
Parfois ce n’est pas conscient d’emblée : je vis à quelques kilomètres de la ville où Colette Magny rendit son dernier souffle. Mentor malgré elle de mon existence, j’ai crée presque à mon insu ce lien mystique qui ne doit pas grand chose au hasard… et qui me fait du bien autant que la poésie des lieux.
Ou bien, je pense à V. avec qui nous nous sommes entendus immédiatement. Parfois il m’envoie juste un petit signe. Il nous suffit de savoir que nous pensons l’un à l’autre dans cette fidélité aussi absolue que libre. Lien indéfectible du choix réciproque dans un équilibre à bonne mesure.
Ghoster ou s’effacer ?
Il parait que c’est un exercice « moderne » de « ghoster » tel ou tel… parfois pour presque rien. Ne pas s’engager, se protéger. On colle une étiquette, on refuse la deuxième chance. C’est parfois une nécessité … mais quelquefois nous laissons peu au temps la possibilité d’affermir les choses… L’impatience ne cohabite pas toujours avec les liens solides.
Comme ma propre propension à m’effacer pour ne pas encombrer. Rien de pire pour moi que de déranger. Certains amis proches, nous nous envoyons des messages pour savoir si nous pouvons nous appeler sans nous déranger. Scrupules parfois exagérés…
Renouer est parfois périlleux. Les gens changent, et c’est heureux. Il faut accepter alors une redécouverte qui va secouer nos représentations initiales de l’autre.
Le site « Copains d’Avant » m’a montré comment j’ai pu renouer joyeusement avec l’un qui se souvenait si bien du théâtre au collège, mais aussi comment un ami d’enfance ne pouvait pas confronter l’adulte qu’il était devenu à l’intensité des liens des enfants que nous étions… j’étais resté gamin, il m’avait donné l’impression d’être un de ces adultes que nous dénigrions ensemble du haut de nos neuf ans.
Nettoyage accompli !
Sur le site, il semblerait que j’ai bien réussi à tout réparer ou nettoyer. Là un lien écrit de travers, ailleurs des liens morts.
Quand la vie est longue, quand les rencontres furent nombreuses, y compris professionnelles, l’inventaire n’est pas toujours aisé.
Mais je sais déjà, comme des petites pousses discrètes sous l’humus, que de nouveaux liens émergent… Il faut garder assez de souplesse à l’épiderme pour les laisser pousser…