Je n’appartiens à personne !

Publié le Catégorisé comme sur le vif
le soleil couchnat à Erdeven en Bretagne

Parmi les messages du matin dans la boite aux lettres du site, un message non signé. Une photo, une lettre s’autorisant le tutoiement avec un slogan débile « Ton booster de foi ». Une litanie de principes et d’admonestations. Rien d’original dans ce prosélytisme dégoulinant citant la Bible. Direction la poubelle à spam. Mais tout de même une phrase énervante : « Jésus n’aime pas par intérêt. Il t’aime, un point c’est tout. Il t’aime parce que tu lui appartiens. » Mais non mon gars , je ne t’appartiens pas !

Il serait bon que Jésus apprenne le consentement

C’est cela qui est insupportable avec la religion notamment monothéiste. Cette mainmise sur l’intime, cette intrusion, cette façon oppressante de forcer. D’abord on se croit autorisé à causer à la place d’un type qui n’est plus là depuis un bail si j’en crois les historiens. Puis on se lance dans des affirmations pour le moins péremptoires et peu étayées et enfin on vient spammer les gens.

Dans le même message, était aussi comme une antienne cette question du martyr, de sacrifice. Le sado-masochisme est peut-être une pratique chez certains, je ne m’y reconnais pas du tout. Je n’aime ni souffrir, ni faire souffrir.

Je me retrouve dans le fait de ne faire de mal à personne mais défendre des valeurs ce n’est pas accepter de prendre avec l’oppression morale et mentale imposée par les églises.

En lisant cette phrase énervante j’ai pensé à la fameuse citation de Musset ou plutôt elle s’est imposée toute seule :

Je n’appartiens à personne ; quand la pensée veut être libre, le corps doit l’être aussi.

Alfred de Musset – LORENZACCIO

Mais j’ai pensé aussi à la merveilleuse chanson interprétée par la vibrante et drôle Anna Prucnal :

Anna Prucnal – Qui j’aime ?

Même en amour

Rien n’autorise à posséder la personne que l’on aime. Le droit de propriété sur autrui c’est de l’esclavagisme, ni plus ni moins. L’amour librement offert et consenti, ne prend corps que s’il est un échange et peut se vivre en toute égalité et réciprocité.

Si tu m’aimes mais que je ne t’aime pas, ton amour n’existe pas. Il n’est que leurre à toi même.

Souvent on aime être aimé, mais ce n’est pas de l’amour.

Le véritable amour, la « révélation réciproque », c’est très rare. Une part infime parmi les gens qui pensent s’aimer. Et ça ne dure pas forcément. Ce n’est pas la durée qui compte mais la réalité ou l’intensité.

L’oiseau que j’admire en ce moment depuis la fenêtre dans le jardin, je l’aime parce qu’il est libre. La cage, le harem, la prison domestique sont des tue l’amour. Mais l’oiseau se fiche bien de moi, et il a bien raison… Il faut l’accepter. Je l’aime, sa présence me fait du bien, mais je ne compte pas pour lui. Il faut l’accepter sinon, on se fait souffrir.

L’enfant lui-même sera aimé parce qu’on l’aidera à s’envoler du nid. Pas en l’y retenant sous des prétextes fallacieux.

Les apprivoisements forcément provisoires, les complicités, tout cela ne vaut que par les échanges réciproques. Ce sont des pages, parfois des chapitres.

Deux êtres créent ensemble un espace partagé. C’est rare et c’est beau. Mais, on a beau regarder ensemble dans la même direction, on ne verra jamais la même chose !

Demandez à un couple de peintre de peindre le même paysage face à eux…

Il y a toujours le risque de l’incompréhension, de l’interprétation, de la confusion, de la dispute… Et c’est tout l’intérêt du cheminement. « Rien n’est jamais acquis à l’homme… »

Mais s’il est dit que chacun prendra soin de prendre garde à l’autre comme à lui même, alors, dans le respect nous devrions pouvoir partager… un moment dans le temps.

S’appartenir

Si je dis que je n’appartiens à personne, je m’appartiens. Je m’appartiens d’abord dans ce choix de vivre renouvelé chaque matin.

Cela peut sembler presque paradoxal. J’existe, parce que je suis responsable de moi. Et de ce que je fais.

Si le matin au réveil je me réjouis, c’est mon choix de continuer à pactiser avec la vie, ce flux auquel je concède une part de mystère.

Stop ou encore ?

Je suis né. Comme de nombreux enfants je suis plus le fruit du conformisme et des circonstances que de l’amour que se seraient porté mes parents, lequel ne dura guère car il n’était qu’un leurre.

Je remercie toutefois ma mère de ne m’avoir pas trop encombré de fadaises possessives et de m’avoir laissé m’émanciper.

Un jour, plus je vieillis plus j’y pense, le point sera atteint où pour conserver toute mon autonomie et ma liberté de penser, il me faudra éteindre la machine, comme on éteint la lumière. Cela n’aura rien de triste. C’est la puissance de cette liberté, de ce choix intime et ultime qui me pousse le matin à dire, « encore ! »

Mais un jour ce sera « Stop ! »

Et cela ne vous regarde pas.

Éthique

S’appartenir, c’est ne pas renoncer à soi dans l’échange, ne pas se nier dans la rencontre tout en acceptant de se découvrir.

Un caillou ne s’appartient pas.

C’est à dire, ce balancement entre ce que l’on pense être et ce risque à entrer dans le monde. Je m’appartiens dans le sens où je vois en l’autre la dignité du semblable. Je me respecte comme je respecte l’autre…

Si tu dis que j’appartiens à quelqu’un ou une entité, ou que je t’appartiens… alors tu ne me respectes plus, tu me nies.

Faiblesse du dogme

La faiblesse des religions c’est en réalité qu’elles n’acceptent pas l’inexplicable et veulent mettre en scène cela en imposant des contes à dormir debout en les assortissant de rites, de superstitions, de promesses qui vont pire qu’une publicité mensongère imposer le contraire de ce qu’elles énoncent…

Pour répondre à des peurs, on veut faire plus peur encore. C’est bien pour ça que les intégristes ne supportent pas la libre pensée, l’autonomie…

La puissance des religions

On a beau se dire agnostique, la puissance des religions, malgré les principes d’une société qui se dit laïque en France, c’est leur capacité à s’immiscer, à venir semer le trouble y compris dans notre maison.

Là où l’auteur du spam cité plus haut a gagné, c’est qu’il m’a fait réagir. Je me souviens de certains prosélytes qui venaient autrefois à domicile et qui n’avaient pas peur de voir qu’on s’opposait à leur discours pourvu qu’on réagisse… C’est une façon maligne de faire entre l’autre dans sa propre boucle.

Ils alimentent ainsi leur propre conviction et s’ils rencontrent une âme un peu moins résistante, ils rapporteront avec eux le trophée de la conversion.

Savez-vous que sur Internet les sites commerciaux notamment emploient le terme de « conversion » lorsqu’ils obtiennent un clic, une commande… ?

Eglise
Vincent Breton

Par Vincent Breton

Vincent Breton auteur ou écriveur de ce blogue, a exercé différentes fonctions au sein de l'école publique française. Il publie également de la fiction, de la poésie ou partage même des chansons !

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