Le bonjour d’Alexandra David-Neel

Publié le Catégorisé comme admirations
Alexandra david neel

Il y a peu je triais les livres de la maison dans le but de m’alléger . À l’instar de Paolo qui dans « La bibliothèque de Paolo » se sépare de tous ses livres mais finit par « tomber » dans l’un d’eux, j’ai redécouvert des bouquins d’Alexandra David-Neel. En ce moment je relis le « Bouddhisme du Bouddha ».

Le destin d’Alexandra

Je ne vais pas tout vous raconter de sa vie. Mais, si vous ignorez qui elle est, ça vaut le détour. Pensez à une enfant née en 68… mais en 1868 ! Son père était protestant, sa mère catholique. Imaginez qu’à l’âge de 15 ans elle fit sa première fugue à Londres puis s’enfuit en Italie deux ans plus tard. Devenue philosophe, elle s’émancipa de son mari pour filer de nouveau mais cette fois du côté du Tibet. Lisez le « Voyage d’une Parisienne à Lhassa » découvrez comment elle était à la fois libre, anarchiste et bouddhiste…

Jeune homme, je ne l’ai pas rencontrée, mais je me souviens que l’on croisait encore à Digne dans les Alpes de Haute Provence des moines vêtus de leur robe safran et de leurs sandales même en plein hiver. Elle y avait eu sa dernière maison…

Ce n’était pas une philosophe de bureau. Au travers du bouquin que je cite, on perçoit son exigence, son indépendance d’esprit, son souci de ne sombrer dans un aucun prosélytisme.

Elle ne devait pas être commode, mais quel personnage épatant !

Suis-je bouddhiste ?

Je ne me suis pas posé la question parce que je me rase la tête mais parce qu’en lisant le bouquin, je me vois de nombreux points communs avec ce qu’elle décrit encore une fois non comme un dogme mais comme une démarche personnelle.

Je me retrouve bien dans quelques-uns des concepts qu’elle évoque…

La perfectibilité

Pour un bouddhiste elle réside en toute chose. Pour l’enseignant que j’étais, c’était l’éducabilité. C’est-à-dire la conviction ferme et résolue que tout élève peut et doit progresser. Une conviction c’est mieux qu’une croyance. C’est une invitation à l’action.

Je me souviendrais toujours de la phrase terrible « il a des moyens limités ». Surtout quant on parlait de moi… mais tout autant de mes élèves…

Perfectibilité pour autrui comme pour soi.

La lutte contre la souffrance et l’ignorance

J’aime cette idée qu’il faut sans céder à l’émotion « sentimentaliste » savoir chercher les causes de la souffrance pour la réduire. La recherche de la vérité, la lutte contre l’ignorance ne sont pas abordées sous l’angle d’une quelconque vérité qu’il faudrait enseigner de façon descendante.

Je me retrouve dans cette idée de savoir dire avec sérénité « je ne sais pas » .

Au fond nous ignorons notre véritable nature…

Dans le petit carnet où je note à la va-vite quelques points qui me marquent, je me suis mis en incise la réflexion suivante, comme une injonction que je m’adresse :

« être une surprise pour soi-même »

Être créatif c’est être une surprise pour soi-même

Non pas au sens de l’admiration nombriliste. Mais c’est par l’essai, la recherche, la centration sur l’objet de création, pouvoir produire une expression… est-ce beauté ? Pas toujours… mais quand « ça marche », c’est qu’on a réussi d’abord non pas à refaire simplement (artisanat – ce n’est pas insultant) , mais à trouver ce qui n’avait jamais été inventé encore dans la proposition que l’on fait. Même si c’est un détail. Un tempo. Une couleur. Une petite différence. Une curiosité. La note à soi, sa petite touche, son approche, son regard…

L’inspiration, on n’en connaît pas toujours la véritable nature. Elle est fugace. Elle vient lorsque le cerveau est libéré et nous laisse être au présent.

Être au présent de ce que je fais, un vrai travail

Si les rituels d’une journée permettent de la structurer, si nous avons besoin d’automatismes pour savoir être efficaces pour certaines choses, les journées se déroulent parfois si vite que l’on se retrouve en se disant « déjà ? »

Déjà c’est bien si l’on a été à ce que l’on fait. Pas si l’habitus seul nous a porté à faire des choses sans réfléchir au pourquoi, à nos besoins…

Ces choses inutiles que l’on fait de façon répétitives ou habituelles et qui ne servent à rien. Il y avait une époque où je tendais à regarder les informations télévisées deux ou trois fois par jour… Peut-être que même une fois ne sert à rien… Ne parlons pas des réseaux sociaux…

Et puis, il y a ces choses que l’on fait « sans les penser », sans y être . Et pourtant, même une vaisselle peut devenir « enrichissante », intéressante, si on la fait « pleinement »…

J’aime bien cet exercice de méditation qui consiste à reprendre à rebours sa journée pour en revivre les différents moments dans l’ordre antéchronologique. Il paraît que des personnes très douées savent le faire sur une semaine…

À la promenade avec le chien tout à l’heure, je me suis arrêté soudainement : je marchais à côté du chien, mais je n’étais pas comme lui pleinement à la promenade. Je n’étais ni vraiment attentif à l’environnement, ni à mon corps marchant dans cet environnement.

Je me suis repris tout de même au moment où je pris conscience qu’il manquait trois bébés cygnes auprès de leurs parents depuis la dernière promenade…

les cygnes

Détruire la souffrance

Ce devrait être ça notre travail. Notre travail d’humain, de citoyen, dans notre métier et même dans la vie politique.

Cela suppose tout un énoncé de principes inter-reliés qu’Alexandra David-Neel décrit avec précision : vue droite, but droit, conduite droite, moyens d’existences droits (ne causant ni de mal ni de danger à personne à aucun moment…), effort droit, attention droite qui suppose un esprit actif et vigilant et une méditation droite… En méditation je débute, je ne suis pas très fort…

Autonomie

Je trouve une force également dans l’idée qu’après examen, il s’agit de « croire ce que l’on aura expérimenté, reconnu raisonnable et qui sera conforme à la fois à notre bien et à celui des autres.« 

Il y a là un projet équilibré, mesuré…

L’éloge de la retenue

L’ouvrage rappelle l’importance de la vérité, de ne pas se laisser aller à médire, ne pas critiquer ou blâmer, aller même jusqu’à chercher les côtés favorables de l’autre, sans céder à la jalousie, en se montrant capable de se réjouir du bonheur d’autrui…

« La meilleure voie pour surmonter les dispositions que nous désirons éliminer est la culture systématique des dispositions opposées ». (Par exemple, tu veux éliminer la violence, cultive la paix !)

Dans cette pondération qui pourrait sembler être une posture de retrait, attentiste, je vois plutôt la volonté de changer de paradigme, de ne pas entretenir les mêmes causes, sources d’ennuis…

Et tout cela non dans un dogme que l’on imposerait mais par une recherche personnelle.

Convergences

Je me trouve de nombreuses convergences. La question de la sensualité qui peut nous perdre, (Miguel del Castillo avait écrit cette phrase terrible qui m’avait marqué ado – je ne sais plus où – « La sensualité des garçons les perdra ») reste à creuser si on aime la poésie qui laisse grande place à la sensualité… enfin souvent quand elle résiste à la mièvrerie (ça c’est méchant de dire ça !).

S’il convient de ne pas se laisser dissoudre par l’exacerbation des sens et encore moins les tromper par des subterfuges, il y a dans la sensualité, un souffle poétique auquel je ne saurais me soustraire sans m’en sentir privé…

Mais au fond, c’est toute la nuance entre « érotisme » et « pornographie », autrement dit, à quel moment la sensualité sublimée en créativité ou attention à l’autre ou son environnement est bénéfique, porte une communion… à quel moment par la recherche de gratification facile de l’abandon au plaisir, elle devient vaine et néfaste…à quel moment un gâteau est-il trop sucré et nous resservons-nous au delà de ce qui est « bon plaisir » ?

Je crois que sa limite tient dans la dignité, c’est à dire l’assurance que l’on se se nie pas, que l’on n’insulte pas son enfant intérieur, mais qu’on s’ouvre, s’élève, que l’on rencontre l’autre et non la simple satisfaction du désir…

Oui je me retrouve là dedans. Il y a une « mode » occidentale depuis un moment à venir prendre ce qui nous arrange dans une philosophie lointaine. Il faudrait pouvoir l’aborder bien (le bouddhisme) par les textes, dans la langue, tant les concepts ne peuvent être tous traduits avec précision…

Le jour où vous me verrez rejoindre une église ou une autre, une secte ou même un mouvement spirituel n’est probablement pas prêt d’arriver… il n’empêche, il y a des enseignements intéressants à puiser dans un bouddhisme émancipateur pour nos conduites personnelles, comme sociales… et puis Alexandra, comme j’aurais aimé pouvoir en parler avec elle ! 😉


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Vincent Breton

Par Vincent Breton

Vincent Breton auteur ou écriveur de ce blogue, a exercé différentes fonctions au sein de l'école publique française. Il publie également de la fiction, de la poésie ou partage même des chansons !

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