Pour certains le terme de poétesse est péjoratif. Anne Debrosse éclaire une question encore non tranchée. J’aime bien ce que permet d’affirmer le terme de poétesse sur l’épicène. Et puis, les anthologies, les spectacles de poésie, font encore trop peu de place spontanément aux femmes. Alors, ce sera poétesse.
La première poétesse que je connus vivait à la maison. Mais dans ma formation, elles furent rares à nous être proposées.
Souvent, on nous a parlé des muses qui inspirent le poète. Parmi celles-ci, bien que le terme ne soit que trop réducteur, il y avait l’Hélène de René Guy Cadou.
Mais je ne savais pas qu’elle écrivait aussi…
Adolescent, je fus amoureux d’une Hélène
Je crois bien que ce prénom est doux. Comme l’était cette Hélène, douce et résolue. Et si je l’ai aimée vers douze ou treize ans, c’est que j’avais déjà dû lire quelques poèmes de René Guy Cadou à son Hélène pour affirmer ma conviction.
Un peu au dessus du romantisme à violons de Charles Azanavour à son Isabelle ! que j’évoquais dans la Nouvelle Crue !
« Il a suffi du liseron du lierre
Pour que soit la maison d’Hélène sur la terre »…
« Tu es dans un jardin et tu es sur mes lèvres
Je ne sais quel oiseau t’imitera jamais…
Je te vois mon Hélène au milieu des campagnes
Innocentant les crimes roses des vergers… »
« Quand tu es loin de moi tu es toujours présente
Tu demeures dans l’air comme une odeur de pain
Je t’attendrai cent ans mais déjà tu es mienne
Par toutes ces prairies que tu portes en toi. »
(©R.G Cadou in « Hélène ou le règne végétal »)
À lire le poète, j’ai aimé Hélène, j’ai aimé la conviction limpide de cet amour. L’évidence de la rencontre.
Toute une famille d’instituteurs
Jeune instituteur, sûrement je me suis retrouvé dans ces poètes qui enseignaient, le plus souvent à la campagne.
Les parents d’Hélène instituteurs comme ceux de René Guy Cadou… ils enseigneront. La maison d’école de Louisfert est aujourd’hui connue. Mais je ne sais si j’aimerais la voir…
Je me suis toujours demandé comment ils étaient en classe. Ces poètes-instituteurs. Ce qu’ils savaient faire passer de poésie à leurs élèves, quels poèmes ils donnaient à leurs élèves…
Je suis convaincu que le lien à l’enfance, on parle souvent d’enfant intérieur aujourd’hui, est au centre de leur écriture. Ce sont des poètes à la ligne claire. Ils revisitent les mots les plus simples et ne cherchent pas les grands effets.
Hélène à côté de René Guy
Leur histoire je la connaissais. Mais je ne sais pourquoi, je n’ai compris que tardivement qu’Hélène écrivait aussi.
Ou si j’avais vu des vers, je n’avais pas immédiatement fait le lien ?
Et pourtant, comme une sorte de correspondance parfois obligée puisque le malheur les a séparés tôt, la poésie d’Hélène fait si bel écho à celle de René Guy.
« Je sais que tu m’as inventée
Que je suis née de ton regard
Toi qui donnais lumière aux arbres
Mais depuis que tu m’as quittée
Pour un sommeil qui te dévore
Je m’applique à te redonner
Dans le nid tremblant de mes mains
Une part de jour assez douce
Pour t’obliger à vivre encore » (Hélène Cadou – Le bonheur du jour)
Quelle carcasse assez dure, quel esprit revêche et fermé refuserait de s’émouvoir ? Comment rester de marbre et ne pas les aimer dans leur amour ?
« La douceur entre tes épaules
Avait visage d’enfant-roi » (Hélène Cadou – Lés pèlerins chercheurs de Trèfle)
Toute cette poésie parvient à faire joie de ce qui aurait pu rester à la douleur. À la mélancolie morne. Puisque René Guy est mort très jeune.
On y voit un amour qui aurait pu n’être que fusionnel, une prison, que les mots transfigurent et font épanouir comme un vaste champ de fleurs. Lumière !
Je devais lire un poème, j’en ai lu plusieurs. Si vous ne les connaissez pas, allez-y en confiance !
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