Je suis parti dans la Pampa

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affiche du film La Pampa

La Pampa c’est un coin perdu ou dans une course se trouver distancé. Dans un paysage cinématographique assez morne en ce moment, le film est à voir. Oui. Mais il a peut-être les défauts de ses qualités. Trop beau pour être vrai ? Antoine Chevrollier nous a livré un premier long métrage au tempo soutenu. Très belle course et très beaux thèmes, forts, riches… de quoi débattre avec des jeunes, pas assez encore pour ne pas me laisser sur ma faim…

La conférencière au secours !

Une association certainement portée par de très bonnes intentions nous avait doté d’une aimable dame, dite conférencière, maître(sse) de conférence à l’Université… Très gentil. Elle vint introduire le film. Mais je n’aime pas beaucoup que l’on vienne m’expliquer ce que je dois comprendre d’un film avant de le voir et encore moins le spoiler en partie…

La pauvre. Elle devait revenir à la fin du film pour conférer avec nous. Seul un petit couple courageux est resté.

Des thèmes pour toutes et tous…

La vie dans les campagnes françaises perdues, les rumeurs, le conformisme, le monde des courses de moto, le rôle des femmes et la façon dont on perçoit les jeunes femmes “de la ville”, la camaraderie, l’amitié, la masculinité toxique, l’homophobie externe ou interne, la fidélité, le suicide, le rôle du père, l’inquiétude des jeunes face à l’avenir et aux choix, la question du deuil qu’on porte ou de celui que l’on vit… je pourrais y ajouter la question de la transgression… L’auteur réussit à aborder ces thèmes en dépassant les approches un peu tarte-à-la-crème qui dégoulinent de sentimentalisme comme on peut en voir dans nombre de téléfilms… mais a contrario il nous laisse à la porte des émotions, comme s’il voulait nous épargner… comme s’il avait coupé les séquences les plus dures.

L’amitié toutefois reste le thème premier du film dans sa capacité à dépasser les tensions et unir malgré les crises. Ça c’est le meilleur du film.

La question de l’esthétisme

Il parait que Chevrollier,bien qu’il soit déjà fort connu pour de nombreuses contributions notamment pour la télévision, n’a pas fait d’école de cinéma. J’ai eu l’impression alors (peut-être à cause de ma conférencière) qu’il a voulu nous montrer toute sa palette de compétences. Du coup, j’ai un peu eu le sentiment qu’on nous présentait un CV ou un book pour obtenir le financement d’un prochain film. Bon en même temps, j’ai quand même vu affiché “Disney” parmi les supports du film ainsi que la Région Pays de La Loire… ceci expliquant peut-être la sagesse du film… et la nécessité d’offrir de “belles images”. On nous a évité les supermarchés crasseux et les villages désertés… même si on voit un certain nombre de bâtiments délaissés…

La caméra rapprochée a le geste sûr. Précis. L’une des scènes de course de moto est remarquablement filmée et devient presque un moment ou un exercice à part. Pourtant la scène de sexe qui aurait pu avoir quelque chose à nous dire, nous laisse à l’extérieur.

C’est très beau, mais est-ce que ça sert l’histoire ?

Il m’a manqué que l’on puisse sentir vraiment l’odeur de l’huile et des moteurs chauds. Je sais c’est le plus difficile au cinéma.

La bande son est belle. Trop belle. Furieusement déconnectée de la situation et du contexte.

De très bons acteurs

Ils sont vraiment tous très bons ! Le scénario peine à faire émerger le rôle principal mais ne choisit pas pour autant d’en faire un film choral. Tout le monde est crédible, enfin plus ou moins… On ne fait qu’effleurer les failles. Les acteurs sont remarquablement mis en scène, mais ils restent tenus en laisse dans la main du réalisateur.

Les comédiens, je ne les connaissais pas. Pas même Artus qui joue dit-on “à contre emploi”. C’était une chance pour le réalisateur : il aurait pu les laisser nous surprendre, donner plus de chair et dépasser ainsi l’aspect démonstratif… Mais ils sont impeccables… Tous les seconds rôles, y compris les ados, sont parfaits. La sœur du jeune héros, très juste.

Le rôle donné au père, plus subtil qu’on ne l’imaginerait au départ, aurait pu être un rien développé. Il incarne si bien ces salauds conformistes, ces machos égoïstes et le film fait étrangement l’impasse sur ce qu’il adviendra du personnage pour nous proposer un happy-end nous sauvant avec un peu d’optimisme, mais pour le coup cédant à la guimauve peu crédible…

Prêcher dans sa paroisse

Ce qui est étrange c’est que le réalisateur connaît parfaitement le milieu rural qu’il a filmé. Il en connaît les paysages comme les gens. Mais peut-être par crainte de choquer le bourgeois, – les critiques sont en général parisiens- est-il resté lui même en deçà de son talent indéniable…

C’est comme si le propos était sans cesse édulcoré.

On aurait presque envie de lui dire de secouer un peu le cocotier et malgré l’ambiance puante de l’époque, d’aller plus loin et dans l’intimité des personnages et dans la remise en cause de l’oppression politique…

C’est la raison pour laquelle je parlerai de ce film avec un mélange étrange d’affection et de frustration.

Aster

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