J’ai vécu dans 23 maisons ?

Publié le Catégorisé comme changer de vie
Maisonfleurs 1

Je ne suis pas certain du décompte. 23 maisons ? Encore moins des dates. Mais j’ai souvent déménagé. Cela fait de moi certainement une sorte de nomade, de voyageur. Je n’ai pas de racines et guère l’âme propriétaire tant j’aime découvrir l’ambiance de chaque lieu, que ce soit la maison ou l’appartement ou son environnement…

L’inventaire impossible.

Il n’y a plus personne pour me dire exactement où j’ai vécu à ma naissance. Hypothèse que c’était à Paris, mais qui reste incertaine puisque mes parents étaient censés travailler dans la Haute-Marne… jeunes professeurs dans un établissement privé dont j’ai retrouvé le nom… Au moins un lieu donc. Aucune trace, ni photo, ni image.

En 1963, nous étions en Iran. Époque où les expat fréquentaient facilement la jet-set locale et la Cour. Rien de glorieux. Je décompte deux maisons.

Le retour nous conduisit d’abord à Paris dans l’immense appartement des grands-parents, puis à Pontoise dans la maison des arrière-grands parents. Pas facile pour une jeune femme en rupture, sans le sou, avec deux mômes sur les bras de se loger. Il faisait froid dans cette grande maison humide. Mais j’y connus de belles amitiés. La primaire. Les années soixante cependant à la fois grises et avec les « évènements » dont le bruit nous parvenait assourdi. Paris semblait loin. Je m’y rendais pourtant seul en train, voir une tante. Je n’avais pas dix ans.

Nous avons ensuite quitté la maison pour une tour toute neuve. Le vieux Pontoise commençait à céder la vedette à des quartiers « modernes » et notamment au futur « Cergy-Pontoise » avec son étrange préfecture ressemblant à une pyramide renversée. Première rencontre des super-marchés à l’américaine. En germe, tous les drames à venir. C’est ça aussi l’héritage sinistre du pompidolisme. Aujourd’hui le vieux Pontoise n’a guère changé même si devant la maison de mon enfance ce ne sont plus des jardins maraîchers mais des maisons laides. Des lotissements. Le centre ville reste triste et décati… J’y suis allé au collège. L’époque où Polnareff affichait ses fesses et dû se sauver précipitamment.

Mais la période était déjà au « retour à la terre« . Au faire soi-même, à cultiver ses légumes. Même si en réalité nous ne l’avons pas vraiment fait. Nous avons quitté la région parisienne pleine de malheurs pour nous pour le Sud-Est. Région salvatrice mais où nous avons beaucoup changé de lieux. 6 maisons avec ma mère, 3 en couple ou seul… Années soixante-dix et grosso-modo la moitié des années quatre-vingt.

De la campagne à la ville, je revins en région parisienne… le Neuf-Trois avant les chics Haut de Seine puis longtemps les joies de Paris, le dixième. Quatre appartements. Locataire toujours. Pourquoi acheter ?

Puis ce furent les années où « cadre » je voyageais en Bretagne dans deux départements différents ou dans le Sud-Est… Maisons de ville ou de campagne… ce ne furent pas les meilleures années même si je garde de bons souvenirs des maisons où j’ai vécu…

Parfois j’ai déménagé dans le même commune, parfois même dans le même immeuble, c’est dire si je suis rompu à l’exercice et expert en cartons ! 23. Oui, j’en compte au moins 23.

Vivre chez les autres

Je pourrais peut-être un jour écrire et raconter les ambiances. Lorsque tu investis une maison ou un appartement, avant de partir à la découverte du quartier, au delà même de la configuration des lieux, il y a l’ambiance, l’odeur des murs, quelque chose qui flotte de ceux qui sont passés là…

J’ai souvent habité non pas de grandes maisons tristes comme Cadou dans son poème, mais des maisons où des hommes étaient morts. Comme autant de grands-pères inconnus qui avaient laissé quelque chose d’un aménagement, une étagère, un bricolage ou de plantations dans le jardin. Leur savoir-faire, leur maladresse.

Ou sur tel ou tel mur, comme une blessure, les marques laissées par un précédent habitant.

Un jour j’avais retrouvé dans un placard, un carton de lettres d’amour. Je les rendis au propriétaire peu enthousiaste. C’était les lettres de sa maîtresse !

Si certains lieux m’ont peu laissé de souvenirs, je me souviens bien par exemple du petit appartement de Bondy avec ses immenses photos murales couvrant les murs entiers : les Alpes Suisses puis Tahiti dans la pièce voisine . On se serait cru dans une agence de voyages. Il me fallut au moins quatre couches de peinture pour les masquer.

Chaque maison est aussi liée aux histoires d’amour, à celles et ceux qui vinrent nous rendre visite. Et puis, comme au long de ma vie j’ai souvent changé de métier, chaque lieu est lié également aux « casquettes » que j’ai pu porter…

Oui il faudra que je raconte. Ces lieux si différents les uns des autres, ces quartiers…

Dans le Sud-Est, les gens qui entraient dans la maison sans attendre de réponse à la sonnerie. Tant pis si nous étions nus sous la douche. En Bretagne en revanche, si tu ne réponds pas d’emblée, le visiteur timide a déjà pris la fuite…

Déménager

Je crois qu’il y a dans mon goût pour le déménagement l’héritage que me laissèrent mes parents : leur séparation. Ce qu’ils firent de mieux d’ailleurs.

Déménager c’est se séparer, c’est rompre, c’est partir… mais c’est aussi se montrer prêt pour de nouvelles aventures, de nouvelles rencontres, de nouveaux espaces.

Je sais que j’ai toujours été étonné de voir des personnes, spécialement des copains de lycée ou d’études qui sont toujours dans le même village, la même maison,le même environnement. Ils n’ont pas bougé. Je sais où les trouver. Seuls leurs traits ont changé. J’y trouvais quelque chose d’ambivalent entre le plaisir des retrouvailles et l’angoisse de les voir rivés à un lieu, comme un confinement avant l’heure.

Quand je travaillais c’était pareil. Je ne me serais pas vu enseigner toute ma carrière au même niveau, dans la même école, dans la même salle. J’ai connu des enseignants qui ont fait cela.

On dit qu’un déménagement vaut un incendie. Cela suppose aussi d’apprendre à ne conserver que l’essentiel. S’alléger, trier… C’est vrai, c’est toujours une aventure le déménagement : cartons perdus, cartons mélangés, camion embourbé, poids du piano, vaisselle brisée…

Et demain ?

Viendra l’heure où la bête sera certainement un peu plus fatiguée. Mais comment pourrais-je imaginer rester quelque part sans bouger tant que j’ai un peu de souffle ? Bouger pour explorer un nouvel univers, investir par le détail un lieu, un nouvel environnement. On devient explorateur tout en se sachant dans la nécessité absolue de respecter le lieu puisque « de passage ».

Parfois je parle aux gens d’ici de lieux du coin que j’ai pu visiter et qu’ils ignorent. Les habitudes, les besoins de la vie commandent souvent et l’on ne regarde plus son propre environnement.

Alors, un jour, à l’heure où blanchira la campagne, mes poings dans mes poches trouées, je partirai, vois-tu je ne sais pas ce qui m’attend mais…

Les adieux

Ce qui m’a toujours intéressé aussi, avant même la découverte plus ou moins facile des nouveaux lieux, ce sont les adieux de ceux qu’on laisse derrière soi. Des indifférents, mais soudain d’autres qui vous font des déclarations touchantes. Est-ce qu’on part pour manquer aux autres ?

Certains disparaissent à jamais. D’autres reviennent. Les vraies amitiés se fichent des lieux et aujourd’hui on ne roule plus en calèche.

Oui, il faudra qu’un jour j’écrive sur toutes ces maisons où j’ai vécu…

Et vous ? Avez-vous souvent déménagé ?

À demain… bonne journée

une tasse de café

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Vincent Breton

Par Vincent Breton

Vincent Breton auteur ou écriveur de ce blogue, a exercé différentes fonctions au sein de l'école publique française. Il publie également de la fiction, de la poésie ou partage même des chansons !

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