Je maîtrise (mieux) mon ressentiment.
Mes impatiences vis-à-vis d’autrui se raréfient : j’apprends à économiser mes réactions lorsque des prises de position m’exaspèrent. Il faut apprendre à être ce que l’on voudrait que les autres soient : bienveillants, tolérants.
Ma vie mue par la curiosité et les choses à faire, reste encore polluée pourtant d’impatience toxique.
Avoir tout immédiatement
Quand nous nous écrivions des lettres, il fallait le temps d’écrire, d’aller acheter un timbre, de poster, d’attendre la réponse…
Quand je commandais adolescent, un livre de grammaire grecque pour le collège, il fallait parfois attendre un mois. Pour trouver tel disque, je devais attendre de pouvoir me rendre chez le disquaire qui allait souvent devoir le commander…
Les repas de famille imposaient leur tempo avant qu’on puisse aller courir dehors. Nous avions même le temps de nous ennuyer. Nous habitions notre impatience, nous nous en faisions raison. C’était ainsi.
Je mentirais en disant pourtant que je n’ai pas toujours été, même très petit, celui qui se lève tôt le matin, en général le premier, impatient de dévorer la journée… J’ai toujours eu cette soif, cette joie, cette curiosité, ce besoin d’agir.
Mais aujourd’hui, nous voulons être livrés du jour au lendemain. Hier mon hébergeur Internet a mis douze minutes à me répondre sur une question technique, je commençais à m’impatienter. Tout à l’heure il a manqué de l’encre pour l’imprimante, il a fallu que j’aille courir toutes affaires cessantes. Si vite, que j’en avais oublié les références de la cartouche. Et mine de rien je me retrouvais à accélérer le tempo comme s’il y avait la moindre véritable urgence ce qui n’était pas le cas.
C’est la mauvaise impatience, celle qui nourrit l’énervement.
Et si la procrastination en est le revers sinistre, je sais bien qu’il n’est ni nécessaire, ni utile de foncer.
Prise de conscience avec le chien
Je me suis surpris négativement à la promenade. Avec la chaleur, avec l’âge et l’arthrose, le chien traînait la patte tout à l’heure. Je me suis repris à temps, je commençais à le lui reprocher. En quoi étais-je pressé ?
Je me suis vu alors, faire violence de mon impatience. Je m’en suis excusé auprès du chien. Il fait de son mieux dans ses douleurs. Il ne se plaint jamais. Quel chouette chien capable de faire comprendre les choses sans sermonner !
Mais combien sont ainsi dans la file d’attente du supermarché pressant la caissière et le client précédent, lorsqu’ils échangent par voie numérique, lorsqu’ils roulent en voiture… Combien à se mettre des rappels, la pression et accélérer le tempo ?
Même les musiciens nous dit-on, jouent Bach plus vite qu’il y a seulement soixante ans.
Le diktat de l’impatience
C’est lorsque le projet m’empêche d’être au présent. Lorsque je voudrais être passé à l’étape suivante. Je sers le plat, je pense déjà au dessert. J’ai du mal à investir pleinement le « chaque chose en son temps ».
Ainsi, je suis déjà à regarder demain matin, à vouloir être ailleurs, à me précipiter…
Bien sûr, il y a en vieillissant cette peur du sursis, de n’avoir pas le temps de tout terminer des mille projets que je voudrais me donner… Et pourtant, l’impatience peut me faire perdre du temps, me rendre maladroit. Quand je suis impatient mes doigts peinent à déchirer l’emballage ou trouver la solution avec le formulaire informatique…
Je suis convaincu que mes acouphènes s’en donnent à cœur joie lorsqu’ils sentent cette impatience toxique.
Je diffère l’entrée en méditation
Je ne me suis livré que trop peu à l’exercice, avec parcimonie, sans le ritualiser et avec peu de conviction. Je ne l’ai pas assez intériorisé même si j’en perçois intuitivement les bénéfices. Je n’aime pas trop qu’on me guide ma conduite. Ça va pourtant venir. J’avance sur de nombreux sujets. Je me « débarrasse » d’objets et d’habitudes inutiles.
Mais prendre le temps de méditer. Méditer ne peut se faire l’œil sur le chronomètre.
Aujourd’hui, j’ai pu écrire un texte « poétique » ou espéré comme tel… La poésie est une façon de reprendre la main. Même d’impatience, elle doit se tenir sur la page, se guider… mais ce n’est pas encore la confrontation directe avec soi qu’impose la méditation.
Au fond, dans l’impatience, on s’évite. On agit pour ne pas trop se poser de questions. On risque même de confondre l’action avec le but véritable que l’on cherche.
Je me le dis.
J’en prends conscience.
Tout n’est pas perdu…
Même s’il faut que j’en finisse avec ces phrases du genre : « il faut que je me dépêche »…