Mettons de l’éthique dans notre moteur !

Publié le Catégorisé comme changer de vie Étiqueté
éthique
"Puzzle mind png sticker, autism"/ CC0 1.0

Je voudrais causer cette semaine d’un sujet en apparence bateau. La question de l’éthique. Sujet bateau ? Il me semble que nous avons besoin de mettre de l’éthique dans notre moteur, c’est à dire de renouer avec nos valeurs pour penser nos actes avec conviction tout en agissant avec mesure et cohérence pour prendre soin de nous-même et de l’autre.

Pourquoi cette préoccupation ?

L’autre jour j’ai publié puis dé-publié un article à propos de la Presse. J’y évoquais ce que je décrivais comme une indignité dans sa façon de traiter l’actualité, de la hiérarchiser et surtout de faire silence sur des sujets graves tout en faisant du bruit à partir de scandales réels ou fabriqués. Je dénonçais l’indignité avec laquelle on a pu voir une certaine Presse nous donner des détails sordides à propos de la mort d’un enfant exhibé quasiment sous nos yeux sans aucun respect. Je soulignais que le système économique actuel, où les grands médias sont détenus par quelques grandes fortunes accentue une dérive terrible car elle est dommageable pour la dignité humaine mais aussi la démocratie.

J’avais beau en appeler à la responsabilité de chacune et chacun, j’ai retiré l’article car je me suis dit qu’il pouvait inutilement nourrir un double ressentiment : celui des acteurs engagés de la Presse appréciant peu de voir une critique unilatérale, celui de citoyens prompts à trouver un nouveau coupable…

À l’époque où prospère le complotisme, je me suis dit qu’à part cliver, énerver les uns, glaner quelques applaudissements des autres, un tel texte ne ferait guère avancer les choses…

Dans un autre ordre d’idées, je vois notamment sur certains réseaux sociaux comme Threads, des personnes pétries de « bons sentiments » édictant un catalogue de règles comme une doxa verticale dépassant au nom de la morale le cadre même de la Loi, fustigeant les uns ou les autres… C’est le moment où la morale devient de la moraline, où le procureur devient juge sans analyse du contexte etc.

Ravages délicats

Le citadin est imbu de sa supériorité
et le paysan est persuadé de sa supériorité.
Le bourreau est tout sacré de sa supériorité
et la victime est toute sainte de sa supériorité.
L'homme fourbe est tout savant de sa supériorité
et l'individu vertueux se rengorge de sa supériorité.
L'artiste est convaincu de sa supériorité
et le boutiquier se félicite de sa supériorité.
L'ouvrier se barricade de supériorité
l'intellectuel s'électrise de supériorité.

Et tous, de cette façon
Dans une fraternité surprenante
celle qu'on chercherait en vain
à réaliser par des moyens pacifiques
pilent, pillent, dépècent, écorchent
et convoient à sa fin malheureuse
ce monde humain.

Et tous de cette façon
avec un ensemble touchant
rendent impossible
et toujours plus impossible
toujours plus divisé, plus morcelé,
inégalisé et comme concassé
ce monde humain.

Le poète, toujours doublé d'un haïsseur
médisant de tous sauf de lui même
ou de ce qu'il pense aimer
n'est pas d'une essence plus pure
ni plus amène.
Je ne sais s'il vaut mieux quand il déclare
qu'il est
délibérément,
définitivement inhumain.

Car ce n'est là qu'une supériorité comme une autre
très loin de la véritable supériorité
indicible mérite qui ne s'encense pas.


(Quand le dormeur s'éveille, 1965). - Adrian Miatlev

Je cite souvent ce poème que j’adore. J’en ai une version chantée quelque part. Il vise juste en montrant à quel point en nous enfermant dans cette supériorité, nous ne faisons qu’imposer un point de vue qui oublie de prendre l’autre en compte et de questionner les fondements de notre morale… ou de nos valeurs.

Il me semble que la première révolution consiste à être ou tenter d’être ce que j’attends d’autrui.

Si je me plains de la grossièreté d’autrui, je dois sans m’opposer ni obséquiosité, sans mépris, ni condescendance, savoir me montrer assez généreux pour mettre à distance ce qui doit l’être et ne pas renforcer l’autre en lui donnant la chance de voir non pas « un exemple » mais une façon respectueuse et cohérente d’être dans l’exigence bienveillante… De la souplesse pour avancer et transformer le risque de conflit en recréation d’un lien.

L’éthique contre le ressentiment et les crispations

La peur est fort mauvaise conseillère. La coercition ou l’exclusion évitent souvent de traiter les causes réelles et profondes d’une difficulté.

Il me semble que l’éthique peut-être l’huile utile à nos rouages : quand elle devient po-éthique et permet d’interroger nos vies et le rapport à la morale, le lien avec l’idéal rimbaldien… quand elle peut aider à réguler ma propre action grâce à l’auto-éthique où je vais d’abord pour moi – puis pour les autres – prendre soin de la cohérence à trouver entre mes valeurs, l’idéal de mon enfant intérieur et les contraintes sociales dans un dialogue, un cheminement où il s’agira d’agir par choix plutôt que par devoir, par adhésion sincère plutôt que conformisme…

Il y a certainement de l’éthique à mettre dans la politique tant dans la définition des valeurs et des objectifs recherchés que dans la démarche associant les unes et les autres… Quelque chose qui remette de l’espoir et dépasse le consumérisme.

L’inspiration éthique ne peut que guider le geste éducatif dans une sorte de dynamique de confiance. On a beaucoup mis de mots dans des circulaires mais on a surtout renforcé le consumérisme et l’individualisme y compris dans ce lieu où il ne s’agit pas de nourrir la compétition ou le mythe de la méritocratie mais de penser la place d’un citoyen éclairé dans une démocratie cognitive…

Dépasser la peur de l’incertitude

Le Monde d’aujourd’hui peut faire peur. Les enjeux sont terribles, les équilibres fragiles, les crises brutales peuvent survenir à tout moment. Le refuge vers une doxa rigide ne peut être qu’illusoire et passager. On ne peut oublier que même cultivateur, l’humain reste ce nomade qui s’est adapté à différents environnements : le surplace, la conservation illusoire du passé… ce ne serait qu’une façon de muséifier nos valeurs, de les congeler, d’en faire des objets froids…

C’est à peu près ce qu’on a fait en France du concept sensible de la laïcité dont nombre de pays se passent et qui pour vivre ne saurait se penser comme un dogme rigide mais doit s’imaginer comme une démarche affirmée avec générosité, celle de l’émancipation… Encore faut-il la permettre en l’accompagnant d’outils accessibles à toutes et tous…

Ne pas se crisper, ne pas nous rigidifier au risque de devenir des Tartuffes…

Demain je crois causer d’éthique et poésie…

Respectzone
Vincent Breton

Par Vincent Breton

Vincent Breton auteur ou écriveur de ce blogue, a exercé différentes fonctions au sein de l'école publique française. Il publie également de la fiction, de la poésie ou partage même des chansons !

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