Es-tu bien dans ta peau ?

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autoportait

Question que l’on s’adresse à soi, ou à un proche : es-tu bien dans ta peau ? Signe d’un mal-être si la réponse est non qui tient plus à l’âme qu’à la peau. On a beau tenter de changer de peau, de faire sa mue, c’est dans la tête que ça se passe. Si je parle du corps, du corps qui change ou vieillit, la peau est un drapeau qui a long à dire sur nous. Sèche, douce, brûlée, coupée, tachée, ridée, flétrie, envahie, la peau est un pays qui raconte souvent notre vie mieux qu’un livre. Mais ouvrons-nous ce livre ?

Un manque de peau

À l’école, on nous parlait assez peu de la peau. Les coups de soleil vinrent nous rougir l’été. Parfois avec brutalité. Gamin, j’ai souvent souffert des coups de soleil. Parfois jusqu’à la fièvre. On en riait. Nous nous amusions lorsque la peau sèche tombait en lambeaux à en ôter délicatement des morceaux , nous remontions avec délicatesse le long des épaules. Le dégoût n’était pas loin, nous découpions ces étranges fragments de parchemin qui ressemblaient à des cartes arrachées d’une immense mappemonde. Je les posais sur la table devant moi et les contemplais imaginant des pays et des voyages.

Il m’est arrivé de goûter ma peau ainsi arrachée, un peu fade comme celle qui enveloppe le saucisson. Peau morte. Autophagie.

Enfant, quand j’avais cinq ans, ma peau était striée souvent des éraflures causées par les ronces des framboisiers. Des croutes de sang sec s’agripaient à mon genou heurté contre la pierre. Lorsqu’elles tombaient, j’aimais les pousser avant qu’elles ne le fassent d’elles-mêmes, elles dévoilaient alors une peau incroyablement rose et douce. C’était si fragile que cela pouvait saigner de nouveau.

On ne désinfectait pas toujours comme il aurait fallu. Nos jeux dans le jardin, c’était comme aller à la bataille. Nous étions plus inquiets de déchirer nos pantalons que de nos blessures.

L’été, je suivais du doigt la marque du soleil sur mon cou, ou la ligne laissée par le maillot. Parfois sur d’autres corps que le mien.

Je ne suis jamais allé me faire tatouer. Je connus une personne qui s’était fait dessiner un scorpion près du nombril. La cicatrisation avait rougi la peau avant de fondre l’encre dans la masse puis qu’au fil du temps, la ligne du trait ne s’estompe.

Du doigt j’ai touché les callosités, les rugosités des pieds et des mains.

Nous mettons parfois des peaux de latex sur nos sexes pour nous protéger. Des gants de cuir pour conduire. Des chaussures.

Il faut pour la décence, les règles et les lois ou à cause du froid ou du chaud masquer notre peau. Au fil du temps, l’homme a perdu ses poils. Il convient de se dissimuler. Pour contenir, asservir, on enjoint de cacher la peau. Les naturistes revendiquent leur liberté de montrer leur peau.

En vieillissant ou lorsque l’obèse a maigri, des pans de peau tombent comme un pull distendu ou les voiles d’un bateau sans vent.

On traite les méchantes de “vieilles peaux”, on complimente l’amant ou la maîtresse pour sa “peau de bébé”. Le masseur, s’il appuie c’est sur la peau. Il utilisera parfois des huiles, des onguents et nous déversons selon les parties du corps et les âges des litres de crèmes aux vertus diverses.

L’une a peur de sa peau grasse, s’arrache les comédons, l’autre craint qu’elle ne s’assèche et nous ne sommes pas toujours heureux de l’état de notre peau.

Exploration

Intime, mutuelle. La visite d’un corps par sa peau est un des moments les plus secrets qui soit. Une peau s’explore par les différents sens, en silence, dans un lieu retiré. Il n’est pas toujours aisé de s’explorer seul. Le secours du miroir, les jeux de lumière, il nous faut des subterfuges pour nous découvrir nous mêmes. Certains y ont renoncé.

Les atomes crochus que l’on a ou pas avec une personne, tiennent aussi à la peau de l’autre. À ce qu’elle est mais surtout à sa façon de glisser contre la notre. Ce glissement peut être délicieux, soyeux, couler comme l’eau d’une source tiède, un lait pur ou se faire râpeux, dans un déchirement heurté, une souffrance de frottement qui fera qu’on se séparera vite de l’étreinte.

La peau s’expose aux préjugés. On voudrait lui assigner des étiquettes sans rapport. Les ressemblances ne sont rien à côté du paysage unique que chacune et chacun offre avec sa peau.

Sous la peau, y a les os. Les os resteront plus tard si on leur laisse le temps. Le squelette, c’est la radio qui aujourd’hui le montre et révèle une part mystérieuse de nous mêmes. La peau qui nous enserre garde le mystère absolu. On peut poser son oreille sur la poitrine pour tenter d’entendre battre le cœur.

Le stéthoscope me glaçait la peau.

La peau c’est la vie. Un patrimoine génétique et pourtant la résultante de ce que nous mangeons, vivons, de nos voyages et même de nos rencontres.

C’est une idée reçue pourtant de dire que la peau est le plus grand organe du corps. Déployés, nos poumons sont bien plus vastes !

Symbiose

D’aucuns pensent que nous laisserons nos enveloppes charnelles et que nos âmes s’envoleront. D’autres que nous nous réincarnerons entièrement. Je me ressens plutôt comme un tout indissociable et fini. À défaut d’humusation peu de mes molécules rejoindront le cycle de la vie. J’ai choisi l’incinération radicale. Plus de peau, plus d’os ni d’eau. Pas plus que je n’ai perçu le début de mon existence je n’en percevrai la fin. J’habite dans cette éternité. Les cellules de ma peau se renouvèlent encore. Et j’imagine déjà combien d’être vivants se sont repus de ma desquamation. Quel doux sentiment que de participer ainsi à l’écosystème !

Es-tu bien dans ta peau ?

Ta peau est-elle bien avec toi ? Attention à soi pour mieux entrer en relation avec l’univers et autrui.

On dit qu’il faut s’accepter, comme s’il fallait juste renoncer, se résigner pour être bien dans sa peau.

S’il ne faut pas vendre la peau de l’Ours, avoir la peau douce est aussi une façon de laisser affleurer le meilleur de soi, loin des masculinités toxiques. Lâcher prise c’est laisser passer les toxines.

Les esthéticiennes et les esthéticiens dansent sur leur fond de commerce. Ce ne sont que des réparateurs. Les vendeurs de crèmes pullulent. Le pire est souvent caché dans leurs formules.

Le maquillage peut habilement venir jouer, leurre provisoire. Ou irriter le visage.

Celle ou celui qui souffre d’eczéma sait que le stress s’exprime en direct.

Issue de la photosynthèse, la vitamine D va avec le printemps nous aider un peu. Mais l’éclairage du dehors viendra de l’éclairage du dedans. Ouvre tes chakras camarade pour que ta peau se mette à sourire joyeusement ! Ou comme disait vulgairement une de mes amies “Pète un coup, ça ira mieux !

Mais ça c’est pas une affaire de peau.

un rosier blanc

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