J’ai retiré un article écrit ce matin, de peu d’intérêt, me fourvoyant dans de vains débats. Je ne peux parler sur tout. Accepter n’est pas se résigner. Souvent, on parle d’un sujet pour ne pas dire ce qui est vraiment important. Sans cesse il faut s’éprouver à l’expérience de la vie pour être certain de se connecter au réel. On se laisse toujours prendre au piège de la disqualification, y compris de soi-même, de la justification, du procès. Le ressentiment nous guette tous. Il faut cependant tenter de donner du sens à ce que l’on fait soi. Agir comme on aimerait que les autres agissent. Ne pas disperser mon énergie dans des choses insolubles, sur lesquelles je n’ai pas de prise… Je me le dis à moi-même… juste pour moi-même…
Accepter mon âge, ne pas me résigner à vieillir
Je ne me suis jamais imaginé à l’âge que j’ai aujourd’hui. Les étapes de la vie, je les aies pensées en choses possibles, en projets… pas en facultés qui se réduiraient malgré l’expérience, pas en corps qui se délite face au miroir cruel.
Pas en un adjectif qui me définirait « socialement ».
Ma vie, je continue de la rythmer à mon fameux : apprendre, créer, partager (ou transmettre), prendre soin.
J’admire les centenaires lucides encore et vaillants. Je me suis rendu compte que la dernière fois que j’ai vu un médecin, c’était en 2019 pour un truc bénin soigné avec une crème sans ordonnance. C’est bon signe. Je ne suis jamais malade, je ne vais pas commencer. J’ai des chances de vieillir vieux si un autobus ne m’écrase pas. Ou si un de ces mirages qui rasent le causse ne se casse pas la gueule sur la maison. Il n’empêche que j’ai la peur réelle et forte d’être un jour dépendant et surtout gâteux ou fou. Et là, je voudrais bien d’un équipement qui repèrerait ce moment pour que je puisse appuyer sur le bouton « Stop » ou qui le fasse à ma place.
Je suis bien obligé d’accepter mon âge, comme le fait d’être né. Mes parents auraient mieux fait de ne pas se rencontrer. C’est écrit. Il faut l’accepter. Je ne suis pas le premier ni le dernier. Plus tard j’ai aimé, j’ai été aimé. C’est banal. J’ai vécu des rencontres extraordinaires qui m’ont appris, enrichi, fait du bien… C’est moins banal.
Jeune, j’étais en décalage avec les gens de mon âge et mes copains de classe étaient plus vieux. Plus vieux, je me suis retrouvé surtout avec des plus jeunes. Aujourd’hui, c’est plus mélangé mais je n’aime pas trop avoir des personnes en miroir. Dans ce décalage, il a fallu que j’invente ma partition. C’est l’exercice d’une singularité toujours confrontée à l’attraction du conformisme. Je ne cherche pas à me différencier mais je refuse de nier ce que je suis. Mon but n’est pas d’obtenir « le plus de like ». J’accepte de ne pas être aimé aussi.
Acceptation active
Toutes ces choses sur lesquelles je n’ai pas de prise. La violence ? Elle ne m’empêche pas de faire preuve de solidarité. La bêtise ? Elle ne m’empêche pas de continuer d’essayer de comprendre et de « croire » ou plutôt de poser en valeur absolue, « l’éducabilité ». « L’éducabilité » ne veut pas dire que je me pense supérieur ou éclairé. Je ne peux qu’accompagner autrui, éventuellement en partageant ma propre démarche. Je ne peux pas donner de conseil. Je ne suis pas l’autre. Je refuse d’avoir du pouvoir sur autrui puisque je dénie à quiconque le droit d’avoir du pouvoir sur moi (Je ne concède qu’à l’autorité légale dûment encadrée ). L’autre doit pouvoir s’émanciper. Et je dois pouvoir m’émanciper à mon tour de mes propres représentations si je ne veux pas m’enfermer dans une inflexibilité qui devient alors un intégrisme.
Aujourd’hui, je possède plus que jamais la possibilité de me référer à mes valeurs pour guider mon action. Je peux choisir. Je dois éprouver ces valeurs au réel de la vie.
Mais je ne peux pas transformer le monde, orienter les choix, rendre tel homme politique sympathique ou parler à la place d’Untel. C’est comme ça. Je ne me résigne pas, mais je ne vais pas me torturer au risque du ressentiment ou de me renier.
Dans mes différents métiers, notamment le dernier, j’ai du « composer » avec des personnes très éloignées de moi pour mille raisons. C’est à dire inventer ensemble quelque chose qui n’était pas de la compromission, mais une construction acceptable, où personne n’allait perdre sa dignité, où le « cadre » serait respecté…
Ce matin je parlais de chapelles politiques et du poids des dogmes. Je peux partager des valeurs et n’appartenir à aucune chapelle. J’ai payé mon dû. Je ne serai jamais d’un camp contre un autre. C’est contre moi. Ça ne veut pas dire que je ne choisis pas. Ça veut dire que je ne crois pas aux visions binaires pas plus qu’il faudrait prendre « un peu de chacun » . Non, encore une fois, avec l’existant, il faut partir du réel et construire quelque chose qui fasse avancer… Mais j’accepte l’idée que c’est devenu quasiment impossible aujourd’hui.
Le pouvoir, la compétition s’opposent pour moi à la mutualisation, la coopération, la solidarité, la fraternité… mais je dois accepter que pour certains, ces notions sont difficiles à accepter.
Cela ne veut pas dire qu’il ne faudrait pas résister si besoin, fermement si certains voulaient nous priver de liberté.
La déception
Si je suis déçu, si je me sens trahi, au fond, les reproches, je me les adresse à moi même. Mais ça sert à quoi si je n’en fais pas un levier de transformation ?
On ne peut refaire l’histoire. Il faut accepter aussi ses imperfections, de ne pas se vriller sur une posture.
L’ours blanc
Je crois que c’est François Bourgognon qui raconte l’exercice de l’Ours blanc : il propose de se concentrer sur n’importe quoi d’autre qu’un ours blanc pendant au moins quinze secondes…. Essayez.
Une pensée négative, intrusive, je ne peux la rejeter. Je dois à la fois composer avec les émotions et en même temps ne pas nourrir l’Ours blanc. Il est là ? Il partira de lui-même.
Je dois « faire avec », construire avec ce qui me traverse, me choque.
Flexible
La flexibilité ne veut pas dire se plier à des exigences qui me nieraient. Ça c’est le patron qui impose des horaires flexibles pour avoir une main abusive sur ses employés. La flexibilité, je la vois plutôt comme une capacité à aller chercher des réponses concrètes, ce « mieux-disant » … Cela suppose que les enjeux soient clairs, que les responsabilités puissent être le plus partagées possibles… qui se souvient de l’autogestion ? (qui s’enseigne… ).
Cela veut dire encore ne pas se torturer inutilement. Inutile de se briser à l’irréversible. Mais pour autant il ne s’agit pas de renoncer à s’indigner ou chercher une évolution…