J’évoque cette semaine la question de la curiosité sur les internets. Nous nous laissons souvent guider par les moteurs de recherche (qui ne sont pas neutres ) ou par ce qui vient sur le fil vertical de nos réseaux sociaux. Ceux-ci sont conçus pour nous retenir et nous faire réagir en jouant sur nos émotions. J’ai déjà évoqué la nécessité d’une sorte d’hygiène des réseaux sociaux. Il ne s’agit pas d’avoir une approche culpabilisante. Il n’empêche qu’on peut s’interroger sur les conséquences de nos choix en relation avec notre charge mentale, notre gestion du temps, comme nos choix éthiques et même notre engagement politique.
Le pouce agile
Quel que soit le réseau, et spécialement avec le smartphone, une fois sur le fil on le fait défiler avec le pouce. Ça muscle !
Les messages qui apparaissent dans le fil vertical sont suggérés par les algorithmes . Ils sont produits par des comptes auxquels nous sommes abonnés, qui nous suivent, leurs amis. Nos interactions, les fameux « like », la recherche autour de mots clés… vont jouer avec des variantes selon les réseaux.
La publicité va également être présente, certains comptes « achètent » de la diffusion et viennent s’imposer dans le fil en fonction d’ailleurs de la perméabilité que nous laissons ou pas entre ces réseaux et nos autres consultations surtout si notre navigateur n’est pas protégé. Il faut rappeler que ces réseaux sont intrusifs, savent nous géolocaliser la plupart du temps, connaissent nos numéros de téléphone, disposent de nombre d’informations confidentielles sur notre vie privée etc… Ils ont pu déjà être condamnés sur l’usage qu’ils ont pu en faire.
J’ai pu noter :
- que les messages les plus vus sont ceux qui ne comportent pas de lien externe et « font le buzz » en quelques mots (en général en jouant sur la polémique ou l’émotion)
- que certains messages avec des liens, annonçant des publications sur le site par exemple, peuvent être invisibilisés. Facebook a même tenté de me censurer… Pourquoi ? Parce que le but de ces réseaux n’est pas de vous inciter à les quitter. Ils veulent que vous restiez.
Sans pouvoir vraiment le quantifier, ce qui défile sous mes yeux de façon infinie, c’est un tiers au mieux de comptes que je suis volontairement et surtout, je ne choisis pas le contenu qui vient. Il n’y a pas de « sommaire » comme d’un journal que je choisis… et si je peux passer vite avec mon pouce, je suis obligé de faire défiler tout ce qui est suggéré. Je vais m’arrêter quand je serai attiré… parce que je « reconnais » quelque chose ou parce que mon cerveau cherche des émotions comme des friandises…
La dopamine s’oppose à la sérotonine
La dopamine est libérée avant la récompense. C’est bien dit dans cette vidéo. C’est parce que je vois la notification d’un message que la dopamine est libérée, pas par le message.
Pour simplifier outrageusement, la dopamine vise à me motiver. À la base pour des fonctions vitales (s’alimenter, se reproduire…). Celui qui est addict au tabac, il lui suffit de voir un paquet pour avoir envie de fumer. On active le plaisir, l’excitation pour « se mettre en mouvement » mais cela ne garantit pas le bonheur au bout.
Très souvent on peut constater pour soi comme d’autres personnes, notamment des jeunes qui restent longtemps rivé à l’écran, que de longues séances sur les réseaux sociaux peuvent déclencher à des degrés divers et pour un temps plus ou moins fort : une humeur maussade, un certain renfermement sur soi parce qu’on peut-être déçu des réactions des autres, des sautes d’humeur selon qu’on aura trouvé des échos favorables à ses messages, ses représentations… parfois de la dépression, une atteinte à l’énergie personnelle avec de la procrastination. Pour les jeunes on sait aussi que cela peut-être accompagné de troubles du sommeil… avec des conséquences sur la fixation des apprentissages.
C’est que la dopamine s’oppose à la sérotonine. Cette dernière est décrite comme l’hormone du bonheur : l’alimentation, l’activité physique, le stress vont jouer dans sa production. Hormone du bonheur c’est pour la décrire de façon réductrice, une capacité à accepter ce que l’on a, une façon de réguler notre humeur, d’atteindre la plénitude… se placer dans le temps long.
Pour donner une image un peu provocatrice et réductrice, je dirais que la « dopamine » c’est l’hormone de la pornographie et la sérotonine celle de l’amour. Et le problème de la « dopamine » c’est qu’elle va réduire la possibilité de libérer de la sérotonine si les conditions ne sont pas réunies…
La célébrité.
Jeanne Moreau chantait ça très bien.
La célébrité, la publicité
Photographiée ou interviewée
Mais quel effet cela vous fait ?
Ça peut faire plaisir quelquefois
Ça s'oublie avec le chagrin
Ça ne m'impose pas sa loi
Ça n'assouvit jamais la faim
Ça ne tient pas chaud quand j'ai froid
Ça ne me tient pas compagnie
Ça ne m'embrasse pas les doigts
Ça ne remplace pas ta vie
Ça ne remplace pas ta vie
L’autre jour une personne se réjouissait d’avoir 700 « followers » ou abonnés sur son compte Instagram se disant heureuse de voir tant de personnes la suivre. Je ne l’ai pas renvoyée à la lecture du courage de ne pas être aimé-e… je me suis souvenu du temps où j’avais un compte Twitter avec je crois près de 900 abonnés. Un petit test avec une application dédiée m’avait permis de découvrir que plus d’un tiers des comptes ne publiait plus depuis plus d’un an, d’autres depuis plusieurs mois et que les interactions réelles avec mon compte étaient limitées avec une vingtaine de personnes.
Le problème de la recherche de la célébrité, c’est qu’elle peut nous engager dans le désir de plaire en cédant au conformisme.
Aux débuts de Threads nombre de personnes en mal d’abonnés, proposaient de suivre qui les suivait... peu importait le type de contenu.
Dans un autre ordre d’idées, j’ai vu souvent des « dames » à la poitrine généreuse s’abonner à mon compte dans l’espoir (vain) de me proposer d’autres stimulations. Au passage, il faut aussi trier un peu ses abonnés… pour garantir un flux qui se rapproche de nos affinités.
Émotions ou enrichissement réel ?
Toutes les émotions ne sont pas négatives. Je suis sur Instagram des comptes de danseurs ou de musiciens qui m’apportent beaucoup et m’engagent souvent à découvrir plus avant ce que ces artistes produisent.
Ailleurs, je peux découvrir le compte d’une personne qui incite à la réflexion…
D’autres apportent une sorte de sucrerie qui peut amuser cinq minutes, mais après ?
Il faut conserver un œil critique quand on voit par exemple comment certains font souffrir des animaux pour les mettre en scène devant leur objectif…
Certains comptes peuvent inciter à réagir : la bêtise, le racisme, des âneries proférées… quand on est un esprit rationnel, épris de vérité, avec des valeurs on peut vite se trouver animé de la double velléité du redresseur de torts ou du chevalier blanc… Quitte à s’exposer à de la violence verbale, une sorte de compétition dans « qui aura le dernier mot » ou le ralliement de celles et ceux qui soutiendront l’un et l’autre... Les polémiques absurdes finissent en insultes, en agressions (qui peuvent être suivies de harcèlement jusque dans la vie réelle) … Si l’arme du « blocage » peut s’exercer, on se sera énervé-e au final pour ? … Pour rien… Car on n’aura pas converti l’adversaire et l’on n’aura rallié que des convaincus…
Il faut fuir la compétition et préférer la coopération. Tenter d’être là aussi ce que l’on attend d’autrui.
Le stress prend pris le dessus et pourra influencer négativement notre propre journée ou nos échanges dans la vie réelle. Ça c’est un danger réel surtout pour les personnes empathiques ou hypersensibles.
Un usage pertinent d’un réseau social sera celui qui me permet de voir ce que devient ce jeune artiste que j’apprécie avec ses dernières productions, repérer une date de spectacle… ou pointer vers un article au contenu riche… en gros qui me fera « sortir » du réseau… L’idée est de préférer une curiosité qui me permet de creuser et d’apprendre plutôt qu’une émotion rapide et limitée.
Quel intérêt de me torturer avec le troll ou le raciste de service ? (en revanche je ne me laisse pas faire).
Comme « producteur » de contenus, sans illusions relativement à l’audience, ce sera de permettre aux personnes qui apprécient ce que je propose d’y accéder…
Inciter à investir les blogs
Les blogs sont nombreux, vont et viennent. J’évoquais hier le repérage de curiosités enrichissantes.
Soyez chercheuse ou chercheur de blogs intéressants
Il peut être pertinent de transformer du temps passé sur les réseaux en temps passé à repérer des blogs intéressants en cherchant un peu. On peut d’ailleurs s’abonner soit aux lettres de diffusion de ces blogs soit à leur fil RSS.
Partagez vos pépites
Quand vous découvrez un blog qui vous plait, ne vous contentez pas de « liker » mais partagez vers vos propres abonnés, faites connaître des blogs qui vous plaisent, vous intéressent… Il existe un Internet riche, qui élargit l’horizon, permet de belles découvertes…
Produisez du contenu riche
Je lis souvent des comptes intéressants mais ils restent limités dans leur expression par le nombre de signes. Il est très facile de créer un blog soit par des propositions gratuites soit en investissant chez un hébergeur. C’est autrement gratifiant que d’écrire des contenus dont la gestion est déléguée à un géant du Web. On peut développer sa pensée, écrire ce que l’on souhaite (dans le respect de la Loi), choisir la façon de s’exprimer…
Un peu d’éthique
J’ai quitté Twitter il y a un bail. Quand j’ai appris que Meta allait offrir un million de dollars au fonds d’investiture de Donald Trump (tout comme Amazon), j’ai été choqué de la façon dont ces sociétés pliaient un genou devant l’extrême droite. Il n’est pas exclu que je ne quitte pas les applications Meta bientôt.
Je me sens en sécurité sur l’instance Mastodon où je n’ai jamais vécu de stress ou sur Diaspora. Bluesky continue de me laisser perplexe… Ce que je ne veux pas c’est utiliser un média où je ne me sentirais pas à l’aise, où je ne me sentirais pas respecté.
La difficulté c’est que sans chercher la célébrité, je trouve intéressant de mettre en avant les publications de ce site via les réseaux…
Choisir
Nous nous laissons souvent commander par le conformisme ou des habitudes.
Parfois nous avons une vision « punitive » des choses ou restrictive… Certains prônent de fermer les réseaux pour être plus rentable dans son travail !
Il faut toujours s’interroger sur ce que nous faisons, à quel moment, si l’activité nous enrichit ou crée un sentiment de frustration, quand ce n’est pas de l’insatisfaction ou de la colère.
Chacun doit faire ses propres choix liés à son mode de vie, ses goûts… Il n’y a pas à culpabiliser mais à s’orienter volontairement pour favoriser la sérotonine !
Avec les réseaux sociaux comme pour le reste de ma vie je me demande toujours si je peux servir les 4 entrées de ma journée réussie :
– est-ce que je peux apprendre ?
– est-ce que je peux créer ?
– est-ce que je peux partager ?
– est-ce que je peux prendre soin de moi et des autres ? (assertivité, et refus du conflit)
Mes trucs et ficelles perso
- pas de smartphone dans la chambre
- pas de notification des applications
- je consulte les réseaux plutôt sur l’ordinateur
- je limite le temps quotidien aux échanges déjà engagés ou aux comptes suivis < 20 min
- je m’interdis d’aller débattre même si ce qui est dit me révolte (je dois me reprendre fréquemment)
- je signale les comptes qui sortent de la loi
- je bloque, rends invisible etc. les haineux et agressifs de tout poil
- si un échange me met mal à l’aise, j’écoute mon intuition
- je réponds aux questions mais je n’ai pas à me justifier
- je reçois les compliments avec plaisir sans m’inféoder ou me laisser définir ou étiqueter
- je partage mes articles publiés sur le site avec une brève présentation (il faut pouvoir inciter, republier un peu… )
- je me réserve un temps une ou deux fois par semaine pour découvrir des comptes intéressants (curiosité en recherche) … ou me désabonner des putaclics
- je fais un petit point régulier sur mes usages et les fais évoluer si besoin
Et vous ? Quelle est votre approche ?