Quittant Méta après Twitter, j’ai évoqué les 3 filtres que j’utilise pour choisir un réseau social. Mais un réseau social, le meilleur fut-il, reste limité en nombre de signes, déroule un fil vertical un peu aléatoire. Le lecteur part « à la pêche » de comptes et de contenus et attrape ce qu’il peut avec son épuisette. Celui qui écrit même s’il est incisif et ultra pertinent n’a pas toujours la possibilité de développer et structurer sa pensée. Si je dis : exprimez-vous avec un blog, un site, un livre ! c’est parce que j’ai repéré des personnes vraiment intéressantes et qui souvent se sous-estiment. Ces personnes nous apporteraient beaucoup (et s’apporteraient aussi) en osant réinvestir des écrits sinon longs, du moins structurés autour de leur pensée, leur recherche, leur singularité. Je crois que cela nous inscrirait dans des logiques constructives, nourissantes, inspirantes, moins éphémères.
Tirer le fil
J’aime qu’un message d’un réseau me conduise à tirer le fil vers un livre, un blog ou site. Au fond, un bon réseau social n’est pas celui qui me retient mais qui me conduit vers une nouvelle porte, un nouvel univers, des réflexions enrichissantes. J’apprécie d’ailleurs quand je peux croiser et faire le lien entre là un site, un blog, ailleurs un livre…
À titre personnel, je suis moins friand d’outils audios, vidéos ou de vlogs, sauf lorsqu’il s’agit de productions artistiques « à voir » ou entendre, car j’aime pouvoir revenir en arrière sur le texte, accéder au déroulé du raisonnement. Je fixe mieux une pensée écrite qu’une pensée dite suivant le fameux adage des « écrits qui s’envolent et des écrits qui restent« . Une bonne conférence doit toujours me mener vers un écrit pour que ma mémoire en fasse miel. L’écrit pour moi fixe, enrichit, réactive la pensée et la mémoire.
Il existe d’ailleurs des outils dont je ne suis pas forcément expert, qui permettent de conserver, structurer, organiser, annoter des liens, des sites ou des pages intéressants. Dans ma quête quotidienne, je veux pouvoir apprendre chaque jour.
Tous des écriveurs
Nous ne sommes pas toutes et tous des écrivains ou des philosophes. Mais je crois que le « citoyen éclairé », cette personne un peu idéalisée autrefois par le socle commun de connaissances et de compétences (dont plus personne ne parle hélas) , c’est cette personne capable de penser par elle-même, de faire ses choix de vie, de s’émanciper, se cultiver tout au long de la vie, de développer une pensée rationnelle, de s’exprimer en prenant appui sur divers langages (la langue native, étrangère, régionale…, le langage mathématique, informatique, l’expression culturelle, le langage du corps…).
Les formidables moyens offerts aujourd’hui par les évolutions technologiques, ne doivent pas rester l’apanage d’un happy-few ou d’un club d’influenceurs dont le but premier est d‘attirer l’attention dans une visée commerciale.
En discutant avec une personne que je pousse à écrire sur un blog, j’ai bien vu qu’elle souffrait « classiquement » du syndrome de l’imposteur, de la peur de ne pas maîtriser la technique et de manquer de temps.
Il y a certes un exercice d’introspection à faire, mais aller chercher sa propre singularité, interroger son socle de valeurs, c’est aussi questionner ses propres représentations et se mettre en chemin pour avancer, s’élever. C’est une façon de choisir de donner du sens à sa vie, ce que l’on en fait plutôt que de chercher un sens extérieur. Alors écrire permet d’avancer pour soi et de partager vers les autres.
Il faut oser. On peut certes se tromper, mais quel est le risque réel ? Il est certainement moins négatif que celui de s’offrir en pâture à l’agressivité et la compétition sur un réseau social.
Tenir un blog ou un site, écrire un livre (même de peu de pages), c’est s’affirmer sans s’opposer dans un espace choisi, dont on conserve la maîtrise et que l’on peut faire évoluer. On pense, on cherche, on apprend, on crée, on partage et ce faisant on peut grâce à l’apport en coopération des autres avancer plus loin dans sa propre réflexion, affiner ses propres choix.
La technique n’est pas difficile
J’ai tenu autrefois des blogs liés à un géant du Web. C’est gratuit et facile, il n’y a d’une certaine façon qu’à se préoccuper du contenu. Il existe des plateformes totalement gratuites mais bien entendu elles vont vous limiter dans la structuration de votre espace, les fonctionnalités offertes comme les performances… et si elles dépendent d’un géant du Web ou d’une entité extérieure, alors vous prenez un certain nombre de risques pour votre production comme votre indépendance ou celle de vos lectrices et lecteurs.
Je tiens aujourd’hui un site reposant sur le CMS libre WordPress (Joomla n’est pas mal non plus surtout si on écrit à plusieurs) et je l’héberge en France chez un fournisseur respectueux, pas très cher et qui me permet d’avoir un site performant.
Je ne maîtrise pas tout des aspects techniques, loin s’en faut, j’ai privilégié des solutions simples et j’ai enrichi le site en ajoutant des fonctionnalités dont j’avais besoin au fur et à mesure, à mon rythme.
Il existe de nombreux tutoriels, que ce soit via des sites ou des chaines vidéo. À l’expérience, je dirais qu’il faut se méfier des usines à gaz, ne pas rajouter trop de fonctionnalités etc. mais franchement, ce n’est pas plus difficile que de comprendre comment fonctionnent certains réseaux sociaux. (Vous arrivez à vous orienter dans les paramètres de Facebook ? Il faut du temps et ils changent souvent de façon à capter nos données au maximum).
En une heure on peut concevoir une coquille simple et viable et l’enrichir ensuite.
Un site plus important ou un site dit « vitrine » peut supposer plus de travail, mais peut se concevoir par étapes.
Écrire un livre suppose de respecter des règles relatives à la mise en page. Il faut refuser l’édition à compte d’auteur, mais l’auto-édition et surtout de livres numériques est accessible aisément. Après, si l’on veut vendre, peut-être éviter l’incontournable Amazon pour préférer d’autres solutions !
Maîtriser son temps
Il suffit parfois d’interroger la façon dont nous gérons notre temps en nous laissant happer par des sollicitations peu enrichissantes pour mesurer que là aussi nous pouvons reprendre la main.
J’étais présent sur de trop nombreux réseaux sociaux : outre la redondance de nombre d’infos, j’étais submergé par nombre de sollicitations peu enrichissantes quand elles n’étaient pas stressantes ou désespérantes.
Je fais une comparaison avec notre façon de nous alimenter : picorer tout au long de la journée de petites choses sucrées crée une forme d’addiction et sera bien moins profitable pour notre santé que des repas équilibrés pris à des heures choisies. Nombre de nos activités relèvent de la même logique.
J’organise mon temps aujourd’hui entre d’une part des « rituels choisis » (des choses à faire, des habitudes régulières bonnes pour ma santé ou qui permettent d’entretenir mon activité intellectuelle) et des phases créatives où je vais m’investir sur des projets longs… On pourrait dire d’un côté il y a les temps d’entraînement réguliers et de l’autre les travaux d’atelier. Je crois que même au travail on peut structurer son temps en pensant à ce type d’ approche.
Chacune de mes journées s’articule autour de mon quatuor : apprendre, créer, partager, prendre soin et j’essaie d’interroger ce que je fais : est-ce que c’est un choix y compris un choix d’engagement ou un « devoir » (une activité faite pour plaire, de façon conformiste) ? Surtout je veux savoir pourquoi je fais une chose : est-ce que cela m’apporte ou va juste me donner du sucre ? Est-ce que je vais secréter plus de dopamine ou de sérotonine par cette activité ?
Alors tout naturellement, des activités parasites et inutiles s’éloignent de moi, je les délaisse au profit d’activités vraiment épanouissantes et enrichissantes.
Faites vous confiance
Pourquoi ne pas essayer ? Certes, l’exercice suppose de se centrer, s’isoler un peu, couper les notifications… mais vous allez pouvoir creuser un domaine qui vous intéresse, exprimer votre regard et certainement le faire évoluer en vous documentant ou en analysant les choses…
Par exemple, lorsqu’on tient un blog, on voit qu’on n’est pas obligé de réagir en fonction de l’actualité ou de ce qui fait le buzz. On peut écrire à contre courant et souvent cela apaise ou alors prendre le temps de regarder les choses à sa façon.
Lorsque je relis un texte que j’ai pu rédiger plusieurs mois en arrière, je peux être mon propre critique, rire de certains textes que je trouve « moyens », faire évoluer mon propre point de vue… et c’est justement la preuve que je ne suis pas resté coincé dans une posture figée. Dans un monde qui évolue sans cesse, ne pas bouger serait refuser de comprendre.
Pour autant, je veux également pouvoir interroger les choses et ce que je vis à l’aune de valeurs (elles même sujettes à question) avec éthique.
Influencé par des « conseilleurs », j’ai cru un temps qu’il était pertinent de me déployer sur différents réseaux sociaux. Cette expérience aura été intéressante, mais j’éprouve le besoin d’approfondir plutôt que de me disperser. Je veux également prendre soin de moi et je sais dire avec clarté ce qui m’enrichit, me fait du bien.
Pour se plonger dans un projet comme l’écriture longue, il faut accepter de lâcher prise avec toutes ces sollicitations qui vont et viennent : aujourd’hui un réseau, demain un autre. Accepter de préférer sa singularité, de ne pas chercher à plaire à tout le monde… débroussailler son chemin mais sans dilapider mon énergie. Résister avec la patience du jardinier et l’insolente témérité du poète dont la seule patrie est le langage.
Il ne s’agit pas de renoncer mais de choisir. Alors la « récompense » est autrement gratifiante !
Merci donc à Mastodon pour m’avoir permis de découvrir ce blog, que j’ajoute dans ma liste de flux RSS directement.
Je partage cet avis, un blog n’est pas si terrible à gérer, on y est bien chez soi, et c’est aussi un bon support pour apprendre à écrire et publier.
😉