Hier, à la sortie des classes, dans le village voisin, de l’autre côté de la frontière départementale, régnait une effervescence amusante malgré la fraîcheur de l’air. Puisque la France sera au unie au moins par son calendrier scolaire, belles vacances d’automne !
Ils allaient en groupes, comme des étourneaux avant l’envol…
Les plus petits traversaient le village dans le sillage d’un parent. Pour une fois, les vieux se faisaient rares, retenus peut-être à l’intérieur par les premiers courants d’air.
Une chocolatine à la main, un chien tenu en laisse, le cartable lourd, les primaires sortaient un rien hébétés.
Plus frappant, quelque chose que je n’avais pas vu à ce point en d’autres lieux, c’était ces petits groupes de collégiennes et collégiens traversant le village de part en part… On les trouvait sur les placettes, ailleurs regroupés sur un banc, dans le recoin de quelque ruelle, en conciliabules, en alliance paisible ou remontant les rues … Bavardages, rires joyeux, groupes mélangés de filles et de garçons. Comme si le village avait été envahi par une armée de collégiens.
Parfois les groupes se croisaient, parfois voguait seul l’un d’entre eux, isolé qui semblait chercher son groupe. Mais personne ne semblait rentrer chez soi.
C’est drôle de voir comment le vieux chien qui m’accompagne dans mes pérégrinations apprécie la jeunesse et voudrait bien aller jouer avec eux ou quémander quelque miettes. Il impressionne par sa taille.
Ici, le pays est petit. Ils se connaissent tous. Des adultes veillent mine de rien. Dans les sourires, un père bienveillant invitait les ados à ne pas « mettre le souk dans les rues du vieux village ».
La vieille dame que j’aime bien n’était plus dans la rue sur sa chaise. Elle avait fermé sa porte.
Un peu plus loin, un autre vieux en larmes, confiait à un autre « ça fait un vide tout de même. » Je crois qu’il parlait de son chien, j’espère que ce n’était pas de sa femme.
D’autres groupes envahissaient les magasins. À la caisse devant moi, de grandes jeunes filles plantureuses achetaient des brassées de bonbons colorés, sucrés forcément et gélatineux sûrement. Tout ça ? C’est pour les vacances ? Je crains que cela ne soit que pour la soirée… Et la caissière patiente recomptait les petites pièces accumulées pour l’occasion…
Je ne sais pas si quelque chose de spécial était prévu, ou si c’était simplement une façon de « marquer le coup », la fin de la période… ou simplement de souligner l’envie de rester ensemble, ne pas se séparer tout de suite… Que vont-ils faire de leurs vacances ?
Tous n’habitent pas le village… Tous n’ont pas de moyen de transport.
Quand j’étais ado, dans le petit village, ce n’était pas simple de se retrouver. Il fallait attendre quatorze ans pour avoir le droit de conduire un cyclo.
C’était à la fois drôle et joli cette jubilation dans l’air hier… comme un spectacle touchant, emprunt d’optimisme…
L’an dernier, mais c’était en septembre, j’avais vu des groupes de plus jeunes profiter des derniers rayons du soleil pour piquer une tête dans la rivière, sous le pont, là où c’est interdit.
Ce qui est beau ici, dans ce pays d’Occitanie, c’est que les petits, les jeunes adolescents, semblent préservés des malheurs du monde, heureux de vivre là, ensemble…
Encore faudra-t-il que l’on sache préserver les écoles, ne pas fermer de classe et que de nouvelles familles puissent venir s’installer avec leurs enfants. Les enfants, c’est la vie des villages… et ce n’est pas une banalité de le dire…
Si loin…
Enseignant, je travaillais beaucoup pendant les vacances d’automne. On commençait à connaître sa classe, on pouvait ajuster en fonction des élèves. Formateur, ou inspecteur, on avait bouclé le programme des formations qu’on allait débuter. Les visites d’inspection avaient commencé. On travaillait déjà à pressentir la future carte scolaire.
Toute cette vie là me semble si lointaine. Je ne vais plus sur le site du ministère, je ne lis plus le bulletin officiel. Jeune instituteur, chargé d’école dans les années 80, il arrivait chaque jeudi par la Poste. On surlignait des passages, on le signait, on le rangeait dans une armoire dédiée… C’était l’époque lointaine où l’on apprenait ce qu’il fallait mettre en place par l’écrit et non par une interview elliptique du ministre à la télévision…
Je me souviens mais je n’ai pas de nostalgie. Les bons et les mauvais souvenirs habitent chaque époque…
Les saisons d’aujourd’hui me semblent moins lisibles que celles d’hier, moins emblématiques… Halloween viendra peut-être se glisser, je ne sais si la mode est venue jusqu’en pays de Rouergue.
Ce matin il fait neuf degrés.
Belles vacances à toutes et tous, dans les écoles ou ailleurs !