Alors vous n’écrivez jamais de poésie ?

Publié le Catégorisé comme de la poésie
Le causse au dessus de Cajarc

Comme un idiot, je vous demandais ce matin ce que vous faisiez de vos poèmes alors que vous n’écrivez jamais de poésie. Vous êtes abstinent-e. Vous n’en éprouvez ni le besoin, ni l’envie, ni le manque. D’ailleurs, il n’y a pas de recueil de poésie chez vous. Vous trouvez ça mièvre, inutile, rasoir.

La poésie à l’école

J’avais raconté ma tristesse quand je découvrais que les cahiers d’écoliers pouvaient ne contenir que sept poésies pour une année scolaire. Fombeure, Carême, Prévert et La Fontaine ont souvent été relégués au rayon des accessoires. La poésie c’est ce truc à apprendre par petits bouts et qu’on ne ressent ni ne comprend vraiment. Surtout si ça traîne en longueur avec des copains qui savent à peine leur texte…

Je ne peux vous en faire le reproche, ni même aux maîtres qu’on presse avec mille obligations ajoutées au programme… La poésie, c’est parfois un mauvais souvenir… Et les cours fastidieux dénaturant l’Albatros ou vidant le Bateau Îvre de son sang en prétendant lui donner du sens ne font guère mieux.

Si quelques maîtres de primaire ont osé, osent peut-être encore, faire jouer avec la poésie et les mots pour oxygéner leurs classes, les professeurs professent comme on noie le poisson pour stériliser l’émotion. Pardon. Ils ont appris ainsi. Parfois, ils enseignent ce qu’ils n’aiment pas eux-mêmes. La conviction manque.

On essore Éluard, on décortique Aragon, on épluche Marceline Desbordes-Valmore si tant est qu’elle puisse être au programme.

Aujourd’hui, ce sont les publicitaires qui se sont emparés de la poésie pour quelques slogans clinquants aseptisés.

Pourtant dès les très petits, l’école devrait être ce jardin pour la poésie, où l’on sème des mots, on les mélange, on bricole et s’amuse avec, pour aller en chercher de beaux , pour faire vibrer les sons et allumer des métaphores.

Pigeonnier

Surtout n’essayez pas

On vous donne des occupations pour les yeux, pour les doigts… des occupations immobiles où vous resterez le plus souvent muette ou muet. Pourquoi changer et bouger ?

Ne prenez pas de pinceau, pas de plume, pas d’instrument, même pas de jambes à votre cou… Vous êtes prié-e de rester sagement assis-e dans votre canapé.

Alors, écrire un poème, pour quoi faire ? Vous n’êtes plus enfant…

Il y a bien quelques slameurs, quelques aventuriers qui osent un haïku sur Tikchose ou quelque bout rimé sur Facemou mais trop souvent certains ne font que de la périphrase ou choisissent des mots qui ressemblent aux fleurs en plastique vendues pour les cimetières. Ça résiste à la pluie. C’est censé faire joli. Mais c’est tout à fait impersonnel.

Vous auriez peur n’est-ce pas qu’on vous surprenne. Surtout les garçons.

 Que fais-tu avec ce carnet ? C’est quoi ce truc que écris ?

Répondez que vous écrivez une liste de courses, un algorithme pour l’intelligence artificielle, une commande sur Amajaune…

Ne dites pas : Une rêverie. Une allusion, une rencontre de mots, une image qui passe.

Faut-il lire de la poésie pour en écrire ? Ça aide. C’est pas obligatoire. Rien n’est obligatoire en poésie.

Faut-il être poète pour en écrire ? Le poète n’est pas un fonctionnaire ayant passé un concours, il n’y a pas de diplôme de poète.

Pour écrire un poème, il suffit d’un humain, d’une table, d’une feuille, d’un crayon et d’une parenthèse. C’est à dire, du temps même bref, dans lequel on plonge. On croit nourrir ce temps du passé ou esquisser le futur. Mais on plonge dans le cercle intense et exact du présent. Ou plutôt, on trouve malgré soi ce point aveugle du temps présent qui est l’éternité.

Le poème que tu tiens entre les lèvres et dépose sur la page contient tout le passé, tout le futur et le présent de l’humanité. Dans ce point aveugle et infini, dans ce temps-moment minuscule et infini, tu es poète lorsque tu laisses parler l’enfant intérieur, que tu dépasses ta peine ou ta prison, ton chagrin ou ton espoir et que tu poses ces mots là. Ce sont tes mots, ceux que tu as choisi. Les tiens. Exactement. Même si parfois ils font des étincelles entre eux. Comme le gars qui par hasard frotta un jour deux silex entre eux.

Si tu n’écris pas de poème c’est que tu as peur de la Liberté.

Tu as peur d’aimer ça.

Comme celui qui ose le pinceau sur la toile, celui qui va danser un geste ou qui chante derrière sa fenêtre. Ce sont ces petits gestes immenses en Liberté que le siècle tente de nous faire oublier, de gommer, de cacher… d’éviter.

Parce que celui qui écrit un poème prend le goût de la Liberté.

Ou bien de la pâtisserie

La pâtisserie, le jardinage, ou tant d’autres travaux de broderie, le jeu avec du code numérique… ou le solfège, sont aussi des formes de poésie.

Tout humain devait avoir le droit de s’épanouir, de s’amuser, de se faire du bien en écrivant des poèmes. Parce que ça console, ça élargit le cœur, ouvre l’esprit… Ça ne veut pas dire qu’on serait des génies du poème, des Rimbaud héros du vers ou champion de l’alexandrin… ça voudrait juste dire qu’on ne se laisserait pas faire.

Mais peut-être que vous ne voulez pas essayer.

Il y en a, ils veulent bien essayer la drogue, se saouler au bistrot ou rouler comme un fou sur une route de campagne… mais écrire un poème, tu n’y penses pas ? C’est un truc de ….

Vous trouverez la suite.

Par Vincent Breton

Vincent Breton auteur ou écriveur de ce blogue, a exercé différentes fonctions au sein de l'école publique française. Il publie également de la fiction, de la poésie ou partage même des chansons !

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