Voici l’histoire véridique, authentique et attestée par acte notarié qui précise pourquoi et comment je fus affublé du prénom de Vincent dans des circonstances douloureuses. Ce texte pouvant heurter les personnes sensibles est déconseillé aux vieillards comme aux impubères et ne saurait se lire qu’à basse voix dans une pièce retirée.
Bon sang !
Je suis né dans un chapeau
Non pas dans un poème.
Ma mère, la parturiente
M’expulsa séance tenante
D’un coup sec, comme on pète
Les cuisses écartées
Elle hurla et me chia
Tel un blasphème
Dans un long cri qui résonna
Contre les murs blêmes
D’une clinique du quinzième
Où la nonne sage-femme
Vérifia que j’avais une âme
Me lécha l’entrejambe
Et décida par conséquence
De m’appeler Napoléon.
Comme ça ne m’allait pas du tout
Et qu’une goutte de sang perlait à mon front
Et dix-neuf autres autour de mon nombril
On finit, car c’était lassant
Par m’appeler Vingt Sangs
Puis on me remisa
Et ma mère se dépêcha
Car mon père l’évêque
Voulait qu’elle expulse un deuxième haricot
Elle fit une fille d’un rictus agacé
Qui sortit de travers mais vécut
Malgré tout,
« Ce qui est insensé ! »
Dit le gynécologue aviné
Il était parti pisser
Ça, c’est la vérité !
J’aurais bien voulu être une fille
Je ne fus qu’amoureux
Je fis souvent l’anguille
Rêvant d’être musicien
Avec mes frères ou mieux
Un orchestre en compagnie du petit Poucet
Et de tous les frangins qui rigolaient bien
L’évêque était sévère
On s’est tirés comme on pouvait
Avec ma sœur, avec ma mère
Pas d’ogre à mon époque
Ni d’orgue, ni jazz, ni rock
Mais des maîtres d’école à lunettes
Des blouses et de l’encre violette
Mon maître débonnaire
Me reprit quand j’écrivis mon prénom
Vingt sangs c’est dégoûtant mon garçon !
On mit un panneau à la fenêtre
Dorénavant, ce sera Vincent ton prénom
C’est de là qu’est venu
Le malentendu.