Pêle-mêle

Publié le Catégorisé comme sur le vif
buisson rouge

Pêle-mêle, il va faire une journée chaude comme jamais en février aujourd’hui, on est censé fêter la Saint-Valentin, pêle-mêle rendre hommage à Badinter, savoir à quoi sera condamné un ancien président et c’est l’anniversaire de ma grand-mère morte il y a trente cinq ans déjà. J’aurais voulu une journée d’insouciance mais il vibre quelque chose de doux amer dans l’espérance des journées tièdes et chaudes. Et comme toujours, le souvenir d’un poème est venu, pêle-mêle…

Les amis inconnus – Supervielle

Je le donne en entier. Je n’avais que quelques vers en tête.

Il vous naît un poisson qui se met à tourner
Tout de suite au plus noir d'une lame profonde,
Il vous naît une étoile au-dessus de la tête,
Elle voudrait chanter mais ne peut faire mieux
Que ses sœurs de la nuit, les étoiles muettes.


Il vous naît un oiseau dans la force de l'âge
En plein vol, et cachant votre histoire en son cœur
Puisqu'il n'a que son cri d'oiseau pour la montrer,
Il vole sur les bois, se choisit une branche
Et s'y pose ; on dirait qu'elle est comme les autres.


Où courent-ils ainsi ces lièvres, ces belettes,
Il n'est pas de chasseur encore dans la contrée
Et quelle peur les hante et les fait se hâter,
L'écureuil qui devient feuille et bois dans sa fuite,
La biche et le chevreuil soudain déconcertés ?


Il vous naît un ami et voilà qu'il vous cherche,
Il ne connaîtra pas votre nom ni vos yeux,
Mais il faudra qu'il soit touché comme les autres
Et loge dans son cœur d'étranges battements
Qui lui viennent des jours qu'il n'aura pas vécus.


Et vous que faites-vous, ô visage troublé,
Par ces brusques passants, ces bêtes, ces oiseaux,
Vous qui vous demandez, vous, toujours sans nouvelles :
Si je croise jamais un des amis lointains
Au mal que je lui fis, vais-je le reconnaître ?


Pardon pour vous, pardon pour eux, pour le silence
Et les mots inconsidérés,
Pour les phrases venant de lèvres inconnues
Qui vous touchent de loin comme balles perdues,
Et pardon pour les fronts qui semblent oublieux.


Jules Supervielle (1884-1960), Les amis inconnus, 1934 - in Poètes d'Aujourd'hui, pp. 122-123

La joie n’est jamais loin de la tristesse

ma grand-mère et mon arrière-grand-mère

Ma grand-mère est née en 1911. On la voit petite fille ici. C’est son anniversaire aujourd’hui. Fille unique, elle fut déterminée à fonder une grande famille… Elle y parvint. Elle n’avait pas vu peut-être tous les problèmes qui vont avec…

Sa propre mère se tient près d’elle. J’ai un peu connu cette femme dans ses dernières années et je ne l’ai connue que triste. Elle me détestait. Parce que je détestais la tristesse en elle. Comme un sale gène, une maladie contagieuse…

Ma grand-mère, un rien jésuite dans l’âme, nous disait « courage ! » quand ça allait mal.

Ça ne servait pas forcément à grand chose mais on y allait. Avec quand même en arrière fond cette « culpabilité catholique » qui nous envahissait alors que je n’ai pas été élevé dans la religion… Mais il fallait faire son devoir…

Il y a trente-cinq ans qu’elle est morte. Nous avons eu des heures complices. Le matin, très tôt, l’été, quand tout le monde dormait, je la rejoignais lorsqu’elle arrosait les plantes de son jardin en Provence. À la réflexion je dérangeais peut-être sa méditation, elle ne me le dit jamais. Ces moments presque intimes nous appartenaient avant que les grandes tablées n’animent la maison de vacances. Nous parlions. Elle se confiait. Je le faisais. Ma vie d’enfant et d’adolescent était loin d’être une partie de plaisirs.Puis nous allions rejoindre les autres qui allaient se lever tour à tour. Nombreux. Car elle aimait avoir du monde et prendre sous son aile des amis qui passaient par là… ce qui doucement attisait la jalousie sourde de ses propres filles… mais c’était des tablées de fête, d’abondance et de rires… des tablées de partage, de générosité, d’ouverture aux autres… Il y avait des gens d’horizons si divers…

Fêtes obligées

La Saint-Valentin est la fête des marchands de fleurs, de chocolat et des restaurateurs. Même amoureux, elle m’a toujours ennuyé. Trop de poncifs. De mièvrerie.

La cérémonie d’hommage national à Badinter est à mes yeux moins importante que les hommages individuels, spontanés et sincères. Les tentatives de récupération comme les exclusions ne sont pas à la hauteur.

Il faut toujours prendre garde à ce que la moraline ne prenne le pas sur la morale. Travers accru de l’époque. Toute figure aussi estimable qu’elle soit peut aussi avoir ses travers. Mais ce sont surtout des valeurs incarnées que l’on peut saluer ici…

Qui travaille aujourd’hui à abaisser les barrières du ressentiment et relier les humains entre eux ? Qui travaille à faire la paix ? Qui travaille à pardonner ?

Lâcher prise

En ce moment je ne tiens pas longtemps à l’écoute des nouvelles du monde et surtout des commentaires. Les réseaux sociaux les plus policés me semblent d’une vacuité sans nom. Un point de saturation… Mais je trouve également nombre de livres médiocres. Ils me tombent des mains. J’ai des envies de jardin, de plantations, de marche dans les sentiers…

Je m’accorde si peu de récréation vraie, si peu de moments où réellement je me laisserais porter doucement, sans me mettre la pression des mille et unes choses toujours à faire…

Procrastiner un peu… Chouchouter sa flemme, sans culpabiliser, au contraire, faire ce que j’ai envie, quand ça vient… Je sais que je resterai pas longtemps inactif, que la création peut s’avérer vite intense et me monopoliser… mais justement, il faudra dans mon optique de changer de vie que je m’autorise plus de liberté encore… Souvent on fait des choses parce qu’on se sent obligé de le faire, on a l’habitude… alors qu’en réalité, non, seuls nos besoins et nos valeurs doivent nous guider.

Vincent Breton

Par Vincent Breton

Vincent Breton auteur ou écriveur de ce blogue, a exercé différentes fonctions au sein de l'école publique française. Il publie également de la fiction, de la poésie ou partage même des chansons !

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