À quatre heures trente, ce fut Galou qui réveilla la maison. Il vient à petit pas, tourne au tour du lit. Il me regarde fixement et je sens son regard de chien tendre. Il faut se lever. Nous sommes entrés en novembre par une porte dérobée. Le ciel était plein d’étoiles. La nuit noire et étoilée. Ici, on entend toutes sortes de chouettes. Le thé était brûlant. Je ne me suis pas rendormi. Puis vint le soleil et la route et mes mains maladroites à la maison pour ne pas savoir réparer un mécanisme rétif. En ville, j’ai vu des chrysanthèmes partout. Mais je n’ai pas besoin de ce jour là ni des autres pour ne pas oublier celles et ceux dont on me parle à peine.
L’année dernière ou celle d’avant j’avais découvert la mort de Xavier
Xavier, c’était l’amitié du théâtre. Nous avons tant joué. Il était incroyable. Truculent et dramatique. On savait improviser en duo sur la petite scène de la salle de spectacle du Lycée Paul Arène (Sisteron). Celle là même où Dominique F avait attaché des pompons multicolores qu’elle avait fabriqué pour moi à mon écharpe blanche. Xavier fit plus tard une carrière étonnante d’hypnotiseur. J’avais perdu sa trace, c’était en tentant de le retrouver que j’avais découvert qu’il était mort pendant l’épidémie.
Je ne vais pas vous faire l’inventaire de toutes et celles et ceux qui sont morts et que j’ai aimés depuis ma jeunesse.
Le vide qu’elles et ils ont creusé en moi, cette façon de me façonner avec leur absence, n’est pas la souffrance que je lis ou j’entends chez certains. Chaque vie est une note dont la vibration perdure pourvu qu’on possède une oreille attentive. Tenir la note. Leur note.
Parfois, la voix de Colette Magny me traverse quand je chante. À mon insu. Subrepticement. Je sais que c’est elle qui chante. Je ne fais rien que laisser passer ce qui vient.
La difficulté quand même est de ne pas dessiner les morts contre leur gré. Celle qui a souffert, celui que la neige a emporté, cet autre qui n’a pas résisté au vertige de l’autolyse, ou l’accident, ou la maladie. Il faut libérer les morts. Y compris de leur légende ou des représentations que nous pouvions avoir d’eux. On ne sait rien des partis.
La mort ce n’est pas triste. La mort c’est ainsi. Il faut l’accepter.
Aimons les vivants
Ces inconnus que l’on découvre, ces éloignés que l’on retrouve et ces nouveaux amis dont le pas s’esquisse. Une nouvelle fidélité. La douceur de Vincent quand il vient aux nouvelles. Sa pudeur. Il possède l’art rare de la délicatesse qui fait qu’on peut parler simplement et directement.
Dans une boutique, je suis tombé dans une paire d’yeux. Quelques secondes. Deux grands yeux noirs qui avaient tant à dire. Qui ont dit. Toute une vie, presque un appel. Mes yeux ont écouté, ont répondu. Les yeux savent se parler entre eux, sans nous demander la moindre autorisation… Intensité inattendue. Ils se passent de nos paroles les yeux.
Ou bien, ces jeunes gens que je lis ici ou là, avec lesquels j’échange. Ils ont entre leurs paumes le ferment d’espoir. Ils sont incroyables qu’ils tiennent la guitare comme Adrien, fassent des bonds comme Dorian ou racontent des histoires qui viennent nous chatouiller dans notre zone de confort comme Gisèle. Oui, oui, elle est dans son âge… jeune !
Vivre !
Novembre sait être rude, nous secouer. Le vent, la pluie, la nuit. Tout nous incite à nous réfugier. Nous dorloter. Et les drames du monde. Et l’indignité.
Le silence autour des afghanes.
L’impatience de Galou ce matin, malgré ses treize ans, c’était pour jouer avec ses nouvelles balles. Un vrai gamin.
Des fois le matin, je me demande à moi même : « Est-ce que ça te dit de vire ? Cette journée… et puis on verra pour les autres… »
Samedi, c’est demain. Oui d’accord. Je suis disponible.
Je ne sais pas si j’irai au concert, mais j’ai des idées…
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