Un orage salvateur est venu conclure le mois de mars. Rien de grave ni de dévastateur, juste assez pour effrayer la chatte qui a trouvé refuge dans le placard et pour que le chien se rapproche ostensiblement de mon humaine personne. Il a vite passé cet orage, roulant tambour dans la vallée puis cavalcadant comme s’il avait un ennemi à poursuivre. Mais sa signature mouillée d’orgueil m’a lavé le cerveau. Fulgurance. L’éclair illumine et transforme.
Ce n’est pas la peur, c’est une sorte de révélation
Toujours cette puissance surnaturelle. Si nous savions la canaliser. Ce n’est pas pour rien que Zeus avait reçu le pouvoir de la foudre des cyclopes. Zeus ne craignait personne avec ça… peut-être les colères d’Hera.
On nous a mis dans le sac l’heure d’été. Je finis par ne plus savoir quelle heure il est. Mais, va ! On nous bascule vers autre chose. Adelante !
Elle était étonnante cette maison tout à l’heure. A Calvignac on domine le Lot. L’orage, on le voit venir de loin. Mais ce ne furent que quelques gouttes sur mon front pour me préparer comme un petit baptême tranquille.
Et puis, rentré à la maison, l’orage a déboulé sans frapper à la porte mais en cognant partout.
Il gronde, il roule des mécaniques, il commence par agiter les meubles dans le grenier comme disait Lucienne Desnoues. Il a laissé l’électricité tranquille. C’était juste pour secouer un peu et doucher nos certitudes. L’orage fait des siennes, sa colère jette au hasard quelques invectives, mais elle n’est pas méchante. « Sursum corda ! » Est-ce ma grand-mère qui transperce le ciel ? Je me demande si ce n’est pas elle que j’ai vue chevauchant un cumulonimbus.
Il a des façons de dire que ça suffit, d’inviter à arrêter de se plaindre, il admoneste un peu de se secouer les plumes. Faut-il avoir l’audace du rapace ou faire la grande liste des résolutions ? Faire sa révolution, surtout l’intime, une chanson permanente, tient en seul signe.
Le signal de l’éclair le donne. Zoum ! Broum ! C’est fait.
Je fis un feu
Non pas un feu de peur ou parce qu’il faisait froid, juste pour assécher l’humidité et rassurer les bêtes, un feu de fête, un feu de dimanche, un feu de fin de mars.
Entendez-moi bien, dans chaque vie il y a des étapes, des chapitres, des nouvelles pages… On a de l’impatience mais on gagne avec la patience et puis le jour vient, ça y est, c’est ainsi. On le sait.
Juste avant c’était encore une sorte de transition, d’introduction, de mutation…
Fin de l’hibernation.
Il y a des moments dans une vie où vous savez que c’est là, c’est cet instant assez précis, posé comme une évidence.
Elliot mon coach futé parle d’alignement des planètes. Il me fait rire… Le vieux professeur de plus en plus maigre, le vieux Boris, dessine doctement la résilience. Il parle doucement, de cette voix un peu sourde qui tient dans la bouche et dénoue les nœuds des bileux.
L’orage me sait
Il est parti servir d’autres aventures. Il a passé, il repassera peut-être bien un jour, mais j’ai compris sa symphonie.
L’orage me transforme, il te transforme. Il secoue les branches, défait un peu les choses de peu d’importance et pointe du doigt ce qui libère l’enfance en l’homme. Ce qui est précieux, cette soie d’être soi même dans le vertige illuminé de la rencontre.
Tous ces paysages ici qui vous prennent par les tripes, cette poésie qui chante a chaque virage, cette chance inouïe.
Un ami m’a dit non pas des paroles d’encouragement mais une sorte de confiance offerte dans la merveilleuse liberté d’être soi en toute dignité. Une sorte de parole à l’effet Pygmalion.
Garde ce trésor. Cette enfance, cette pureté joyeuse de l’averse. Ne t’embarrasse pas de dogmes, de doxa, de religions, de promesses. Quand le moment est venu, tu le reconnais. Ça ne se discute pas, ça ne se prouve pas, ça n’a rien de divin. C’est que ça converge, que c’est le moment, l’instant parfait, mieux que l’inspiration du projet. Voilà, tu y es. C’est là, c’est ça, c’est toi.
L’orage est loin mais il t’a laissé ce cadeau. Un petit coffre qui a survécu à toutes les tempêtes et qui contient de quoi écrire, une plume… qui te contient et c’est mieux que la poudre d’or posée sur la langue du prince Nadir qui avait trois vœux à exaucer et bien choisir.
Ce cadeau ne t’embarrasse pas, il t’allège.
Je t’apporterai des orages écrivait Geneviève Dormann. Il faut un peu d’audace.
Chacune ou chacun d’entre vous a eu ou aura son orage. Et cela n’a rien de triste.
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