L’histoire de Souleymane

Publié le Catégorisé comme films et séries
Histoire de Souleymane

Le matin entendre l’histoire de Donald Trump. Le soir, aller voir l’histoire de Souleymane. Le film de Boris Lojkine sorti cette année et plusieurs fois primé, nous happe sans nous lâcher dans l’univers d’un travailleur illégal fonçant dans Paris sur son vélo. Le contraire d’un film naïf. Aucune démagogie ni vision binaire mais la réalité puissante d’un humain confronté à la dure réalité de l’exil.

Le livreur sur son vélo

Abou Sangare qui joue Souleymane a toutes les raisons du monde pour le comprendre. Il a reçu le prix du meilleur acteur à Cannes.

Qui ne les a pas croisés ces livreurs fonçant dans la ville sur leur vélo ? Qui n’a pas commandé un soir sa pizza par flemme de bouger ou de faire la cuisine ?

C’est si pratique, si commode n’est-ce pas ?

Sauf que le livreur ne fait qu’utiliser un compte qui n’est pas le sien, il doit payer celui qui lui « loue » son compte. Il ne touchera pas grand chose au bout de sa semaine…

La porte refermée, la pizza chaude devant la télévision, qui pense au rythme effréné imposé au livreur ? Qui perçoit les dangers quotidiens qu’il affronte dans la ville entre les voitures, les bus… Chaque minute compte.

Dans le film, Paris est presque un personnage à part avec sa circulation et ses couloirs, le risque à chaque coin de rue.

Pédaler vite, attendre la commande, espérer son argent, foncer, voir sa vie commandée par l’application du téléphone, cette application qui se bloque, il faut un visage et ce n’est pas le sien. Attendre là, réclamer son dû. Recevoir avec bonheur un bonbon offert par une jeune fille. Mais partir vite. Livrer, pédaler… Le soir, courir dans les transports en commun…

Foncer encore, jusqu’au soir, ne pas louper le bus pour pouvoir être hébergé…

Le 115

Ce sont des voix. Il faut les appeler au bon moment pour espérer une place d’hébergement. Le centre d’accueil, ce n’est évidemment pas un club de vacances.

Les rageux qui nous serinent que les exilés viennent profiter du confort parisien aux frais du contribuable sont contredits par les faits cinglants. Qui échangerait sa place ?

L’ubérisation du système économique, nos modes de consommation, cette alliance terrifiante entre technologie et exploitation… tout est là, dit sans jamais chouiner.

Souleymane est courageux, déterminé, prêt à de nouveaux sacrifices dans l’enfer où il se trouve. Comment se projeter ? Il reste humain, digne, droit… pas de mélo, pas violent, conscient des sacrifices nécessaires…

Sans papiers

Souleymane veut régulariser sa situation. Il a la chance de savoir parler français. Il n’aura pas face à lui une administration froide. Mais il y a des règles. Et pour obtenir une régularisation, le garçon se trouvera pris au piège. Mentir ? Il faut savoir le faire à bon escient.

À l’arrière plan, il y a l’histoire personnelle du migrant qui doit subir l’exil. Justifier.

Les amitiés sont autour de lui, entre celles qui sont intéressées et la fraternité qui se tisse, les gestes les plus simples prennent une ampleur considérable. Mettre sa chemise blanche à l’endroit pour l’entretien.

Questions

C’est du grand cinéma. Il ne résume pas le monde aux méchants et aux gentils, il ne fait pas la leçon et nous laisse avec des questions puissantes.

Évidemment, c’est un film qu’il faut aller voir. Largement. D’utilité publique, d’utilité intime. Une histoire humaine.

Elle m’a fait penser à mes déménageurs moldaves victimes du même système.

Tous ces travailleurs de l’ombre, celles et ceux qui font le ménage dans les hôtels, travaillent dans le bâtiment, dans les cuisines des restaurants… les plus que précaires non seulement exploités mais souvent accusés des pires maux comme pour légitimer notre incapacité à leur faire la juste place qu’ils méritent.

Roses au jardin

Par Vincent Breton

Vincent Breton auteur ou écriveur de ce blogue, a exercé différentes fonctions au sein de l'école publique française. Il publie également de la fiction, de la poésie ou partage même des chansons !

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