J’ai beau le conspuer souvent, le risque du conformisme peut me concerner comme n’importe qui. Les exigences et les conventions sociales permettent de vivre ensemble, d’apprendre à nous supporter à défaut de nous connaître et de nous comprendre. L’ennui, c’est quand on se laisse commander au-delà de sa propre dignité. Ce n’est pas seulement céder à l’habitus, c’est aussi s’abandonner à la peur de déplaire, de se démarquer, d’être soi. Chercher la singularité, peut être pourtant une forme de conformisme. Le snob est conformiste à sa façon. L’artiste souvent . Il faudrait trouver un chemin de sagesse qui passerait par la capacité de vivre pleinement au présent tout en s’offrant des plages de mise à distance.
Une tension douloureuse
Il ne faut pas longtemps à notre intuition pour étiqueter autrui et repérer en l’autre ce que l’on détesterait voir fleurir en soi. Il y a un vertige dans l’antiracisme. Si chacun est d’égale dignité, mon empathie ne doit pas me leurrer. Je ne dois jamais t’aimer pour ton apparence mais pour ce que tu es, ce que tu fais et ta capacité à changer.
Élevé dans un contexte où les normes sociales étaient secouées, j’ai passé une bonne part de mon enfance et de mon adolescence à masquer les aspérités et me plier aux attentes supposées de la société. Il m’a fallu longtemps pour comprendre qu’au final la société se moque bien de qui je suis à la condition que je ne remette pas en cause l’ordre établi ou que je me contente de le faire en « artiste », dans la marge convenue, cet espace laissé au fou pour se moquer du Roi. Ça soulage mais ça ne sert pas à grand-chose.
Tension douloureuse entre un rôle qu’on prend publiquement pour avoir le droit d’être soi dans la bulle privée.
Une écriture conformiste
J’ai commencé hier l’écriture d’un conte né de l’oralité, que j’enrichissais au fil des années. Mais ce matin, je me suis dit que mon écriture était bien convenue, conformiste.
Comme les rédactions que je faisais en classe de CE2 pour plaire au maître.
Il faut sortir de soi pour aller chercher autre chose. Jusqu’au risque du trouble.
Ce n’est pourtant pas en jouant à tout prix l’originalité qu’on apportera quelque chose de neuf et encore moins d’utile.
Alors faut-il se taire ?
La facilité de jouer les incompris
Je n’ai jamais voulu céder à ça. J’ai toujours trouvé insupportable l’artiste qui se plaint de n’être pas compris. Même la « grande » Anne Sylvestre m’énervait quand elle osait se plaindre alors qu’elle avait trouvé son public et se faisait payer assez cher pour aller chanter devant des enfants. L’élitisme a toujours été piégeux. Tout autant que la bêtise des chansons d’Annie Cordy qui valait mieux qu’elles. Les artistes deviennent au bout d’un temps des parodies d’eux-mêmes, confinés dans leur « style ». Alors vient le conformisme.
Je me suis souvent réfugié dans la confortable formule du : « j’ai des facilités, mais pas de talent ».
C’est assez bien dit mais frise l’autodénigrement.
Ne jamais céder au ressentiment
Il faudrait parvenir à ne jamais céder au ressentiment, à l’étiquette qui enferme autrui. Y compris soi-même. Il est difficile de résister au « comment les autres me voient ? ». Mais nous ne prenons pas le temps de nous regarder nous-mêmes.
La vraie question, la plus terrible, c’est de constater avec affliction que certains cherchent le conformisme et semblent y trouver leur bonheur. Ils suivent le chemin « prévu ». Ils sont dans « la norme ». Braves et honnêtes gens, consommateurs, électeurs parfois, ayant délégué le parcours de leur vie à l’ordre établi. Alors l’ incertitude leur semble insupportable, raison pour laquelle, ils appellent au secours le « parti de l’ordre » quand l’environnement, leur monde habituel, semble menacé.
Se ranger du côté de la vie
Trop de questions épuisent. Je vis sagement. J’ai bien assez de souvenirs, je pourrais mourir demain. J’ai aimé, été aimé, vécu de belles aventures. Je n’ai pas fait le quart du tiers de ce que j’aurais pu. Mais puisque tout tombera dans les limbes… je peux me réfugier dans l’aquabonisme. Vive l’autodérision tout de même ! Desproges manque au siècle.
Ou juste lâcher prise, me foutre la paix, laisser venir les choses comme j’en aurais envie en me fichant du regard des autres.
S’il n’y avait pas Internet, peut-être serais-je en train d’écrire un roman intéressant ?
Ou pas.