La poésie prend ses quartiers d’été. Tempo libre pour des textes alliant souvenirs, élans et découvertes. Peut-être bien que l’on y parlera d’amour. Quelque chose dans le temps suspendu. Ça ne rimera pas forcément. Commençons avec le ciment brûlant. Il suffit de fermer les yeux un instant et tout revient avec l’exactitude des horloges du cœur. À lire murmuré au fond d’une grande pièce, volets baissés.
Poème – le ciment brûlant
Ces après-midi-là,
La torpeur signait le ciment de la cour
Avais-je entendu le lourd portail grincer ?
À pas de félin, tu te glissais dans la maison,
Poussant la lourde porte
L’avion de ton désir me trouvait dans l’ombre
Et tu devenais fontaine de joie à mon épaule
Je tiens le galet du souvenir dans la main
Il est froid
Paupières baissées je suis dans tes yeux
Exactement dans ce souffle que tu laissas
Maintenant je marche avec ce cadeau
Toi tu chemines ailleurs, au loin
Ce qui s’estompe de nous
Ce qui nous a mélangés
Des mains de vieillards retiennent la porte où tu passas
Notre secret se tient les pieds nus sur le ciment brûlant
C’est cela l’amour
Nota
L’Académie consent depuis 1990 à ce que nous brûlions sans accent circonflexe. Auriez-vous aimé un accent sur circonflexe ? Il est lui même le souvenir d’un s tombé au champ d’honneur de l’imprimeur Plantin, je crois vers 1560. Alors c’est vrai, il n’y aurait rien d’inconvenant à écrire bruslant. La question n’est pas pour moi de respecter la tradition mais plutôt de souligner que l’on brûle mieux avec son accent… Les après-midis ont droit au s qui s’est perdu ailleurs. Mais je vois là midi comme l’heure. Je meurs dans la vieille orthographe disloquée entre les rancœurs des uns et les sermons des autres. Un monde sans accent, cela viendra peut-être plus tôt que l’on ne pense. Les accents sont les insectes du texte, on les pense inutiles… Pourtant, ils sont pollinisateurs des mots…
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