19 juillet vers 17 heures douze. L’heure est implacable. C’est inexorable et je n’y peux rien. Y penserez-vous le moment venu ? Viendrez-vous vérifier ce qui est dit plus bas ? Parce qu’à ce moment là, il sera strictement impossible de revenir en arrière. Nous n’y pourrons rien, ni vous, ni moi. C’est ainsi.
Un jour… ce jour ?
Un jour, peut-être ce serait un 19 juillet vers dix-sept heures douze ou treize
On aurait inventé toutes les musiques
C’est-à-dire, qu’on aurait trouvé grâce aux hommes et aux machines
Toutes les combinaisons possibles avec les notes, les demi-tons,
les quart-de-ton,
On aurait su faire varier cela avec tous les rythmes, les tempi…
Bref, on aurait tout trouvé
Absolument
Sans erreur possible
On ne pourrait plus rien inventer qui n’ait déjà été découvert
On aurait beau varier l’intensité, jouer à l’endroit ou à l’envers
En interposant des notes
On aurait beau jouer de la façon la plus aléatoire possible
On aurait beau vouloir s’émanciper des dissonances
On aurait beau secouer la grammaire des musiques d’ici ou d’ailleurs
Ce jour-là, un peu après dix-sept heures
Tout aurait été inventé en matière de musique
Les compositeurs ne seraient plus que des plagiaires
Les enfants eux-mêmes dans leurs murmures ou leurs gazouillis
Ne feraient plus que répéter en boucle du déjà-vu, déjà entendu,
connu d’avance
Tout aurait été trouvé jusque dans le creux le plus profond du silence
Dieu lui-même dans la soupente où il loge aurait été pris de désarroi
Il aurait convoqué les orages, fait grincer les forges
Mais on aurait déjà entendu cela
La poésie se serait brûlée les ailes
Telle la mésange se cognant au plafond
Et les remords auraient rongé chacune de nos maisons
Comprends cela ! Tout a été découvert ! Tout a été chanté !
Tout jusqu’aux tréfonds de l’Univers et dans l’aspiration des trous noirs
Tout aurait été dit, joué, dans cette mathématique funèbre
Tout de la clarté à l’ombre et jusqu’aux profondes ténèbres
Alors ce jour-là un 19 juillet peu après dix-sept heures
Toute notre intelligence serait devenue artificielle
Jusqu’à ce que ne s’éteigne, la dernière batterie de nos cœurs
Humanoïdes glacés, emplis de terreur
C’est alors que Dieu aurait décidé
De se suicider
Un 19 juillet, peu après dix-sept heures
