Je vais dans mon âge, je n’écris plus rien
L’Océan me voit pâle et je n’y peux rien,
Je vieillis en dehors de mon corps, j’aurais voulu
Mais je manque de temps, je n’ai pas su
Médiocre autodidacte, à moitié orphelin
Mes chaussures qui craquent et pourtant je reviens
Vers ce désordre intérieur et ce désordre ancien
La poussière me recouvre la tête et les mains
Je cherche, je m’exaspère, l’horloge me tue
Si je meurs sous la vague, je m’habitue
À l’idée que les algues couvriront ma bouche
Et que les mauvais rêves habitent ma couche
Je vous ai tant aimé mais vous pas
Ma compagnie vous la trouviez gentille
La serviette de coton, on la repousse à la fin du repas
On va marcher un peu au bord de l’Océan
Comme on va au bord de soi
Je vous ai tant aimé, il faut ranger la maison
Ce désordre qui revient, tondre le gazon
Je préfère les fleurs sauvages, ce myosotis heureux
Des présages silencieux, des oiseaux qui picorent
Nostalgiques, mon cœur sec et qui fait semblant d’y croire
Un surplus de mémoire
Je radote avec mes souvenirs, si seulement
Nous nous étions assez aimé pour que vous restiez, reveniez
Ô ! se pourrait-il que les hanches douces de la dune océane
Accueillent mon sommeil enfantin et me réconfortent
Je vieillis, je m’oxyde, je m’assèche et me fige
Je gèle dans le paysage sous le soleil et la vague
Recouvre mon enfance que je touche du doigt
Comme un objet qui se serait séparé de moi
Je vais dans mon âge, je n’écris plus rien
Que le désordre qui surnage, les parfums
Je les entends à peine dans ce décor, surexposé
Je vais dans ma vie, j’y suis alité
Comme un fleuve qui descend malgré lui-même
Et son sang se fige dans le sable, dans ses veines
Je descends dans mon âge, laissant la plaine bleue
La caresse du vent me pousse vers cet adieu
L’océan me regarde et je suis son enfant
Je viens, attends !