Je dois encore lâcher prise avec le perfectionnisme

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Cerveau

J’ai progressé. Mais je dois encore lâcher prise avec le perfectionnisme. Si mon cerveau a pris conscience de ce travers, il se laisse encore piéger facilement. Je reste souvent le pire intégriste pour moi-même, mais je me soigne en osant trouver de nouvelles récompenses plus satisfaisantes.


Pas de conseils à donner, ni vraiment à demander

L’exigence, c’est une forme d’éthique, de respect de soi et d’autrui. Ce que j’ai réussi le mieux tient davantage dans les efforts accomplis pour résoudre un problème que dans la réalisation en elle-même.

Je peux accompagner autrui, pas donner de conseils : ne pas confondre modèle et exemple. À chacun sa façon de faire en fonction de son histoire.

Je peux me reconnaître dans la démarche d’autrui, m’inspirer de sa pensée ou de ses essais mais je dois veiller à ne pas en faire un maître à penser qui me décevrait un jour parce que je trouverais une faille dans la conduite exemplaire…

Le Je que j’utilise ici c’est pour éviter de sombrer dans le travers du coach.

Être cohérent sans chercher à plaire

J’ai raconté l’autre jour l’anecdote relative au boycott des produits américains. “Est-ce que tu boycottes vraiment ? ” De l’examen à l’introspection, jusqu’à la justification ou la confession publique, l’exigence que je peux m’appliquer ne m’oblige pas à afficher sur Internet l’origine de tous les produits que j’achète par souci de transparence.

Je dis souvent que je n’utilise plus les géants du Web et leurs réseaux sociaux, que les logiciels et applications que j’utilise sont open source, libres et je sais expliquer pourquoi… Mais on est venu “me chercher” : tu ferais mieux d’utiliser Debian plutôt qu’Ubuntu, Signal a des failles et Firefox c’est pas top...

Je dis que je ne mange quasi plus de viande mais on vient me critiquer sur le fait que je mange encore des œufs. La vraie question pour moi est celle d’éviter d’acheter des œufs produits dans des conditions industrielles tout en recherchant la sécurité alimentaire…

Il y a toujours mieux, toujours plus pur… Un intégriste sommeille en nous. Regardez bien les discussions sur les réseaux sociaux.

Un des exemples se retrouve dans les disputes pour savoir qui est vraiment de gauche. Sans définir jamais ce qu’est “être de gauche”. Quand on creuse un peu, entre les paroles et les actes, il y a parfois de quoi être surpris. Certains se jurent de gauche, mais se conduisent en autocrates dans leur propre mouvement, d’autres font de telles concessions avec le pouvoir économique qu’il leur faudra des siècles pour limiter les inégalités s’ils y parviennent un jour… On peut transposer avec écologiste, féministe etc.

Certaines ou certains voudraient nous réduire dans leur universalisme, les autres nous enfermer dans leur communautarisme… C’est bon, j’ai perdu tout le monde !

C’est comme lorsque j’ écris un texte et qu’une personne se croit obligée de dire qu’elle est d’accord avec le texte (ça flatte l’ego) mais plus du tout à cause de la dernière ligne (sans dire pourquoi) comme un prof qui mettrait une annotation sans expliciter, juste pour discréditer, semer le doute. Alors on se laisse perturber par ce qui n’est qu’une attitude toxique.

Si je donne ces exemples, c’est que j’en fais – moins qu’avant mais encore- du petit bois pour le feu de l’autocritique. Je peux alors focaliser sur des détails… que les autres ont déjà oublié.

Le perfectionniste se croit le centre du monde alors que ses imperfections n’ont pas changé le cours des choses.

Encore à présent, si le site n’a pas 100% de réussite dans les tests de performance, je peux perdre du temps pour 1 ou 2% qui manquent. Le diable se loge dans les détails.

Si j’ai un retour négatif sur un texte, je peux le retirer ou vouloir le modifier en urgence.

Le risque est de devenir un intégriste pour les autres

Si je me piège moi-même à vouloir être parfait en tout, je risque vite de n’être qu’un Tartuffe de plus ou sinon de sombrer en austère chiant et rebutant. Si mon espace de vie est végétarien et non fumeur, ça peut effrayer, être vu comme une contrainte pour autrui.

Dans mon métier, je me souviens d’un élève qui avait dit : “Vous n’êtes pas sévère mais vous êtes exigeant”. Il faut que l’exigence soit à bonne mesure. L’exigence engage à donner alors les outils, faire avec, accompagner. Le problème du perfectionniste c’est qu’il ne hiérarchise plus et place tout sur le même plan.

Quand je travaillais avec d’autres, j’ai appris progressivement à déléguer et même à ne pas reprendre autrement que par des questions ce qui me semblait “imparfait” ou en tout cas problématique dans la production d’un collaborateur. Je me suis surtout rendu compte à l’expérience que l’imperfection que je voyais n’empêchait pas en général le projet d’être bien mené à terme et mieux encore que le projet super parfait n’allait pas forcément mieux réussir…

C’est affaire de priorité qu’on se donne, de savoir interroger ce qui compte vraiment. Il s’agit de ne pas confondre la perfection avec le sens de l’honneur, ou autrement dit de ne pas confondre fierté et orgueil. Ma devise reste “Ni honte, ni orgueil”

Les mauvaises herbes dans l’allée

Je dois retirer les mauvaises herbes dans l’allée. C’est écrit dans mon bail. Et j’éprouve un certain plaisir à les retirer. Enfin, ce ne sont pas des mauvaises herbes, mais des plantes qui poussent spontanément et vont revenir.

C’est comme le ménage. C’est toujours quand la maison est impeccable que le chien débarque avec les pattes pleines de terre.

Je me souviens de la maison toujours parfaitement nettoyée et rangée d’une belle mère. Outre le fait qu’elle faisait faire le ménage par une autre personne, nous n’osions rien chez elle, avions peur de laisser des traces de notre passage…. Mais c’était un univers “vitrine”, froid et mort.

L’imperfection c’est la vie ! C’est aussi la trace du mouvement, de l’usure du temps. L’imperfection écrit notre histoire humaine et nous différencie souvent mieux que nos supposées qualités…

C’est affaire d’équilibre.

Avoir une bonne hygiène est indispensable mais se désinfecter chaque jour des pieds à la tête tue le microbiote et est donc dangereux à terme.

Vouloir un espace fluide, allégé c’est bien mais l’ordre absolu peut vite nuire à la créativité et à la liberté !

L’humour

Un truc raté. Un problème (souvent technique) que je ne parviens pas à résoudre peut non seulement m’accaparer mais parfois engendre un vent de panique m’empêchant d’apprendre comment résoudre la question sereinement.

On se rend compte dans la vie de tous les jours que nombre d’implicites obèrent la façon d’agir à bon escient. Ils sont souvent entretenus, je dirai détenus, par de pseudo-experts qui font tout pour conserver un peu de pouvoir… C’est le “spécialiste” qui décrit un procédé en occultant une étape essentielle mais bloquante. Il vous dira que “c’est simple” mais il manquera une explication… Il n’aimera pas trop qu’on lui pose des questions d’ailleurs sur ce qu’il énonce comme une vérité absolue.

Hier je devais résoudre un problème de réglage sur ma voiture. Je sus le faire mais je découvris soudainement l’apparition de signaux d’alerte au tableau de bord. Qui dit alerte, dit stress : hors c’était juste une affaire de réglage préalable qui n’avait pas été annoncé, “tellement c’est simple”.

On s’affole, on peste, puis on apprend sans se disqualifier à se moquer de soi.

“Tu vois, tu y es arrivé !” ou le fameux “il n’y a pas de problème, il n’y a que des solutions”. L’autodidacte que je suis s’y coltine souvent, perdant parfois du temps à aller un peu vite avec des expériences empiriques.

Se moquer de soi ou d’autrui évite de s’enferrer dans des attitudes trop sérieuses, normatives, culpabilisantes. Mais je dois tout de même m’enseigner à dédramatiser…

Qu’est ce qui est important ?

Souffrir le martyr ou agir mû par ses valeurs ? La réussite matérielle ou l’épanouissement et l’enrichissement personnel ? Ce que j’ai appris ou ce que j’ai produit ? L’imperfection ou la sincérité ? Ce que je fais par choix ou ce que je fais par devoir ?

Le besoin de perfectionnisme est souvent l’emprise du passé (du passif), une pression externe mal digérée, un besoin de reconnaissance où l’on oublie de prendre soin de soi, de se féliciter, de s’encourager.

C’est intéressant de décrypter dans nos erreurs celles induites par de vieux réflexes du cerveau, la pression extérieure, l’histoire de notre vie et de voir si nous choisissons de renforcer une posture qui nous encombre ou de progresser tranquillement en honnête homme ou femme…

Pourquoi je pense soudain à la chanson popularisée entre autres par Félix Leclerc ?

Je m'souviens qu'ma mère m'aimait
Et je suis aux galères
Je m'souviens qu'ma mère m'disait
Mais je n'ai pas cru ma mère
Ne traîne pas dans les ruisseaux
T'bats pas comme un sauvage
T'amuse pas comme les oiseaux
Elle me disait d'être sage
J'ai pas tué j'ai pas volé
J'voulais courir la chance
J'ai pas tué j'ai pas volé
J'voulais qu'chaque jour soit dimanche

La chanson à écouter !

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