Une façon pour moi de vivre en poésie, de toujours revenir à la poésie, c’est de m’en aller en exploration dans un lieu connu ou inconnu, y faire collecte de surprises, d’inattendu. Ce peut être un paysage, un lieu urbain, la campagne, une exposition, un jardin. Ce n’est pas juste se promener ou guetter, c’est entrer dans le paysage, dans son intimité. Ce voyeurisme doit être aussi délicat que discret et ne rien emporter. Ce n’est pas du tourisme. La photo n’est qu’un reflet qui ne dit pas toute l’émotion, ni les sensations…
Figeac la délicate
On associe Champollion à son nom. Admirable place des écritures, admirable musée. Figeac est un lieu presque théâtral, moins brut que Villefranche de Rouergue. La sous-préfecture est toute aussi fragile avec des façades qui ne tiennent parfois à presque rien… L’Histoire affleure dans chaque pierre.
Il faut y aller en toutes saisons et en changeant d’heures. L’été on peut trouver le bonheur d’un peu de fraîcheur dans les rues étroites… où le vent glacial soufflera des contes effrayants l’hiver. Le matin y est bavard et humide, midi la fait chanter et le soir la rend mystérieuse, amoureuse. La ville est pleine de secrets.
Il faut prendre le temps de regarder les chats qui passent, les âmes perdues, les touristes ébahis… Se faire discret.
Jeux d’ombres, jeux du soleil. Danse des arbres au dessus des murs dont les fenêtres sont ouvertes sur le vide. Rien n’est plus poétique et touchant que ce lieu.
Si je passe à Figeac, peu importe la raison ou la saison, je trouverai à venir sur cette place des écritures. Joseph Kosuth a agrandi pour nous la Pierre de Rosette. Je n’ose pas comme les enfants marcher sur elle. Sous la pluie elle prend d’autres teintes. Entre ombres et soleil, elle nous apporte toute l’Histoire du Monde. Et voilà toute la mystique de la langue offerte aux passants.
Regardez comme les gens passent dans ce décor. C’est comme s’ils mettaient en scène leur propre déambulation. On ne traverse pas ce lieu comme une rue ou une place quelconques.
Dénicher des surprises
Chercher des passages
Dans ces explorations, je me fais un point d’honneur à chercher la rue oubliée, le passage inconnu… Il suffit d’un arbre en fleurs pour transformer un espace que je n’avais fait que regarder de loin, d’un œil discret. On s’approche, on avance : était-ce une voie sans issue ? Ici c’est la petite rue des Marguilliers. C’est eux qui inscrivaient autrefois les pauvres au registre d’aumône.
L’escalier
J’ai découvert cet escalier incroyable. Il est toujours en usage. Un vélo y était appuyé plus bas. Pour le découvrir il faut passer une petite rue, puis s’avancer encore…
Seul ou en amoureux…
Ces collections secrètes de lieux, d’espaces, de petits miracles de poésie ne méritent pas d’être figées par la photographie. Ce ne sont pas des lieux à visiter en horde, en groupes de touristes affamés d’images, ni même en famille après le restaurant… Non, il faut y aller seul-e ou avec son chien, ou peut-être avec une amoureuse ou un amoureux quand le moment de la passion est si fort qu’on se forgera alors des souvenirs partagés…