Pris au piège du dénigrement. C’est ce qui m’est arrivé ce matin. Il m’a suffi d’une courte séquence à la télévision. Un homme politique dans une posture assez « énervante » à mes yeux pour que j’aille m’indigner sur les réseaux sociaux. C’est facile, c’est rapide et très vite on trouvera l’assentiment de compères. Et puis, heureusement une sorte de réflexe éthique m’a permis de reprendre la main sur les émotions et le ressentiment. J’ai pu retirer le message. Du coup, petite pause pour réfléchir. Si je veux changer de vie, ne faut-il pas commencer par moi même ?
Pourquoi ai-je réagi ainsi ?
Pourquoi voir cette image d’un responsable politique, dans un moment public mais dans un temps dédié aux sports a pu ainsi m’énerver ? La personne n’a pas fait là de déclaration particulière, ni posé d’acte politique, ni exprimé un projet.
J’ai trouvé pourtant sa posture indigne et ridicule au regard de sa fonction et ce d’autant plus que cette personne revendique publiquement la nécessité de respecter l’autorité. Elle me semblait par son attitude favoriser l’abaissement de sa propre fonction institutionnelle. On peut se poser la question de la sincérité de sa posture, d’une attitude opportuniste ou démagogique… Peut-être s’agissait-il d’une provocation plus ou moins consciente, une façon d’occuper le terrain, de faire le buzz quitte à m’attraper en me forçant finalement à me positionner… j’ai été pris au piège de mes émotions et au lieu de parler « morale », j’étais déjà dans la « moraline ».
Je me suis donc retrouvé avec une forme d’agacement, au bord de la colère.
Je n’éprouve pas de jalousie vis à vis de cette personne, le pouvoir ne m’attire pas. Dans la situation politique particulièrement trouble que traverse le pays, je considère même si certains voudraient une « trêve » que le travail des hommes politiques ne devrait pas s’interrompre. J’éprouve un sentiment d’injustice et de déception notamment quand je pense aux personnes défavorisées qui attendent des mesures d’urgence. Mais si je suis fâché au delà de cette personne, contre la classe politique, il y a autre chose. Je me dis insidieusement que je n’ai pas su m’engager suffisamment, là où j’aurais dû. Une culpabilité sourde ?
J’ai servi l’État plus de quarante ans. Il m’est arrivé de manifester, de participer à des mouvements… Je ne me suis jamais retrouvé dans la démarche des partis politiques que je trouvais trop dans le bavardage ou englués dans des querelles de pouvoir… J’ai toujours voté, je ne suis pas resté indifférent. Je ne me sens pas vraiment représenté… En moi peut sourdre le reproche de « ne pas y être allé » de façon plus déterminée encore. Alors, de l’autre côté de l’écran, je me suis retrouvé à m’agacer… comme un vieux con finalement. Alors dénigrer autrui, ce ne serait qu’une façon inversée d’auto-disqualification ?
En voyant ces images, je n’ai pas insulté, j’ai quand même employé des adjectifs dénigrant comme « pathétique »...
Tout ça pour quoi ?
Pour voir si j’étais le seul à ressentir la même chose ? Pour me trouver des alliés ? Mais soit j’allais trouver l’assentiment prévisible de quelques amis, soit j’allais énerver celles et ceux qui au contraire avaient trouvé la posture de l’homme politique plutôt sympathique…
Un deuxième risque était au passage d’aller nourrir la rancœur de personnes également opposées à cet homme politique, mais pas du tout pour les mêmes raisons que moi. Autrement dit, je pouvais ainsi me retrouver avec des alliés de circonstance, capables d’aboyer plus forts que moi, d’instrumentaliser ma propre parole pour en tirer bénéfice alors que nous sommes opposés en réalité sur les valeurs profondes.
Un troisième risque était également de ne susciter quasi aucune réaction et de me renforcer dans une posture atrabilaire…
Le bruit du dénigrement et sa focalisation sur les personnes, fait que le débat est occulté. On clive, on ne réfléchit pas aux problèmes de fond. On peut alors mettre du bois au feu du ressentiment.
Si je suis mu par la volonté de « faire société », je ne peux croire à la pureté d’une « solution » à nos difficultés qui ne tiendrait pas compte des autres. Il faut faire concession (sans se sacrifier) . Il faut savoir faire preuve d’assertivité…
Utile ou inutile ?
L’expression d’une réaction doit être réfléchie. C’est une évidence dit comme ça. Le fameux « tourne 7 fois ta langue avant de parler… »
Quel est mon but ? Est-ce que ça va servir « la cause » ? Est-ce que c’est conforme à mes valeurs ?
Certes, je peux éprouver un sentiment de frustration quand à certaines périodes je ne peux transformer des évènements. J’ai le droit de m’exprimer pour défendre une cause, en étant pédagogue, en rappelant les valeurs… il faut faire patience… Si j’ai des valeurs, je ne peux pas m’en défaire sous prétexte que je rencontre l’adversité.
Souvent, il sera plus utile de ne rien dire et d’agir sur d’autres versants plutôt que de donner du relief à un évènement ponctuel. Si j’attends d’une personne qu’elle soit « exemplaire », il est mieux de l’être mais pas seulement dans les apparences, en sincérité réelle.
Bienveillance avec soi et énergie « renouvelable »
La première chose est de veiller à soi. Être présent à soi même avec ses émotions, ne pas s’exposer à ce qui peut attiser des idées négatives… Oui, il faut être bienveillant avec soi, se respecter et s’accepter y compris dans ses défaillances. On dit « reprendre ses esprits« . Ça commence par se rassurer.
Seule une personne qui se respecte vraiment saura respecter autrui. Lapalissade ?
Derrière cela, je vois la question de l’énergie : celle que l’on dépense dans des actions vaines comme ces réactions sur les réseaux sociaux, celle qui agite notre cerveau au point de le perturber, de le blesser et nous empêche en réalité de bien penser à nous même et aux autres. C’est du gaspillage relationnel, émotionnel et même de temps. C’est perdu dans le sable. Ça bouffe du dedans. Et cette excitation peut nourrir de mauvaises habitudes pour notre cerveau un peu comme une addiction.
Le corps va suivre. Alors on se crispe. Les points de tension se fixent jusque dans la nuque, le dos. En réalité, dénigrer c’est « se faire du mal » à soi en premier.
Il peut-être beaucoup plus pertinent de s’offrir alors un temps de méditation, de marche à pied ou même de jardinage.
D’ailleurs, c’est très symbolique, je suis allé tout à l’heure à la chasse aux ronces dans le jardin. Ces ronces prolifiques et envahissantes qui étouffent les buissons en les étranglant et débordent sur le chemin en risquant de blesser les passants. Vous m’auriez vu plonger sous la haie pour extirper la racine de la ronce coupable.
Je sais que nombre de ronces repousseront pourtant, mais je négocie leur extension dans l’espace et je défends la survie de la haie… La métaphore vaut ce qu’elle vaut… il n’empêche que c’est après ce temps que j’ai compris, qu’il restait d’autres ronces « numériques » nettoyer…
Soulagement
Je conserve mon esprit critique. Mais je ne dilapide pas mon temps et mon énergie. Au final, je ressors de cet épisode soulagé.
Soulagé parce que j’ai su me reprendre, parce qu’au regard des difficultés du monde, ça ne valait pas la peine de s’agacer, soulagé parce que j’ai su me reprendre, m’alléger, renouer avec mes propres valeurs.
C’est parfois un peu plus compliqué que de cracher son venin en ligne, mais autrement apaisant, gratifiant, enrichissant et mobilisateur…
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